Les festivals vus par les artistes
Les festivals rassemblent chaque année des milliers de fans déchaînés qui n'hésitent pas à avaler des kilomètres pour applaudir leurs groupes préférés. Des musiciens qui sont également brinqueballés de scène en scène et passent un été à courir les prairies de Belgique et d'ailleurs. D'où notre question: les festivals sont-ils également une partie de plaisir pour les artistes qu'ils mettent à l'affiche? Nous avons rencontré quelques-uns des groupes belges afin de connaître l'envers du décor. Petit tour d'horizon de la vie de rock-star en backstage…
VIVE LA FÊTE
«Le spectacle est bien, je reste. Sinon, je vais manger un beefsteak!»
GUIDO: Quel a été ton tout premier festival?
Els: Le Pukkelpop. J’ai vraiment trouvé ça très impressionnant, tout ce monde sur une si grande pelouse, c’était même un peu effrayant. J’ai trouvé le Pukkelpop cool, c’était agréable avec l’herbe et les arbres tout autour de nous. Je trouve la foule à Werchter horrible.
GUIDO: Peux-tu quand même vivre un festival à fond?
Els: C’est comme si tu allais à un barbecue géant, mais qu’il pleut. Alors, je n’arrive pas à comprendre comment certains continuent si longtemps. Depuis que nous nous produisons sur scène, Danny et moi, on va à des festivals, mais je préfère ne rester qu’un seul jour. Les festivals durent maintenant jusqu’à trois jours, c’est vraiment long. A ce genre de festivals, tu ne vois presque pas le podium et ceux qui s’y trouvent.
GUIDO: Que faites-vous pour gagner la sympathie du public?
Danny: On les laisse chanter, on passe le micro au public.
Els: Il ne faut penser à rien et se laisser emporter par la musique. Tout le monde te regarde avec admiration. Ca te donne un bon coup de pied et après, on commence et on fait notre truc. Ca me comble aussi de recevoir cette reconnaissance, de voir notre travail récompensé et que le fait de vivre pour notre musique donnent des résultats concrets
GUIDO: Comment décrirais-tu ton festival idéal?
Els: Un beau paysage dans les Ardennes, ou une prairie avec un bois et un grand barbecue. Du beau temps. Et Elvis Presley devrait aussi venir! Un seul podium pour que tout le monde soit à l’aise. Je me laisse porter par mon humeur. Le spectacle est bien, je reste. Sinon, je vais manger un beefsteak.
Vive La Fête se produira cet été dans les festivals suivants:
Fête de la Musique (Liège) le 17 juin
Genk on Stage le 26 juin
Feest in het Park le 14 août
SHARKO
«On joue toujours avec la même énergie, que ce soit devant 200 ou 100 personnes»
GUIDO: Quelle est ton appréciation générale des festivals?
Teuk: Parfois, c'est dur, mais les festivals ont un côté direct, un soundcheck de 20 minutes et après, il faut que tu joues. Ça a un côté très spontané et direct, mais ce n'est pas parce que tu as un soundcheck d'une heure que tu vas jouer mieux. Il y a aussi souvent beaucoup d'ambiance, j'aime beaucoup jouer dans les festivals. Le plus important, c'est que le festival soit bien organisé et que l'accueil soit bon.
GUIDO: Tu n'as pas de préférences de festivals?
Teuk: Pour l'instant, nous, ce qui nous importe, c'est de jouer, que ce soit devant 200 ou 1000 personnes, c'est la même chose. On joue toujours avec la même énergie, le mieux possible. Parfois, le son est vraiment pourri mais il suffit que l'ambiance soit au rendez-vous pour que ça marche quand même.
GUIDO: Il y a toujours une sacrée barrière entre la Flandre et la Wallonie.
Teuk: C'est difficile de passer la frontière car il y a beaucoup de facteurs qui entrent en jeu. Cela fait quatre ans que l'on se bat pour ça. C'est un autre système, une autre culture.
Sharko se produira cet été dans les festivals suivants:
LaSemo Festival le 10 juillet
Dour Festival le 16 juillet
Francofolies de Spa le 24 juillet
SHOWSTAR
«Après le concert, on aime se balader et discuter avec les gens»
GUIDO: Est-ce que tu apprécies de te produire dans un festival?
Christophe: Ça dépend à quelle période tu te trouves dans la création d'un groupe. Quand tu débutes un groupe, tu rêves de jouer dans n'importe quel festival, à n'importe quelle heure, dans n'importe quelles conditions pourvu que tu joues dans un festival. Quand tu commences à évoluer, tu deviens de plus en plus exigeant par respect pour le groupe et le public. Jouer dans un festival à deux heures de l'après-midi, avec une sono pourrie, je ne pense pas que ce soit vraiment un grand moment! Les festivals, c'est pas trop notre truc. Je préfère jouer en club ou en salle, où il y a une atmosphère plus propice à un concert.
GUIDO: Un festival comme Werchter, ça vous attirerait?
