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01/06/2006

FESTIVALS : Le bonheur est dans le pré

Chaque été, des hordes sauvages et tonitruantes se rassemblent par dizaines de milliers en pèlerinage au son saturé de la guitare électrique. Sur d’immenses prairies de notre Plat Pays, ils se livrent à d’étranges grands messes.

En extase devant des prophètes qu’ils vénèrent (c’est vrai qu’ils tiennent plus du joueur de flûte de Hamelin que de Benoît XVI…), ils communient tous ensemble, parfois porté par des substances plus ou moins licites, célébrant la jeunesse éternelle, l’irrévérence, l’excès et le rock’n’roll. Viens toi aussi les rejoindre, le bonheur est dans le pré!

Voici venu le temps des festivals! Mais, à moins que vous ne vous aventuriez au fin fond des Ardennes spadoises, vous ne risquez pas d’y rencontrer de vilain (loup) garou… Ouf! Par contre, tout au long de l’été, de Boechout près d’Anvers à Dour en passant par Bruxelles et Werchter, sans oublier Kiewit près d’Hasselt et Nandrin, c’est une véritable orgie musicale qui attend les festivaliers, au menu et dans le désordre: The Chemical Brothers, New Order, Bloc Party, Soulwax, Nine Inch Nails, Hollywood Porn Stars, Jane Birkin, Arno, The Prodigy, Tahiti 80, the Hacker, Marylin Manson, LCD Soundsystem, Kraftwerk, Queens of the Stone Age, REM…

59 groupes à Werchter, 27 à Couleur Café, une soixantaine au Pukkelpop, des dizaines de DJ’s aux Ten Days Off de Gand et pour les plus téméraires, plus de 200 groupes au festival de Dour. Gare à l’indigestion.

Tout avait pourtant petitement commencé…

En 1974, pour sa première édition, Rock Werchter proposait deux groupes à l’affiche, pour les trente ans du festival, plus de 280.000 spectateurs ont cassé leur tirelire et se sont arrachés les billets jusqu’au dernier pour une affiche d’anthologie: The Cure, Metallica, Franz Ferdinand, Magnus, PJ Harvey, Placebo, 2many DJ’s, Pixies, Girls in Hawaï…

L’histoire de ces pèlerinages modernes commence en pleine Guerre du Vietnam, dans la mouvance de la contestation hippie aux Etats-Unis par le Festival de Monterey en Californie en 1969. Toutes les légendes du rock, de Joplin à Hendrix, des Mama’s and Papa’s à Simon and Garfunkel ou The Who, avaient fait le déplacement gratuitement pour propager la paix et l’amour (à l’heure où Metallica part en croisade contre le P2P, c’était tout de même beau le Flower Power…).

Monterey marquait le début du Summer of Love qui se prolongea en 1969 avec le festival de l’Ile de Wright en Grande Bretagne et le festival de Woodstock. 500.000 personnes passèrent trois jours sur une immense prairie perdue au milieux de l’état de New York, imbibés de diverses substances, à manger tout autre chose que des fleurs, faire l’amour, se promener nus, prendre des bain de boue sous la pluie et assister à l’histoire du rock en direct: Jimmy Hendrix, Janis Joplin, Joe Cocker, … y donnèrent leur plus grand concert.

Loin de moi l’idée de vous jouer le couplet lancinant de la nostalgie façon solo de guitare mielleux à la Santana, mais l’esprit de ces modèles perdure encore aujourd’hui parmi les festivaliers qui veulent eux aussi vivre l’expérience de la fatigue, de la crasse, de la malbouffe et de la promiscuité pour le seul amour de la musique. Pour pouvoir dire une fois revenu, des paillettes dans les yeux devant ses potes verts de jalousie: "J’y étais!"

Festival Rock Survival Guide

La musique réclame beaucoup de sacrifices, en premier lieu celui de sa tirelire puisqu’il vous en coûtera une soixantaine d’euros le ticket d’une journée à Werchter. Cependant, comme à Colruyt, plus on achète en gros moins le prix unitaire est élevé, ainsi le ticket de 4 jours ne coûte "que" 120 €. Mais comme on dit, quand on aime, on ne compte pas.

Dans les festivals, la musique se vend pourtant au kilo et tout comptes faits, on en arrive pour Werchter à 2 € par groupe. Pas mal, mais à ce jeu là, Dour écrase les prix: plus de 200 groupes pour 70 €, ce qui nous fait le concert à 30 centimes…

Une fois son précieux sésame en poche, il reste au pèlerin à se rendre sur place. Souvent, il se déplacera en groupe (passer 4 jours tout seul au milieu d’une foule tend à s’écarter sensiblement de l’idée de "fun" inhérente à tout festival rock), en train et puis en bus, fort judicieusement affrété par les transports publics ou en voiture. Dans son sac, il aura pris soin d’emporter l’essentiel: sac de couchage, couverture (les nuits d’été sont parfois fraîches), pull et plusieurs t-shirts (qui feront office d’éponge à transpiration, les douches étant rares). Il pensera aussi à prendre des vêtements de pluie (les journées d’été sont parfois humides), sa tente igloo ou canadienne (suivant qu’il vienne en couple ou en mini van) et son matelas pneumatique (même si les nuits sont courtes, en plus d’être fraîches et humides, autant qu’elles soient le plus confortables possible). Il pourra aussi emporter une mini chaîne, façon ghetto blaster, histoire de couvrir le son du mini van d’à coté, et des boules quiès (histoire de dormir quand à 4h du mat’ les voisins du mini van seront toujours en plein récital de dijeridoo et djembé).

