Les Ardentes, trois ans déjà

En 2006, l’idée d’organiser un festival rock à Liège, alors que la scène belge était dominée par les monstres flamands que sont Werchter et le Pukkelpop et par leur contrepoids alternatif de Dour, ne manquait pas de soulever un certain scepticisme.

Si l’équipe aux manettes, composée de Fabrice Lamproye et de Gaëtan Servais de la Soundstation, était pourtant loin d’être néophyte, le pari de faire venir les foules à Coronmeuse, aux limites nord de Liège, sur les berges de la Meuse, face aux sinistres barres d’immeubles de la cité de Droixhe, devant une affiche rassemblant pèle mêle sensations électro (Martini Brös, Black Strobe, The Glimmers, Magnus,…), rock belge (Venus, Hollywood Porn Stars, Zita Zwoon, Eté 67,…), un peu de tout (Coco Rosie, Dominique A, Echo and the Bunymen,…) et même du n’importe quoi (Indochine), était assez culotté.

Deux ans plus tard, pourtant, plus personne ne songe à rire. Non seulement les foules sont venues en masse (24.000 personnes pour la première édition), mais elles en ont redemandé, réunissant 43.000 spectateurs pour l’édition 2007. Cette année, selon le vœu des organisateurs, les Ardentes pourraient bien accueillir plus de 50.000 personnes. Et devant l’affiche qu’ils nous ont concoctée cette année, on se dit que leurs attentes risqueraient bien d’être dépassées.

Une affiche sans fausse note

Si l’organisation sans faille du festival et le site verdoyant et convivial du Parc Astrid, qui avaient donné entière satisfaction tant au public qu’aux artistes lors des deux éditions précédentes, ne connaîtra pas de modification notable, la programmation est cette année musclée aux stéroïdes. A l’heure où Werchter aligne, année après année, un line-up toujours plus consensuel et que Dour s’enferme jusqu’à la caricature dans une programmation alternative à la limite de la confidentialité, les Ardentes alignent les uns après les autres des artistes qu’on ne s’attendrait pas à voir débarquer dans un festival aussi jeune. Présent depuis les débuts du festival, le souci de cohérence thématique de la programmation est encore renforcée: «Même si ce n’est pas toujours possible, suivant la disponibilité des groupes, on essaie depuis le début de faire au maximum des thématiques musicales cohérentes. Depuis la première édition, le vendredi est consacré à l’ électro, avec cette année, Yelle, CSS, Booka Shade, Chloé, Gui Boratto, Michael Mayer… L’affiche du samedi est plus groove et plus rap, avec Dizzie Rascal, The Streets, M.I.A., Puppetmastaz, Groove Armada... Le dimanche est, je dirais, plus "rock’n’roll" et plus valeurs sures, avec Arno, Alain Bashung, Girls in Hawaii, the Dandy Warhols… Cette programmation tient à la fois du désir de notre part, mais également d’opportunités, en fonction des dates de tournée des groupes. Il faut savoir que ces artistes internationaux ont des disponibilités très très limitées pour venir en Belgique, ils viennent donc là où ils peuvent.»

Une question de confiance

Fabrice Lamproye pointe la confiance et la bonne réputation que les précédentes éditions ont établies dans le petit monde des artistes et des managers. «Cette affiche est vraiment le résultat du travail qu’on a produit ces trois dernières années. On avait déjà une évolution l’année dernière par rapport à la première édition de 2006, l’édition 2008 est encore un cran au dessus par rapport à 2007. La dernière édition s’est très bien déroulée, non seulement en termes d’affluence du public, mais aussi en termes d’accueil des artistes. Ils ont été ravis et ils en parlent autour d’eux. Les managers et les maisons de disques ont entendu parler de nous, jusque dans les groupes anglo-saxons, qui sont sans doute les plus difficiles à attirer parce que les plus sollicités. Je crois que la relation de confiance qu’on a réussi à bâtir avec les artistes a été essentielle pour arriver à attirer une affiche comme celle-là. C’est très important pour eux d’être accueillis, pris en main, qu’ils n’aient pas l’impression d’être livrés à eux-mêmes, à devoir se débrouiller pour trouver leur chemin. On essaie aussi au maximum de répondre à leurs exigences techniques, en leur permettant de jouer dans de bonnes conditions, avec un bon son et une bonne équipe. Troisièmement, il y a aussi  le cadre, un parc arboré, et le public, plutôt bon enfant, c’est aussi important pour donner une bonne atmosphère.» Testée et approuvée par votre serviteur, la réputation de convivialité et d’organisation du festival n’est pas usurpée. On apprécie l’espace de pelouse ombragé de grands arbres du Parc Astrid et la diversité culinaire de la Route des Saveurs où s’enchaînent spécialités mexicaines, vietnamiennes, savoyardes, thaïlandaises, africaines, italiennes,… (ça nous change du sempiternel hot-dog-frites). On est également surpris par la ponctualité, la qualité du son (pas toujours au rendez-vous sur un festival) et la propreté, au point qu’on se croirait presque… en Flandre, comme dans une sorte de Pukkelpop wallon. Fabrice Lamproye l’admet volontiers: «En terme de programmation et d’organisation, j’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour ce festival. C’est un modèle, qu’on ne veut pas copier-coller tel quel bien sûr, en apportant nos petites touches de convivialité liégeoise.»

(AG)