Christophe: Werchter, c'est plus compliqué. Il y a une question idéologique qui entre en compte. La réponse est difficile car on est six dans le groupe, on a chacun notre opinion et on a chacun une voix égale l'un par rapport à l'autre. Il n'y en a pas un qui décide pour les autres. On décide tout à la main levée.
GUIDO: N'y a-t-il pas plus de plaisir à jouer dans un plus petit festival de 200 personnes que dans des grosses machines comme Werchter, Dour ou les Ardentes?
Christophe: Cela me paraît évident. Quand tu joues devant 2000 personnes, la majorité des spectateurs ne profitent pas du concert alors que dans un plus petit festival, tout le monde est chauffé à bloc. Après le concert, on aime se balader et discuter avec les gens. C'est donc plus gai de jouer dans ces conditions bien que ce soit plus gratifiant pour la notoriété et l'ego de jouer devant 2000 personnes. Toutes les expériences sont quand même bonnes à prendre, c'est aussi pour ça qu'on fait de la musique. On prend tout ce qui vient.
Showstar se produira cet été dans les festivals suivants:
Fête de la Musique (Liège) le 19 juin
Dour Festival le 15 juillet
Francofolies de Spa le 23 juillet
dEUS
«J'aime bien faire un brin de causette en backstage»
GUIDO: En backstage, tu tombes souvent sur des personnes que tu admires depuis longtemps. Quelle est alors ta réaction?
Tom Barman: Parfois, je vais leur faire un brin de causette, parfois ce sont eux qui viennent vers moi… C'est agréable d'entretenir des contacts avec des personnes qui tracent un chemin identique au tien. Le backstage en général est un endroit très civilisé. Cela dépend de la façon dont tu veux rendre l'endroit moins courtois. (rires) Tu ne vas pas toujours vers tes idoles, cela dépend entièrement de ton état d'esprit. Je ne fonctionne pas vraiment autour des gens pour lesquels j'ai une grande admiration. Je me replie complètement sur moi-même, ce qui est ironique vu que je ne comprends jamais pourquoi les gens se comportent bizarrement en ma compagnie. (rires) Dans tous les cas: juste avant ou juste après une performance sur scène, ce n'est pas le moment approprié pour aller emmerder quelqu'un en backstage. Tu as souvent aussi des amis communs vu que tu es si souvent en tournée. Les mêmes roadies, manager, agent… Cela rend les choses plus faciles.
GUIDO: Ce n'est pas parfois le bordel en backstage?
Tom Barman: La fin de la tournée Ideal Crash fut mémorable. Nous avions encore trois villes à visiter: Toulouse, Haifa à Israël et encore deux concerts aux Halles de Schaerbeek. Durant ces soirées, nous avons baptisé The Last Crash. On n'aurait peut-être pas du! A Toulouse, Craig Ward s'est cassé le nez sur le podium car il était fâché. Le même soir, Tim Vanhamel s'est cassé le pied en voulant sauter dans les backstages. Le lendemain, on en remettait une couche: une de nos premières parties des Halles de Schaerbeek s'est crashé en voiture en chemin vers la salle de concert. Après, Klaas Janzoons, suite à des problèmes sur le podium, s'est aussi cassé le pied et le dernier jour, un des nos roadies s'est cassé le pouce. Cinq fractures!
dEUS se produira cet été dans les festivals suivants:
Dranouter Festival le 7 août
GHINZU
«J'ai été nourri au live depuis l'enfance»
GUIDO: Te souviens-tu de ton premier festival en tant que spectateur?
John: Je ne me souviens plus très bien, ça devait être à Ostende avec Tina Turner! J'ai toujours adoré le live, j'ai été nourri au live depuis l'enfance, c'est cela qui m'a personnellement donné envie de faire de la musique.
GUIDO: Et de la première fois où tu es monté sur scène?
John: C'était lors d'une soirée à Ixelles, une soirée Midnight Express, durant laquelle on a joué trois morceaux, complètement speedés, avec un groupe appelé alors Las Vegas Parano. Ça reste un souvenir mémorable.
GUIDO: N'est-il pas trop déconcertant de passer d'une petite salle de 200 personnes à un gros festival comme Dour ou le Pukkelpop?
John: On est habitués de passer de l'un à l'autre maintenant qu'on joue en France dans des plus petites salles. On peut très bien se retrouver en tête d'affiche de Dour et quelques semaines plus tard en Allemagne où tu continues à faire du développement dans des événements plus restreints. On a toujours été habitués à ce décalage, on reste un groupe qui a trouvé ses racines dans le développement et auquel il reste encore et toujours des territoires à conquérir.
Ghinzu se produira cet été dans les festivals suivants:
Francofolies de Spa le 21 juillet
BOB SINCLAR
«Je joue avec les filles!»
GUIDO: Les festivals sont-ils quelque chose de facile pour un DJ?
Bob Sinclar: Je me rends avec beaucoup de plaisir aux festivals de Belgique organisés par Peter Boonen, comme Groove City. Ils sont vraiment pas mal, en termes d'ambiance et de concept, la dance s'y intègre en effet parfaitement. Je joue aussi chaque année en Australie, mais là il fait vraiment trop chaud: 42 degrés en janvier! Je peux y jouer ma musique de façon festive, un show très estival en quelque sorte.
