DR JOS: "Il faut absolument que des fast-foods soient ouverts dans les hôpitaux belges!"

Emmener ton docteur préféré au cinéma, c'est tout de même autre chose que ta petite amie. S'enfilant goulûment nachos sur nachos et sirotant son méga gobelet de cola, Dr Jos m'a accompagné à l'avant-première de Super Size Me, le remarquable documentaire anti-fast-food (critique sur ce site).

La réaction du docteur après le film fait encore partie des annales: "Où se trouve le McDonald's le plus proche? Tout cela m'a donné faim!"

Quinze minutes plus tard. Le docteur et moi sommes assis devant un grand Big Mac Menu. A notre gauche se trouve une bande d'ados, à notre droite une petite famille bien propre sur elle. "Est-ce que tu vois quelqu'un ici qui dépasse les 200 kilos?" demande le docteur. "Moi non, il faut absolument que ces foutaises sur les fast-foods prennent fin!"

Dr Jos: (mord à pleines dents dans son Big Mac) Bon, c'est vrai que ce film est bien foutu, mais il reste quand même très tendancieux. Ça reste purement et simplement une manipulation du clan végétarien!
GUIDO: Résumons un peu: le créateur du documentaire Super Size Me a mangé durant un mois trois fois par jour chez McDonald's. N'est-ce pas un peu malsain?
Dr Jos: Oui, je ne le ferais pas naturellement. J'aime parfois manger un bon gros hamburger, mais je mange aussi des moules, un beefsteak ou du chinois. Et ça, ils n'en vendent pas chez McDonald's. Manger trop souvent la même chose n'est pas sain, mais ça ne vaut pas seulement pour les fast-foods, ça vaut pour tout. Manger tous les jours un martino, c'est aussi malsain. Tous les jours des spaghettis? C'est pas bon, mieux vaut alterner.
GUIDO: Comment expliquez-vous que les fast-foods aient une si mauvaise réputation quand un parle de nourriture saine?
Dr Jos: (trempe une frite dans son pot de mayonnaise) Honnêtement, je me pose parfois la question. Allez, prends par exemple un Big Mac Menu, ou n'importe quel menu de n'importe quelle chaîne de fast-foods. Quick, Burger King, whatever. Qu'est-ce qu'on y trouve? Un morceau de viande. Du pain. Un peu de légumes. Un produit laitier si tu prends un hamburger avec du fromage. Et une boîte de pommes de terre. Eh bien, pense un peu à tes premières leçons sur la nourriture saine à l'école primaire. Tu te souviens du trèfle à quatre feuilles? Manger chaque jour quelque chose dans chaque feuille du trèfle: viande, céréales, un produit laitier et des légumes. Exactement ce que tu reçois dans un fast-food! (rires) Eh oui, un tel menu hamburger est la mise en œuvre littérale du trèfle à quatre feuilles!
GUIDO: Mais il doit quand même y avoir quelque chose? Cette mauvaise réputation doit bien venir de quelque part?
Dr Jos: Ecoute, pourquoi s'en prend-on aux fast-foods? Car ceux-ci comptent un nombre relativement haut de calories par 100 grammes. (boit son cola bruyamment) Une teneur énergétique élevée, comparée aux plats cuisinés chez soi. Maintenant, il n'y a rien de mal là-dedans, tout dépend de la portion que tu manges. Si tu n'as pas assez d'un menu et que tu commandes un hamburger supplémentaire, tu auras évidemment engouffré plus de calories. Mais, si tu vides simplement ton assiette, même si tu ne reçois ici pas d'assiettes, ça ne sert à rien de s'inquiéter. Et tu pourrais maintenant dire: pourquoi ne diminuent-ils pas la teneur en calories par 100 grammes? Car il a été prouvé que les gens allaient encore plus en manger. En fait, cela plaide en la faveur de chaînes de restauration rapide qu'ils ne rendent pas leurs hamburgers plus pauvres en calories, car alors, ils pourraient en vendre plus par client! (rires)
GUIDO: Donc, selon vous, l'épidémie d'obésité aux Etats-Unis ne serait pas due aux chaînes de fast-foods?