Mesdames, si une trousse de maquillage vous transformera en icône punk, un déodorant efficace restera pendant ces quatre jours votre meilleur atout séduction. Sont par contre formellement interdit dans l’enceinte du camping et sur tout le festival: les bouteilles en verre et en plastique, les canettes, les grands couteaux (au cas où, rendu fou furieux par les battements insistants des djembés de vos chers voisins du mini van, vous n’ayez eu des envie sanglantes), les grands réchauds à gaz et les feux de camp (ce n’est pas parce qu’on dort sous tente qu’il faut se croire aux scouts). A cet effet, le festival de Dour, à la pointe de la convivialité, a prévu des "cooking islands" où chacun pourra faire frichtouiller sa tambouille ( Herman Schueremans a sans doute prévu qu’à Werchter, tout le monde payerait 3 € pour un hamburger au ketchup curry et oignons crus, accompagné d’une Primus coupée à l’eau…).

Les animaux, hormis les chiens guides d’aveugle, seront définitivement confinés à la quarantaine (oui, je sais que les voisins du mini van ont des looks pas possible, mais un festival, c’est pas non plus l’arche de Noé). Puisque chaque temple a ses marchands, le festivalier trouvera sur place tout ce qu’il désire, du menu végétarien au traditionnel hot dog, du T-shirt de son groupe préféré au précis d’ésotérisme avec son piège à rêve fourni. Et s’il n’a plus de cash après avoir payé son parking, son camping, ses boissons, sa douche, Rock Werchter a même prévu des distributeurs et une agence bancaire mobile. Le bonheur ne se trouverait-il pas finalement dans la carte Visa?

Toutes ces basses considérations matérielles réglées, il nous reste à aborder le principal: le show. Comme on vous le disait, c’est un peu la crise du logement du coté de la scène, avec plus de 200 groupes sur 6 scènes à Dour, il va falloir faire des choix, forcément déchirants. Définissez donc un programme (LA bible du festivalier) à l’avance. Vu que la taille du site peut faire plusieurs hectares, les jambes seront grandement mises à contribution. A ce titre, un festival rock se révèle vite une véritable épreuve physique à faire passer Koh Lanta pour un camp de vacances. Une fois arrivé aux premières loges pour pouvoir crier à son idole sa vénération, notre pèlerin-festivalier se rendra vite compte qu’en bas de la scène aussi, et surtout, c’est la crise du logement et qu’il va devoir défendre chèrement son espace vital sans cesse menacé par les pogoteurs, slammeurs, voisins du mini van (encore eux!) tout en essayant de s’amuser et d’écouter son artiste préféré.

Pour information, le pogo est une forme de danse que l’on pratique dans un concert sur une musique de préférence bien rythmée et qui consiste à rentrer violemment d’un coup d’épaule dans ses voisins en sautant. Profitez-en d’ailleurs pour rendre la monnaie de leur pièce à vos chers voisins du mini van. Le slam consiste quant à lui à se faire propulser par un de ses congénères pour atterrir à plat ventre sur la foule et "flotter" dessus le plus longtemps possible jusqu’à la fosse. Attention à ne pas se prendre un pied dans la gueule… Comptant qu’en une journée on assiste en moyenne à une dizaine de concerts à ce rythme épuisant, on a du mal à suivre la tête d’affiche qui clôture traditionnellement la journée autrement qu’assis à distance respectable de la grande scène. Au bout de quatre jours de ce régime éreintant, brûlé par le soleil ou trempé par la pluie, maculé de boue avec la gueule de bois, notre pèlerin reviendra nostalgique et vanné avec des souvenirs jusqu’à l’année prochaine et s’endormira dans le train, le sourire aux lèvres

Access backstage

Mais derrière la scène, en coulisses, une véritable armée de techniciens, monteurs, cuistots, ingénieurs son, éclairagistes, tourneurs s’active pour faire tourner les rouages de cette énorme machine. Parmi eux, on compte énormément de bénévoles, surtout des étudiants, attirés par la perspective de travailler aux cotés de stars mondiales ou plus prosaïquement, de pouvoir assister au festival gratuitement.

