Dr Jos: «Quand tu laves à trente degrés, toutes les bactéries contenues dans tes traces de freinage restent incrustées dans ton caleçon»

Parce qu'on commence à en avoir marre de se retrouver toujours dans le même café pour interviewer Dr Jos, l'idée nous est venue de lui proposer un autre lieu pour notre rencontre. Un endroit branché. Un repaire trendy. The place to be en 2013. Une it-location. En bref, notre objectif est de rejoindre le docteur au Wasbar (ndlr: un bar installé dans une wasserette où on peut boire un verre en attendant que son linge soit lavé).

«Plutôt mourir,» telle est la réponse cordiale du docteur. On insiste alors. À tort. «Je répète: plutôt mourir. Je ne veux pas boire une Trappiste dans une wasserette.» Nous voici donc de nouveau attablés au café du coin. Dans un coin murmure un Bingo tandis que les saoulards locaux somnolent sur le comptoir. «Deux euros trente-cinq pour une Trappiste,» irradie de joie le docteur. «Le Wasbar ne peut pas rivaliser, hein?»

GUIDO: Qu'avez-vous contre le Wasbar, docteur?

Dr Jos: Rien. Tout. Faire la lessive est une affaire de femmes, je ne m'en préoccupe pas.

GUIDO: C'est reparti pour un tour!

Dr Jos: (imperturbable) Tu as lu cet article sur ce prof qui se plaignait de cette tendance écologique à laver tout son linge à basse température? Il affirmait notamment qu'il était impossible d'avoir des sous-vêtements propres à trente degrés. (fronce les sourcils) Quel râleur, mais en soi, il a naturellement raison. À trente degrés, ton linge est tout au plus nettoyé, mais d'un point de vue bactériologique, ces trente degrés sont une véritable fête. Trente degrés, voici la température idéale pour la prolifération. Soixante degrés, c'est plus sûr. Et nonante degrés, encore mieux. Va dire ça à ma femme. Essaie de convaincre madame Dr Jos de laver ses slips en dentelle, ses tangas en soie ou d'autres petites tenues du genre à nonante degrés. Essaie seulement, tu risques d'avoir du succès.

GUIDO: Que voulez-vous dire par 'température idéale de prolifération'?

Dr Jos: Que les bactéries trouvent que ces trente degrés sont une température agréable. Elle restent présentes sur le sous-vêtement. Des champignons plantaires dans des chaussettes sales? À première vue, elles sentiront meilleur, mais les microbes sont alors alive and kicking. Laisse ton linge humide une heure ou deux dans la machine à laver. Ça commence à puer fameusement. C'est alors que les bactéries entrent en action.

GUIDO: Arrêtez de râler, docteur. Personne, dans le Wasbar, ne laisse trainer son linge humide dans la machine pendant deux heures.

Dr Jos: Encore heureux, mais est-ce que ce sont mes affaires? On en revient toujours à la même chose: ce bullshit social qui nous envahit de plus en plus. Cette tendance à partager n'importe quel moment de la journée. Je n'ai aucune envie de reluquer la manne à linge de mes amis. Too much information. Je veux savoir que ma voisine porte des sous-vêtements gainant couleur peau? Non, merci. Cela n'améliorera pas ma qualité de vie. Et si mon voisin farfouille dans sa manne remplie de bactéries de traces de freinage avant de plonger dans le pot de cacahuètes sur le comptoir, désolé, ce n'est pas vraiment l'idée que je me fais d'un moment sympa au café.

GUIDO: Laver à domicile est préférable?

Dr Jos: (hausse les épaules) En fait, il faudrait le demander à madame Dr Jos car je n'ai jamais mis les pieds dans notre buanderie. Oui, cet espace sordide duquel la tapisserie se décolle et qui accueille toutes sortes de moisissure. Où tu entres rapidement pour mettre le linge dans la machine avant de t'enfuir pour éviter cet air moisi et humide. En faisant bien attention de ne pas glisser sur le sol. C'est bien ça, non? Si les machines à laver étaient agréables, pourquoi les cacherait-on dans le coin le plus sombre de la maison? Et pourquoi pas au milieu de notre salon pour boire un verre autour d'elle? Je vais t'expliquer pourquoi: parce qu'on n'a pas envie de rester sous un nuage de détergents, voilà la raison. Et on devrait subitement le faire dans ce Wasbar? Je ne pense pas, non. (boit une bonne rasade de sa Trappiste)

GUIDO: Vous affirmez maintenant que les produits de lavage sont mauvais pour la santé?

Dr Jos: Si tu les manges, c'est sûr et certain. Je n'ai jamais compris pourquoi les produits de lavage devaient ressembler à des bonbons. Ces pastilles colorées. Et quand c'est liquide, ça ressemble à du jus de fruits. En poudre? On dirait le sucre qu'on met sur les gaufres. Et la plus grande des catastrophes, c'est cet ours en peluche sur la boîte ou ce petit chien tout mignon sur la bouteille. Ce n'est donc pas une surprise de retrouver chaque année des dizaines d'enfants crachant de la mousse aux urgences, après avoir ingéré de la poudre à lessiver. Du poison pur et dur, cet enfant se retrouve directement aux soins intensifs.

GUIDO: On suppose quand même que le visiteur moyen du Wasbar est assez adulte pour faire la différence entre son Mojito et un flacon de savon liquide?

Dr Jos: Je l'espère. Regarde, qu'y a-t-il dans le détergent? Des enzymes. Du décolorant. Parfois même des matières fluorescentes, pour rendre le linge encore plus blanc. C'est ensuite lancé dans ces machines qui tournent à mille à l'heure. C'est ainsi qu'est formé l'aérosol. Une sorte de fin brouillard, qui reste suspendu dans la wasserette. Si tu y restes trop longtemps, tu attrapes des problèmes de peau. Ainsi que des problèmes respiratoires. Des affections typiques pour les personnes qui travaillent dans des laveries professionnelles. La raison, je le répète encore, pour laquelle nos machines à laver sont placées dans une pièce séparée dans nos maisons. Bref, je vois quand même un truc de positif à propos de ce Wasbar: cela me réjouit d'y trouver ces énormes séchoirs. Ceux qui font sécher leur linge à l'intérieur sont des cinglés. Si tu n'as pas de séchoir, mieux vaut faire pendre ton linge humide à l'extérieur. À Hong-Kong, ils font ça. Là-bas, personne n'a de jardin, mais dans leurs hautes tours, ils ont un fil à côté de leur fenêtre, où il est possible de pendre son linge. Super, hein? Heureusement, chez nous, ce n'est pas le cas, grâce aux séchoirs.

GUIDO: Entre-temps, le problème des bactéries des traces de freinage n'a pas encore été réglé.

Dr Jos: Une solution possible est le repassage. Cela stérilise aussi le linge. Mais honnêtement: existe-t-il dans une maison une arme plus dangereuse qu'un fer à repasser? Surtout ces nouveaux modèles, avec un réservoir de vapeur brûlante sous le fer. On dirait une base de lancement pour navette spatiale! (rires) Non, je ne vois qu'une solution.

GUIDO: Qui est?

Dr Jos: On laisse les femmes s'occuper de la lessive. Au Wasbar même, si ça leur fait plaisir. Et on ne se fait plus chier avec cette connerie. Car on est bien, hein, dans un vrai café. (montre son verre vide à la serveuse) Encore deux Trappistes, Eugénie! Et donne aussi quelque chose à ces gars au comptoir!