Dr Jos: Ce ne sont que des histoires. On a déjà fait des tas d'enquêtes sur le sujet aux States, selon lesquelles il est prouvé que la fréquentation des fast-foods chez les enfants 'normaux' est aussi élevée que chez les enfants gros. Exactement la même! Je dirais même plus: en continuant d'affirmer que les enfants obèses sont gros car ils mangent trop souvent dans des fast-foods et ne font pas assez de sport, on ne fait que les stigmatiser. C'est comme dire: "Tu vois, tas de graisse, c'est entièrement de ta faute!". A ce moment-là, nous ne sommes plus si loin de la discrimination. Attention: il ne faut pas stimuler les enfants gros à manger des hamburgers cinq jours par semaine, mais ça ne veut pas dire que ce sont justement ces hamburgers qui sont les premières causes de leur poids. La cause de l'obésité est beaucoup plus complexe que cela. L'hérédité joue un grand rôle, combinée avec une série de facteurs comme le régime et autres. La réalité médicale est beaucoup plus complexe – et par conséquent, un rien plus emmerdante – que ce qu'un film populiste comme Super Size Me veut en montrer. (prend une profonde respiration) Wow, quelle démonstration! On en aurait presque faim! (pousse le reste de son Big Mac vers l'intérieur)
GUIDO: Encore un grand moment de Super Size Me: en Amérique, ils ont même des fast-foods dans les hôpitaux!
Dr Jos: En Australie et en Nouvelle-Zélande aussi. Et j'applaudis des deux mains! Il faut absolument que des fast-foods soient ouverts dans les hôpitaux belges!
GUIDO: Vous êtes sérieux?!!
Dr Jos: Tu as déjà passé un séjour dans un hôpital? La nourriture des hôpitaux est dégueulasse! Après deux jours, tu n'as qu'une seule envie: un hamburger avec des frites! Et indépendamment de cela: comme les fast-foods contiennent autant d'énergie par 100 grammes, ils sont très appropriés aux malades. Ceux-ci doivent reprendre des forces et ont donc besoin de beaucoup d'énergie. Récemment, notre Jean-Marie a été victime d'une infection. Il avait mauvaise mine, était faible et refusait de s'alimenter. Qu'ai-je alors fait? Je l'ai emmené au Quick et je lui ai acheté une Magic Box. Il n'a mordu que deux fois dans son hamburger, avec quelques frites en prime, mais ainsi il a pu avoir des calories en suffisance!
GUIDO: Les fast-foods: des médicaments?
Dr Jos: Oui oui! Pourquoi pas? Prends par exemple ces filles de 15 ans à moitié anorexiques qui sont trop maigres et qui souffrent d'anémie. Tu ne dois pas obligatoirement leur donner des suppléments nutritifs et des pilules de fer du< pharmacien. Emmène-les manger un bon hamburger et elles retrouveront le fer, calcium et magnésium dont elles ont besoin! Même chose pour les étudiants en blocus: oublie ces vitamines et ces autres pilules, mais va plutôt manger dans un fast-food. Pas tous les jours, mais par exemple après un examen difficile. Cela suffit amplement à remplacer tous ces minéraux essentiels. (regarde autour de lui) Ecoute, ça m'a donné soif de parler de ces hamburgers, frites et tout le toutim. Ils vendent de la bière ici, Van Caesbroeck?
GUIDO: Seulement si vous prenez un repas, docteur.
Dr Jos: Damn! (réfléchit et pose un billet de 20 euros sur la table) Allez, va me chercher un Royal Cheese, avec une pinte en prime. Et prends encore quelque chose pour toi car tu as mauvaise mine. Commande une chope supersize! (hurle de rire)

(RVC)

A ceux qui veulent en savoir davantage, Dr Jos recommande les ouvrages suivants:

Ordonez, Fast-food lovers, unite!, Newsweek., mei 2004
Bowman e.a., Fast food consumption of US adults: impact on energy and nutrient intakes and overweight status, J-Am-Coll-Nutr., apr. 2004
Mello e.a., The McLawsuit: the fast-food industry and legal accountability for obesity, Health-Aff., nov-dec. 2003
Prentice e.a., Fast foods, energy density and obesity: a possible mechanistic link, Obes-Rev., nov. 2003
Matthiessen e.a., Size makes a difference, Public-Health-Nutr., feb. 2003
Nielsen e.a., Patterns and trends in food portion sizes, 1977-1998, JAMA., jan. 2003
Grajeta e.a., Fe, Ca and Mg contents in selected fast food products in Poland, Nahrung., feb. 2002
Kearns e.a., "Happy Meals" in the Starship Children's Hospital: interpreting a moral geography of health care consumption, Health-Place., jun. 2000
Bandini e.a., Comparison of high-calorie, low-nutrient-dense food consumption among obese and non-obese adolescents, Obes-Res., sep. 1999
Bandini e.a., Myths about childhood obesity, Pediatr-Ann., okt. 1992