Interview de Fabien Vehlmann et Matthieu Bonhomme

D'un côté, Fabien Vehlmann , jeune scénariste déjà à l'œuvre sur les IAN , Seuls ou encore le premier Une aventure de Spirou et Fantasio . De l'autre, Matthieu Bonhomme, jeune dessinateur à qui l'on doit Messire Guillaume avec Gwen.

Mais aussi Le voyage d' Esteban seul cette fois. Ensemble, ils sortent à ce jour le quatrième volume du Marquis d' Anaon , série ancrée au 18 e siècle et où le marquis sera confronté à des histoires frôlant le surnaturel de par la superstition populaire. Après l'ogre dévoreur d'enfants, la sorcière et le bateau fantôme, dans La Bête , ce héros malgré lui reprend bien involontairement le combat pour notre plus grand plaisir.

GUIDO: Quelle était votre volonté au moment de créer le Marquis d' Anaon que l'on pourrait qualifier comme un retour de la bande dessinée grand public?

Fabien Vehlmann : Matthieu et moi, nous voulions faire une bande dessinée ‘grand public', dans le sens noble du terme. Il est vrai que pendant un certain temps, celle-ci avait un peu disparu. Certains auteurs ont voulu sortir d'une sorte de carcan dans lequel était enfermée la bande dessinée jeunesse pour faire de la bande dessinée plus pour les adultes. Et du coup, la bande dessinée jeunesse, tout public, a été un peu mise de côté. En fait, on pourrait voir ça comme un cycle de vie traditionnel. Alors qu'à ses débuts la bande dessinée est plus pour les enfants, suit une phase d'adolescence où tout part dans tous les sens en rejetant son enfance. On entrerait donc dans la passe adulte où on accepte son passé; ce qui permet une diversité plus ouverte.

GUIDO: Pour une série ancrée historiquement, est-ce que ça n'a pas été un problème d'opter pour un dessin semi-réaliste ?

Matthieu Bonhomme : On est certes historique dans cette série, mais ce n'est que la situation de base. A côté, le scénario utilise peu les grands moments de l'Histoire pour se concentrer sur l'ambiance de l'époque. En ce sens, un dessin plus synthétique, moins réaliste n'est, il me semble, pas préjudiciable.

FV : Je pense que la notion de réalisme est toujours compliquée à définir. Par exemple, Les 7 vies de l'Epervier de Juillard à dessin réaliste était pourtant tout à fait différent de ce qui se faisait auparavant. Personnellement, je qualifierai le dessin de Matthieu de néoréaliste car, certes plus synthétique, il n'en demeure pas moins réaliste dans les proportions du corps humain et autres.

MB : Aussi, un dessin non réaliste ne signifie pas forcément un manque de réalisme au final. Tout est question du niveau de crédibilité de l'ensemble. FV : Des dessins comme ceux de Watterson de Calvin & Hobbes sont magiques car, en quelques coups de crayons, ils rendent plus vrai que ce que tous les détails d'un dessin réaliste pourraient apporter.

GUIDO: Raconter l'histoire d'un héros en quelque sorte malgré lui, était-ce votre choix initial?

FV : C'était notre volonté mais ça n'aide pas. Venant d'une culture classique, pour moi le héros est de base héroïque. D'un autre côté, Matthieu vient d'une ambiance plus littéraire où le personnage principal peut n'être qu'un protagoniste et non pas un héros. Au fil de nos discussions, c'est devenu une volonté commune. Il est beaucoup plus facile de faire avancer son scénar avec un personnage héroïque qui sera volontaire. Alors qu'un personnage normal aura plus tendance à fuir les problèmes qu'à tenter de les résoudre. Mais ce choix fait au final réellement exister le personnage.

GUIDO: Comment se déroule votre collaboration?

MB : Lors de la conception de l'histoire, on vient chacun avec des idées, des pistes que l'on aimerait suivre pour le personnage. Après discussion, c'est Fabien qui s'occupe de tout et je ne participe pas à l'écriture proprement dite du scénario.

FV : Matthieu est un peu comme le réalisateur d'un film, mais aussi ses acteurs et toute l'équipe technique derrière, il met réellement en scène le scénario. De là surviennent encore quelques petits changements, trouvant que telle scène n'est pas assez dynamique ou que certaines répliques ne collent pas bien.

GUIDO: Quels sont vos projets futurs?

FB : Pour ma part, de nombreux projets dans tous les sens, BD, cinéma, animation, de nombreuses suites de série. Je suis d'ailleurs très content de la tournure du second volume de Seuls avec Gazzotti .

MB : Pour moi c'est dés à présent le 2 e tome de Messire Guillaume après lequel j'enchaînerai avec le 5 e du Marquis d' Anaon . J'essayerai également de caser quelque part la suite du Voyage d' Esteban .

(SM)

Le marquis d' Anaon , T4, La bête, de Fabien Vehlmann et Matthieu Bonhomme, aux éditions Dargaud