Le festival de Dour fait massivement appel aux bénévoles. Selon Carlo di Antonio, organisateur du festival, ils étaient plus de 600 l’an passé. "Le deal est assez équitable, chaque bénévole travaille une quinzaine d’heures logé et nourri sur le festival et il peut assister gratuitement à tout le festival." Le bénévole est aussi motivé par l’expérience de travail elle-même: "Il y a des habitués qui reviennent chaque années et qui travaillent toujours au sein des mêmes équipes de bénévoles. Nous, on les rappelle parce qu’on les connaît et qu’ils bossent bien. C’est un peu comme une grosse réunion de famille."

On retrouve les bénévoles un peu partout sur le site du festival: au parking, au stand info, à la circulation, au recyclage, à l’accueil des artistes… Michel Ange a lui travaillé à la garderie du festival de Dour: "J’habitais Boussu chez mes parents et le festival de Dour pour la région de Mons, c’est vraiment un évènement qui dynamise toute la région. C’était vraiment une expérience géniale. On avait finalement tout le temps de profiter du festival puisqu’il y a avait des roulements des équipes, se balader entre les scènes, découvrir plein de petits groupes, avec ce coté taille humaine qu’a le festival de Dour qui te permet de vraiment profiter des concerts. Ca m’a aussi permis de rencontrer des gens dans mon équipe avec qui je suis encore très proche aujourd’hui."

Baby-sitter de stars

Ce coté familial, très soudé, Denis l’a aussi vécu au festival des Nuits Botaniques où il a travaillé pendant 5 ans. Denis travaillait à l’accueil des artistes, un job pas toujours de tout repos… "On était une équipe de 6-7 personnes pour toute la durée du festival. On se connaissait bien, on était très soudés et on travaillait très bien ensemble. Pendant les Nuits, il y a environ trois concerts par salle et on s’occupait plus particulièrement d’une salle et des artistes qui y jouaient. On était un peu leurs baby-sitters. Il fallait aller les chercher à la gare ou à l’aéroport et les accompagner pendant tout leur séjour, les diriger dans le bâtiment, les guider vers leurs loges, vers la scène, surveiller l’heure. C’était la partie agréable, et même carrément enrichissante du travail. En plus de l’ambiance qui était géniale entre nous, ce job m’a permis de faire de rencontre avec des personnalités incroyables comme Jeanne Moreau ou Compay Segundo. Je me suis retrouvé à discuter pendant 20 minutes avec cette légende de la Salsa qui ne parlait pas un mot d’anglais et moi pas un mot d’espagnol, parce qu’à 1h du mat’, on était occupé à courir la ville pour lui ramener un poulet-frites. Et le plus fort, c’est qu’on se comprenait. Je me suis aussi retrouvé en pleine nuit au piano bar d’un hôtel en train de chanter n’importe quoi au micro pendant que Moby m’accompagnait au piano. Après des expériences comme ça, tu ne peux plus aller voir un concert de la même façon. Quand le bassiste des Giant Sands te corrige ton devoir d’anglais, tu regardes surtout la personne derrière le personnage de l’artiste."

Brigitte Fontaine et ses croquettes au fromage

"Faut pas croire, il y avait aussi des tâches plus ingrates comme le catering, remplir les frigos, ranger les loges, déchirer les billets, aider au rangement du plateau… Alors quand on voyait des bénévoles débarquer avec une mentalité de groupie ne s’imaginant que le côté paillette du métier, ça ne fonctionnait pas du tout. Il faut savoir aussi supporter de faire le boy pour des caprices de divas de certains artistes. Il faut se coltiner leurs crises d’humeur ou de folies à certain moment. Accueillir Brigitte Fontaine qui fait un scandale pour avoir des croquettes au fromage ou les Tindersticks qui envahissent le plateau et piquent tout l’alcool qu’ils peuvent trouver et qu’il faut après réussir virer le plus diplomatiquement de leur loges pour les prier d’aller faire la fête ailleurs. J’ai eu aussi une très mauvaise expérience avec Mano Solo qui avait un caractère absolument imbuvable, injuriant tout le monde autour de lui et ne réservant son amabilité qu’à son chien! Depuis, je ne peux même plus écouter sa musique. Il faut aussi toujours s’adapter à la demande. Même si parfois, on est bien obligé de refuser quand elle sort de la légalité…"

Denis travaille aujourd’hui pour une grande institution culturelle bruxelloise et reconnaît volontiers que cette expérience lui a été des plus utiles pour trouver du travail à la fin de ses études: "C’est un milieu très difficile d’accès et qui a peu de moyens. Pour s’y faire une place, il faut donc vraiment payer de sa personne. Chaque année, je me défonçais pendant quinze jours au festival, ne dormant pas de la nuit sans compter mes heures. Mais ça m’a permis aussi de décrocher un job d’étudiant payé pendant toute l’année au Botanique". Façon de joindre intelligemment l’utile à l’agréable, vous savez ce qu’il vous reste à faire…

(AG)


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