Interview de Sophie Michalakoudis, la Mika belge
Lorsqu’en 2005, Mika déboule sur la planète pop avec ses premières perles acidulées de toutes les couleurs, notre Mika a déjà deux décennies de scène derrière elle et une discographie qui se décline en vert, jaune et rouge, les trois couleurs de la Jamaïque. Parce que notre Mika à nous fait partie du cercle très fermé des femmes de la scène reggae. Indépendante et passionnée, ses textes engagés et son style personnel nous promènent dans un «roots reggae» teinté d’influences rock et soul. Découvrons notre Mika… la vraie !
GUIDO: Tu es directement tombée dans la bassine reggae ou c'est plutôt arrivé petit à petit?
Mika: J’ai débuté vers le milieu des années ’80 en faisant de la chanson française déjà fort tournée vers le rock. Et puis très rapidement j’ai plongé dans le reggae. J’étais alors installée à Verviers et le groupe était Mika & Human Race. Il y avait aussi mes deux sœurs dans le groupe. Elles étaient mes choristes. C’est de cette époque que date MLK, le premier vinyl.
GUIDO: Ensuite, ce fut le décollage?
Mika: Effectivement, j’ai rencontré ceux qui allaient devenir mon groupe. The General Dub Progress est composé de musiciens liégeois. Certainement le meilleur band du genre en Belgique.
GUIDO: Il y a eu d’autres collaborations?
Mika: Oh oui, j’ai eu la chance de rencontrer et de collaborer avec pas mal de belles pointures du reggae. D’abord Duckie Simpson, le chanteur de Black Uhuru. Il m’a invitée en Jamaïque et j’ai pu enregistrer là-bas deux titres qu’il a produits. Et puis les membres de Steel Pulse, Steve Nisbett (batteur) et Selwyn Brown (claviériste) et aussi les Hollandais de Dubcreator. Le plus beau souvenir reste ma collaboration avec le Jamaïcain Omar Perry (ndlr: le fils de Lee Scratch Perry) avec lequel j’ai réalisé le single Borderline. Vraiment un beau moment.
GUIDO: Tu as pas mal tourné aussi…
Mika: J’ai fait les plus grands festivals reggae européens. En France, en Hongrie, en Hollande et en Belgique bien sûr. J’ai aussi fait Dour et le Sunsplash en Italie.
GUIDO: Et maintenant?
Mika: C’est beaucoup plus difficile à présent de trouver des concerts. Et c’est généralisé. Il n'y a pas uniquement que le reggae qui souffre.
GUIDO: Comment expliques-tu ce manque d’intérêt pour le reggae en Belgique?
Mika: Nous n’avons pas une mixité de la population comparable à celle de la France. Je ne parle pas de la population d’origine nord-africaine, celle-là nous a apporté le raï, mais plutôt les territoires d’Outre-mer comme la Guadeloupe. En Hollande, la population originaire du Surinam joue un rôle et en Angleterre, c’est très clair. C’est le pays le plus métissé. Voilà pourquoi le reggae occupe une telle place.
GUIDO: D’accord, mais où sont passés les groupes comme UB40, Fisher Z ou Police?
Mika: Nous n’avons plus de grands noms comme Bob Marley, Peter Tosh ou Black Uhuru. Ils servaient de locomotives.
GUIDO: Il est difficile de te parler sans aborder les problèmes juridiques connus il y a cinq ans lors du succès de Mika, devenu entretemps une véritable pop star.
Mika: Tout n’a pas été dit à ce sujet. Je me suis retrouvée face à quatre avocats. Ceux de Forest National et d’Universal. Le pot de fer contre le pot de terre quoi. Et pourtant, j’ai eu gain de cause devant la justice. Cela faisait quand même plus de 20 ans que je chantais sur le nom de Mika. Finalement, nous avons abouti à un accord financier. Bon, j’ai pas gagné au Lotto, mais… Quoi qu’il en soit, j’ai enregistré mon dernier album (Road of life) sous le nom de Sista Mika, mais c’est stupide, j’ai décidé de revenir à Mika dans le futur. Il n’y a pas de raison de perdre mon identité.
GUIDO: Tu continues donc l’aventure Mika?
Mika: Oh oui, bien sûr. Ce n’est pas cette histoire qui m’a découragée. D’ailleurs, j’ai embrigadé ma fille de 13 ans. Je pense qu’elle a vraiment attrapé le virus. Comme tu vois, la relève est assurée.
Sista Mika
Road Of Life (Only 4 Music)
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Vous connaissez Mika? Bien évidemment! Non, pas le Mika de Relax, Take It Easy ou de Big Girl (You Are Beautiful), mais la chanteuse de reggae qui exerce son talent depuis plus de vingt ans sur la scène belge. Si Sophie Michalakoudis se fait désormais appeler Sista Mika – après avoir tenté de faire changer le nom de scène de la star pop britannique que vous connaissez tous - Road Of Life demeure à l’image de la chanteuse: métissé, endiablé et terriblement efficace. A voir en concert où la chanteuse aux dreadlocks rouges peut aussi compter sur l'énergie de l'un des meilleurs backing band reggae belge: The General Dub Progress.