Dr Jos: "Le casque de vélo? Aux oubliettes!"

 

C'est une journée fraîche, mais agréable. Dr Jos nous propose donc de faire une balade en vélo afin de trouver un bistrot calme dans les bois à l'extérieur de la ville. Nous voici donc attablés dans une auberge rustique juste à côté d'un feu ouvert. Au-dessus du bar trône une roue de charrette, du blues sort des haut-parleurs, les couleurs de l'automne inondent la vue extérieure et notre Trappiste étincèle d'un brun doré.

«Sympa, n'est-ce pas?» s'exclame le docteur en versant doucement la bière dans son verre. «Il est parfois bon de sortir de la ville.»

GUIDO: En vélo.

Dr Jos: Effectivement. Par contre, j'ai quelques exigences pour le trajet retour de tout à l'heure. Premièrement: si tu essaies encore de me dépasser, je te crève les pneus. Je suis un partisan du mouvement dans la vie quotidienne, mais dès le moment où tu commences à transpirer, il est temps de repasser à la voiture. Le vélo est un moyen de transport plaisant. Qui te permet par exemple de visiter un café de campagne de temps en temps. Dès que le vélo devient un sport, tout le fun disparaît. Je n'ai pas envie de me faire prendre en chasse par des terroristes sur deux-roues ou de slalomer entre des jeunes parents tirant des énormes charrettes remplies de leur ribambelle de gosses. Du calme. Sur le trajet du retour, on fera au maximum du douze à l'heure, pigé?

GUIDO: Oui, docteur.

Dr Jos: (montre son contentement) Deuxio: arrête de porter ce casque ridicule. J'ai eu la honte de ma vie en roulant à tes côtés. Tu as quel âge,

Van Caesbroeck? Cinq ans ou quoi?

GUIDO: (fronce les sourcils) Mais docteur, ce casque, c'est pour ma sécurité! Vous devriez me féliciter en tant que docteur!

Dr Jos: (énervé) Écoute, est-ce impossible que tu trébuches sur ton vélo, que tu tombes sur la tête et que tu subisses une fracture du crâne? Non, ce n'est pas impossible. Shit happens. Mais ce n'est pas parce que les tragédies arrivent que tu dois être constamment préparé à toutes les calamités possibles et imaginables, sinon tu n'as plus de vie. Penses-tu par exemple que nous devrions porter une cotte de mailles sous notre chemise parce que des coups de couteaux sont parfois échangés dans ce café? Non, et pourtant tu liras certainement dans le journal de demain ou d'après-demain qu'un couteau à pain a été le responsable d'un blessé dans l'un ou l'autre café de la région. Les accidents de vélo peuvent arriver, en effet. La nuit tombe de plus en plus tôt. Mais cela veut-il dire que je dois monter sur mon vélo déguisé un sapin de Noël ambulant, caché sous des couleurs fluo, avec quatre-vingt-huit ampoules LED accrochées à mon corps et un casque puéril sur ma tête? Oublie ça, mec. Si certaines personnes veulent rouler comme cela, tant mieux pour eux. Mais laissez-moi en paix. Ne faites pas une obligation de ce cirque.

GUIDO: Pourtant, l'obligation de port du casque me semble une excellente idée!

Dr Jos: Oh non. Des études ont démontré que l'obligation de port du casque a un effet paradoxal sur la sécurité routière. À première vue, c'est logique qu'un casque te protège contre les blessures à la tête, mais ça comporte aussi des inconvénients. Ce genre de casque est tout sauf confortable, contrairement à ce que prétendent les fabricants. Porter un casque est irritant, et cette irritation diminue ton attention sur la route, ce qui cause davantage d'accidents. Deuxièmement, la perte de chaleur naturelle par la tête est empêchée par le port d'un casque, ce qui est tout aussi embêtant pour la concentration. En plus, un casque entrave ta vue périphérique. (me regarde) Tu sais dans quel pays les casques de vélo sont obligatoires depuis plus de vingt ans?

GUIDO: Aux Pays-Bas?

Dr Jos: (secoue la tête) Pas du tout! En Nouvelle-Zélande. Eh bien, qu'est-ce qu'il en est? Le nombre de blessures sérieuses en vélo n'a pas baissé. La première raison est évidente: les blessures à la tête ne sont qu'une infime minorité des lésions consécutives à un accident de vélo. Les fractures sont beaucoup plus fréquentes. Ce n'est pas parce que tu imposes le casque que les cyclistes vont moins souvent tomber et se casser une jambe. Au contraire. Et l'obligation du casque a encore d'autres effets néfastes. Ceux qui portent un casque ont un sentiment erroné de sécurité et donc plus tendance à prendre des risques. Et l'utilisation globale du vélo diminue en cas d'obligation, surtout pour les courts trajets. Les gens n'ont aucune envie de boucler ce stupide casque pour aller chercher des pistolets chez le boulanger à un kilomètre de chez eux. Ils prennent donc la voiture. Ce qui provoque une diminution du nombre de cyclistes sur nos routes. J'oserais même affirmer la chose suivante: en obligeant le port du casque, le gouvernement néglige son rôle de défenseur de la sécurité du cycliste.

GUIDO: (réflechit) Intéressant. Je n'avais jamais pensé en ces termes. Dr Jos: Tu parlais tout à l'heure des Pays-Bas. Eh bien, dans ce pays on roule beaucoup à vélo et personne ne porte de casque là-bas. La même chose au Danemark. Et pourtant, ce sont statistiquement justement les pays les plus sûrs pour les cyclistes d'Europe, malgré l'utilisation minimale du casque. Pour quelle raison? Parce qu'il existe des pistes cyclables larges et sûres en Hollande et au Danemark, ainsi qu'une infrastructure cycliste bien développée. Il y règne également la loi des nombres: si les cyclistes sont nombreux, ceux-ci sont plus en sécurité. Au plus nombreux les cyclistes, au moins fréquents les accidents, et ceux-ci sont surtout moins graves. Le port du casque n'a rien à voir avec cela.

GUIDO: OK, je rangerai mon casque tout à l'heure. Sauf s'il se met à pleuvoir.

Dr Jos: (nie ma remarque et pointe vers l'extérieur du café où un mec est en train de parquer son vélo en bois) Non, mais tu as vu ce clown? (fronce les sourcils) Un vélo en bois, mais qu'est-ce qu'on ne va pas inventer? Et son casque est aussi en bois. (l'homme enlève en effet son casque en bois, dévoilant une chevelure frisée argentée) Ce pseudo hipster va bientôt entrer, et je vais devoir me retenir de ne pas me foutre de sa gueule. On parie qu'il va commander un gin-tonic sans gluten à cinquante euros, le frimeur? Viens, on boit une autre Trappiste. Et si je dois pisser tout à l'heure, j'irai le faire contre un arbre. (grimace) Ou contre un autre objet en bois.

René Van Caesbroeck