ANGEL OLSEN: «Cet album n'est pas un manifeste féministe»
Cataloguée comme une folkeuse, Angel Olsen a pris tout le monde par surprise il y a deux ans avec un album absolument fantastique hésitant entre folk mélancolique et pop grunge. Pour My Woman, la chanteuse américaine rebat les cartes et élargit encore son sceptre musical. Dévoilant ainsi pour notre plus grand bonheur une poignée de balades somptueuses où sa voix drapée de velours tutoie les… anges. Rencontre.
Angel Olsen: Je pense que ce nouvel album est plus difficile d’accès que le précédent. Je voulais enregistrer un disque plus musical. Pour mes albums précédents, le chant occupait une place moins centrale. Avec My Woman, j’ai voulu mettre ma voix plus en avant et utiliser une instrumentation plus riche et variée. Ce disque – en tout cas, dans sa seconde partie - s’adresse à un public différent que les précédents. Des personnes qui savent ce que c’est que de vieillir, de changer, se poser des questions… Je ne suis plus une petite fille. Durant ces dernières années, j’ai découvert l’industrie musicale. J’ai évolué et mûri. Sur Burn Your Fire For No Witness, je tenais à exprimer des choses, des mots… et je pense que l’écriture avait pris le pas sur le chant. D’après moi, cet équilibre entre le fond et la forme est atteint sur ce nouvel album.
«Il ne fait pas juger Beyoncé ou Taylor Swift qui ont connu des succès précoces»
GUIDO: À l’écoute du titre qui ouvre My Woman, on aurait pu penser que l’album serait plus électronique que le précédent. Pourtant, il n’en est rien.
Angel Olsen: Le premier titre de l’album n’a pas été placé là par hasard. Je voulais induire l’auditeur en erreur, quitte à le perdre s’il ne faisait pas l’effort d’aller au-delà de cette entrée en matière. Sur Intern, je voulais tisser une ambiance qui rappelle Julee Cruise. En fait, c’est plus un exercice de style, peut-être même une blague. À vous de voir… (rires). J’ai suivi la même démarche pour les clips de Intern et Shut Up Kiss Me. Certaines personnes penseront que je copie Sia en portant une perruque à paillettes argentées alors que nos univers sont complètement différents. J’aime aller où l’on ne m’attend pas. Je me suis beaucoup amusée à enregistrer Intern, avec ces synthés et cette ambiance très cinématique. C’était aussi un défi de chanter différemment. Et puis, je trouvais intéressant d’ouvrir l’album avec Intern et de le refermer avec Pops, un morceau qui évoque ma vie d’artiste.
GUIDO: Ta vie d’artiste…
Angel Olsen: J’ai l’impression que le public ne se rend pas compte que ce que l’on vit en tant qu’artiste n’est pas toujours facile. J’adore les concerts et composer. Mais tourner, c’est épuisant. Le manque de sommeil, le stress, beaucoup de trajets. Attention, je ne me plains pas. J’ai choisi cette vie, mais je suis chaque fois heureuse de rentrer chez moi. J’habite une petite ville, Asheville, qui est située dans l'Ouest de l'État de Caroline du Nord. Quand je reviens de tournée, je suis heureuse de me retrouver à la maison, seule avec ma guitare et mon piano. J’ai besoin de me ressourcer pour pouvoir retrouver l’énergie de reprendre la route. J’ai énormément tourné durant les derniers mois, jusqu’à en devenir physiquement malade. En fait, les gens ont sans doute l’impression que je suis extravertie, mais lorsque je retourne chez moi, ce n’est certainement pas pour me rendre à des fêtes et faire le tour des bars.
GUIDO: Pops évoque donc cette difficulté à vivre la solitude des artistes?
Angel Olsen: Oui. Lorsque je vois le destin d’Amy Winehouse, cela m’attriste beaucoup. Personne ne peut comprendre ce que c’est que d’être une pop star… à moins de l’être. C’est pourquoi je pense qu’il ne faut pas juger des personnes comme Beyoncé ou Taylor Swift, qui sont devenues célèbres très jeunes et sont passées au crible pour chacun de leurs faits et gestes. J’essaye de garder le contrôle sur ma musique et mon image. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai voulu tourner mes propres vidéos.
GUIDO: L’album a pour titre My Woman...
Angel Olsen: L’album n‘est en aucun cas un manifeste féministe. Certains morceaux traitent de thèmes touchant la situation parfois compliquée des femmes. L’album aborde de nombreux états d’esprit, manières d’aimer. En fait, il n’y a pas de thème central sur cet album. Woman est l’une de mes chansons préférées sur le disque, avec Sister. Ce sont les deux titres que j’ai eu le plus de mal à terminer et ce sont également ceux qui comptent le plus à mes yeux.
GUIDO: En parcourant YouTube, j’ai découvert plusieurs reprises de tes chansons…
Angel Olsen: Il y en a plein. Mon groupe aime faire des playlists et me les faire écouter durant nos déplacements. Honnêtement, je déteste les écouter. Cela me met mal à l’aise. Certaines sont très chouettes, d’autres horribles. Je suis consciente que je devrais être honorée d’être ainsi appréciée par des artistes débutants, mais j’avoue que cette mode m’énerve un peu…
GUIDO: De plus en plus d’artistes féminines apparaissent sur la scène pop-rock. Et tu fais partie des fers de lance de cette nouvelle vague…
Angel Olsen: L’industrie musicale est un milieu très machiste. Et donc, je trouve cela formidable que de plus en plus de femmes s’assument en tant qu’artistes, que ce soit au sein de groupes ou en solo. C’est réjouissant de voir que des femmes enregistrent des albums, et j’espère que ce n’est pas juste une mode. Je ne pense cependant pas faire partie d’un mouvement, même si j’ai des affinités avec certaines autres chanteuses, Marissa Nadler par exemple.
GUIDO: Ton groupe s’est encore plus étoffé avec l’arrivée du guitariste Seth Kauffman…
Angel Olsen: Seth, Emily (Elhaj, à la basse), Joshua (Jaeger, batterie) et Stewart (Bronaugh, guitare) viennent tous d’horizons complètement différents. Josh écoute beaucoup de jazz et de hip-hop. Stewart est un grand fan de Stevie Wonder. Seth adore le reggae. Ces différences, elles sont très intéressantes. Ils ont tous apporté leurs idées, leurs racines. Ils ont tous des sensibilités différentes et j’aime leur laisser une certaine liberté. Même si c’est moi qui ai composé la totalité des titres de l’album, je sais que je n’aurais jamais pu avoir un résultat aussi convaincant si j’avais fait appel à des mercenaires. Mon groupe n’a jamais été aussi soudé et je suis heureuse de repartir avec eux en tournée.
Angel Olsen: My Woman
Angel Olsen se produira le 29 octobre au Botanique à Bruxelles