GUIDO: Prends-tu aussi le temps parfois d'assister à des festivals?
Bob Sinclar: Je trouve cela difficile de ne pas être déçu lorsque l'on entend un groupe en live. Mais, je vais souvent voir les autres DJ lors des festivals. Les DJ sont devenus des stars dorénavant. Quant aux concerts, je suis sensible aux grandes voix, comme John Legend, Stevie Wonder, Prince... J'aime les gens qui arrivent à me procurer un sentiment fantastique. Je viens, moi-même, du hip-hop, entendre Gangstarr live est une expérience incroyable! Je ne parle même pas de la tournée Lovesexy de Prince! Ces concerts m'ont toujours plu. Sheila E. à la batterie, woah! C'est tellement difficile d'y être en tant qu'artiste, d'avoir une présence. C'est exactement la même chose pour un DJ.
GUIDO: Comment joues-tu avec le public?
Bob Sinclar: Je joue avec les filles. Quand elles me font des clins d'œil ou m'envoient des baisers, le show est toujours bon. Quand il n'y a pas de filles, il n'y a pas de fête, c'est aussi simple que ça! Mon show doit être sexy, chaud, caliente.
GUIDO: Et si tu devais organiser ton propre festival?
Bob Sinclar: Je serais alors sur le podium avec Gary Pine et The Wailers! Je m'occupe des beats et ils font le reste. Ce serait fantastique. De bonnes vibes, et de temps à autre une cover de Bob Marley.
Bob Sinclar se produira cet été dans les festivals suivants:
Tempo! Ciney Festival le 24 juin
ETE 67
«Si on reste une semaine sans rien faire, on se réjouit d'abord du repos qu'on va pouvoir s'offrir, mais après trois jours, on a déjà envie d'être au prochain concert!»
GUIDO: N'était-ce pas trop difficile au début de votre carrière de se produire dans un festival où une majorité du public ne vous connaissait pas encore?
Nicolas M: C'est vrai que nous n'avions alors pas encore sorti de CD mais un quatre-titres, mais beaucoup d'entre eux connaissaient déjà la chanson du Quartier de la Gare. Une fois qu'on avait joué cette chanson, ils nous situaient et semblaient beaucoup plus intéressés.
GUIDO: Est-ce que vous vous souvenez de votre premier concert en public?
Nicolas M: C'était il y a très longtemps, en 1999. Dans un café à Esneux. Pour l'anniversaire de la maman de notre bassiste ici présent…
Nicolas B: Et je pense qu'elle a été très émue! Mais je ne suis pas sur qu'on ait été très bons pour autant! On se rend compte maintenant qu'on était alors encore loin du compte. Ça reste un super souvenir puisque cette date coïncide également avec ma première cuite! Ce fut une soirée géniale: on avait treize ans et on était les stars de la soirée!
GUIDO: N'est-ce pas trop lassant parfois d'enchaîner scène sur scène avec sans cesse les mêmes morceaux?
Nicolas B: Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'image des chiens de traîneaux qui me vient en tête! Le chien de traîneau, il est fait pour courir dans la neige et si tu le mets dans un jardin au soleil, il va s'emmerder. Nous aussi, on est un peu comme ça, si on reste une semaine sans rien faire, on se réjouit d'abord du repos qu'on va pouvoir s'offrir, mais après trois jours, on a déjà envie d'être au prochain concert!
Eté 67 se produira cet été dans les festivals suivants:
Verdur Rock le 26 juin
Les Ardentes le 11 juillet
Dour Festival le 16 juillet
Francofolies de Spa le 22 juillet
MALIBU STACY
«Un festival n'est pas plus excitant qu'un concert en salle»
GUIDO: Les festivals, est-ce quelque chose qui vous plait particulièrement?
David: Je n'aime pas spécialement les grandes scènes en plein air, en milieu de journée, en plein soleil! On préfère en général les concerts en salle.
GUIDO: N'est-ce pas trop dur de s'imposer lors d'un festival?
Jean-Christophe: On a directement beaucoup plus d'énergie que beaucoup de groupes, ce qui fait que ça accroche souvent très vite avec le public.
David: C'est sur scène qu'on arrive à se défendre et qu'on a le plus d'impact. Etonnamment, ça n'a jamais été difficile de s'imposer vu qu'on est spontanés et naturels. On arrive donc à s'imposer naturellement lors de nos concerts.
GUIDO: Avez-vous encore l'habitude de vous rendre dans des festivals en tant que simple spectateurs?
Jean-Christophe: C'est devenu insupportable! Quand on a l'habitude d'être en backstage, de boire et de manger à volonté, se taper un concert debout toute une journée, c'est pas génial!
GUIDO: Dour fut votre premier festival en plein air, quel souvenir en gardez-vous?
David: Ce n'est pas une date que je marquerai en rouge sur mon calendrier. C'était sympa, mais ce n'était pas non plus l'extase. En festival, il y a beaucoup de gens qui ne viennent pas spécialement pour nous. Ce n'est pas plus excitant qu'un autre concert pour moi.
(SD) et (LD)