JEAN VAN HAMME: "Je trouve mes idées de scénario dans les journaux"

Sort déjà la fin du premier cycle de Lady S., dernière série en date de Jean Van Hamme. Après avoir découvert le passé de Suzan, nous la suivrons dans son combat contre le temps dans un conflit naissant avec l’ambassade de Turquie, avec en toile de fond, l’adhésion de ce pays à l’Union européenne. Après Thorgal, Largo Winch et XIII, Jean Van Hamme nous parle de sa première héroïne, la belle Lady S.

GUIDO: Comment vous est venue l’idée de votre première héroïne, Lady S.?
Jean Van Hamme : L’idée, ou plutôt l’envie est venue de Dupuis. Comme vous savez, ils avaient créé un feuilleton sur Largo Winch, et pour cela créé une certaine structure. Ils m’ont alors, il y a quelques années, demandé si je n’avais pas quelque chose qui pourrait à la fois être une série bédé et une série live. Comme beaucoup de notes, Lady S. traînait dans un tiroir. Je l’en ai sortie, remise au goût du jour et voilà le résultat. Maintenant on ne parle plus de feuilleton télévisé, j’ai été pris au piège par l’éditeur.

GUIDO: Comment avez-vous rencontré le dessinateur, Philippe Aymond?
Jean Van Hamme : Dupuis m’avait proposé plusieurs dessinateurs, j’aimais bien son dessin que je connaissais depuis sa série Apocalypse Mania. Et je savais qu’en le poussant à épurer son dessin, on arriverait à un dessin très agréable comme je pense, on peut le trouver dans ces albums.

GUIDO: Au vu du making of du 1 er tome, on découvre votre maîtrise quasi totale, de la découpe, de la description des images, vous travaillez toujours de la même manière?
Jean Van Hamme : En fait, je vois mon histoire en images, alors je la décris simplement comme je la vois. Cependant, le dessinateur reste libre de suivre ou non cette découpe. A condition toutefois de garder le schéma de la dernière case, celle qui donne envie de tourner la page et de découvrir la suite. Mais en général, la façon de raconter convient assez bien au dessinateur que j’ai choisi et donc très peu de choses changent.

GUIDO: A l’instar de Largo Winch et de son monde économique, vous comptez rester dans le monde diplomatique pour le futur de la série?
Jean Van Hamme : Vous savez, pour des séries récurrentes, avec des personnages récurrents, pour qu’il y ait une histoire, il faut que des événements surviennent. Ici je trouvais intéressant le monde diplomatique car il permet de pouvoir suivre l’actualité. C’est d’ailleurs pour ça que le père de notre héroïne est un diplomate itinérant. Cela permet de changer souvent de pays sans que les personnages ne vieillissent trop. Il suffit alors de lire les journaux pour trouver des sujets de scénario. Ainsi le prochain se déroulera à Stockholm. Pour la suite, vous l’imaginerez peut-être en lisant le prochain journal.

GUIDO: C’est votre premier héros féminin, cela fait-il une différence à l’écriture?
Jean Van Hamme : Honnêtement, non! En bande dessinée, on fait rarement de la grande psychologie, manquant de l’espace, du medium nécessaire à l’introspection.

GUIDO: Comment voyez-vous alors certains auteurs comme Larcenet, Trondheim ou Sfar qui se veulent plus ancrés sur leurs personnages et leur psychologie?
Jean Van Hamme : En effet, vous avez les personnages à la Trondheim et à la Larcenet. Mais généralement dans ces cas-là, vous avez affaire à un loser confronté à moult situations où il ne fait qu’exprimer sa lâcheté. Ici, l’héroïne réagit simplement comme une femme intelligente confrontée à certaines situations intelligentes. Et ayant dans ma vie connu quelques femmes intelligentes et entêtées, je vois comment Lady S. devrait réagir.  

GUIDO: Si l’on regarde toutes vos œuvres, elles témoignent d’un grand éclectisme, quel est votre secret?
Jean Van Hamme : Je fais quand même rarement de l’humoristique! Cependant, les raisons doivent être l’envie de changer, de ne pas toujours se répéter mais surtout d’éviter l’ennui. Je serai incapable de faire la même chose pendant 50 ans et j’apprécie de pouvoir changer autant d’univers.

GUIDO: Comment garder la motivation, l’inspiration après tant d’années?
Jean Van Hamme : C’est pour ça que j’ai arrêté XIII et Thorgal. Thorgal va avoir 30 ans, il n’y a plus l’excitation du début et j’ai donc préféré passer la main. En plus, ces deux arrêts vont surtout me permettre de nouveaux projets où l’excitation sera présente.

GUIDO: Pensez-vous que vos séries vous survivront?
Jean Van Hamme : Tout à fait, avec d’autres dessinateurs, scénaristes. C’est d’ailleurs même déjà prévu pour certaines séries.

GUIDO: Des infos exclusives?
Jean Van Hamme : Non, c’est encore trop tôt (rires)

(SM)

Lady S., A ta santé, Suzie ! de Van Hamme et Aymond chez Dupuis