Rover: Les carnets du bourlingueur
Il a beaucoup bourlingué, Timothée Régnier… Après avoir successivement habité aux Philippines, en France, en Suisse, en Allemagne et même à New York – il était dans le même lycée que deux membres des Strokes: Nikolai Fraiture et Julian Casablancas – il a finalement abouti à Beyrouth, où il a rejoint son frère et monté un groupe de rock, avant d’en être expulsé pour une question de visa. Un parcours accidenté et passionnant qui aura finalement permis à notre gaillard de puiser au fond de lui-même l’inspiration d’un premier album absolument sidérant, au-dessus duquel planent les ombres de Dylan, Bowie ou Presley.
GUIDO: Tu as vécu et joué au Liban. Tu peux nous parler de cette expérience?
Rover: Mon frère vivait au Liban. Je suis venu lui rendre visite et je suis littéralement tombé amoureux du pays. Je venais de finir mes études et il m’a alors proposé de rejoindre son groupe, The New Government. Je n’ai pas hésité très longtemps. J’ai toujours aimé voyager, découvrir de nouveaux horizons, de nouvelles cultures. Et je n’ai d’ailleurs pas regretté cette aventure. J’ai ainsi vécu trois ans au Liban. Une expérience absolument géniale dans un pays fascinant.
GUIDO: Ensuite a eu lieu la cassure…
Rover: Tout-à-fait. En quelques jours, l’état libanais m’a renvoyé parce que j’étais en visa touristique depuis un bon bout de temps. Donc j’ai pris le minimum – une guitare et quelques vêtements – et je suis rentré en France après avoir fait un bref passage par Berlin. C’est d’ailleurs à Berlin que j’ai eu envie de monter Rover.
GUIDO: C’est ainsi que tu as été te réfugier en Bretagne!
Rover: J’étais vraiment dans le trou… J’avais tout perdu, aussi bien au niveau humain qu’au niveau matériel. Des choses complètement irrattrapables. Je me suis retrouvé dans une vieille maison de famille en Bretagne, tout seul pendant un hiver. J’y ai vécu quelques mois, entouré uniquement par des instruments. Et je me suis mis à jouer et à composer jour et nuit. Pendant ces trois mois, je n’ai vu personne, sauf peut-être la boulangère pour aller acheter mon pain… Et très sincèrement, c’était une période absolument formidable.
GUIDO: L’album a été enregistré en analogique, à l’ancienne.
Rover: Nous avons enregistré dans un studio à Paris. Comme tout a été enregistré sur bandes, on ne pouvait pas refaire les prises des centaines de fois. Impossible de tricher! Cela a permis d’obtenir un son très proche du live, avec forcément quelques imperfections, mais également parfois des accidents heureux que l’on a gardés.
GUIDO: Ce premier album est très difficile à étiqueter. Quels sont tes héros?
Rover: J’ai des goûts assez classiques. Mes influences sont très larges. Mes héros sont surtout Dylan et Bowie, mais j’écoute énormément de musique. Je pourrais citer des dizaines d’artistes: Interpol, les Beach Boys, Presley, …
GUIDO: Le titre Aqualast est absolument fabuleux. Comment est né ce morceau?
Rover: En faisant les brocantes, je suis tombé sur un recueil de lettres de poilus. J’ai vraiment été bouleversé en lisant ces lettres. Il y avait là-dedans une très grande pudeur et une belle poésie chez ces très jeunes hommes. J’ai commencé l’écriture d’un mini-album de trois chansons sur ce thème. Une sorte de mini-album concept… Et finalement, j’ai préféré les intégrer toutes les trois sur l’album. Aqualast est inspiré d’un de ces poilus qui, à la fin de la guerre, rentre chez lui pour retrouver sa femme. Lorsqu’il arrive, il voit un enfant, se demande s’il en est le père et découvre très vite qu’il n’en est rien et que sa femme a refait sa vie avec quelqu’un d’autre. Le mot Aqualast, je l’ai inventé. Le sujet est intemporel: l’amour rendu impossible à cause de la distance. Même avec la technologie, c’est toujours difficile de vivre une histoire d’amour à distance.