DR JOS: «Il faut accorder une cure de café à ton foie de temps à autre»
«Pardon?!» Nous n'en croyons pas nos oreilles quand Dr Jos nous invite au lever du jour dans un coffee-room. Apparemment, des miracles sont encore possibles.
Le docteur est en terrasse, en train de siroter un petit expresso quand nous arrivons à sa rencontre. Nous lui demandons prudemment s'il a décidé d'arrêter de boire des Trappistes. Son rire se fait alors entendre à des kilomètres à la ronde. «Jamais de la vie,» dit-il. «C'est justement pour cette raison que je dois accorder une cure de café à mon foie de temps à autre.»
GUIDO: Une cure de café?
Dr Jos: (approuve) Il n'y a rien de mieux pour le foie qu'une tasse de café. Mais j'y reviendrai plus tard. As-tu déjà entendu parler des medical flip-flops?
GUIDO: Euh... Des sortes de tongs?
Dr Jos: Idiot! Non, les medical flip-flops sont des virages à 180 degrés quand on parle de certaines choses qui seraient bonnes ou mauvaises pour la santé. Le café en est un bon exemple, et cette histoire est vieille comme le monde. Tu te souviens que j'ai une fois appelé le chocolat 'le viagra de Montezuma'? Eh bien, le café peut maintenant être considéré comme 'le viagra de Mohammed'. (glousse)
GUIDO: Vous vous aventurez en terrain glissant...
Dr Jos: Pas du tout, car ce sont les Arabes qui ont introduit le café en leur temps. Il fut d'abord interdit à La Mecque, aux débuts de l'Islam, car ils pensaient que le café mènerait à un comportement dissolu. Mais cette interdiction n'a pas duré longtemps.
GUIDO: Et en Europe?
Dr Jos: Chez nous, le café est devenu populaire à partir du 17ème siècle. Et il y a une bonne raison, car à cette époque, l'eau potable n'était pas encore disponible. En conséquence, les jeunes et les vieux buvaient des boissons fortes et de la bière, car l'alcool stérilise. Le café était donc une bonne alternative non-alcoolique: étant donné que l'eau était bouillie, elle se libérait de ses bactéries. Pendant cent ans, tout le monde s'en est donné à cœur joie jusqu'à ce que les conneries commencent à se proliférer dans les années septante du vingtième siècle. Dans le New England Journal of Medicine, une étude a lié les grandes doses de café - plus de six tasses par jour - aux attaques cardiaques et à d'autres maladies cardiovasculaires. Soudain, le café est devenu notre meilleur ennemi. Des conneries, évidemment.
GUIDO: Je ressens pourtant des palpitations quand j'ai bu trop d'expressos…
Dr Jos: Ah, un peu d'arythmie suite à un abus de caféine, ça ne peut pas faire de mal, un cœur sain peut s'en accommoder. C'est autre chose qu'une attaque cardiaque. Non, cette étude n'est pas correcte, car les chercheurs n'ont pas pris en compte le fait que les gros buveurs de café cumulaient aussi d'autres comportements à risque, comme la cigarette. C'est pour cette raison aussi que d'autres études ont émergé, qui ont lié le café à un plus fort risque de cancer, ce qui est tout aussi inexact. Encore mieux: depuis quelques années, des études paraissent, mettant en lumière les bénéfices du café sur la santé, grâce aux polyphénols antioxydants qu'il possède. Voici un exemple de spectaculaire medical flip-flop!
GUIDO: Boire du café est donc bon pour le cœur?
Dr Jos: (résolu) Oui! Moins d'insuffisance cardiaque, moins d'artériosclérose… Et ce n'est pas tout. Les buveurs de café ont moins de diabète, et le café possède même des effets prouvés contre les cancers du mélanome, de l'intestin et de la prostate.
GUIDO: On dirait presque que le café est bon pour tout?
Dr Jos: En fait, oui. Sur les dépressions et les pulsions suicidaires, il semble également faire effet. Certaines voix se sont même fait entendre pour élever le café au statut de functional food. Pour recommander le café d'un point de vue médical, ou même peut-être de permettre aux docteurs d'en prescrire à leurs patients, simplement parce que des études ont démontré que les buveurs de café vivent plus longtemps que les gens qui n'apprécient pas cette boisson.
GUIDO: Au début de notre conversation, vous parliez du foie.
Dr Jos: Ah ah! (des étincelles dans les yeux, le docteur appelle la serveuse)
Belle blonde? Pouvez-vous nous apporter deux expressos et autant de genièvres, s'il vous plait? (se frotte les mains) Ha haa, tu commences à suer hein, Van Caesbroeck? S'enfiler un alcool à neuf heures du matin, à jeun… Ça ne peut pas être bon pour le foie, tu ne penses pas? Non, pas vraiment, mais… on y ajoute une tasse café! Voici l'effet ultime du café sur la santé: il est apparu qu'on dénombrait moins de cirrhoses du foie chez les amateurs d'arabica. Donc, si tu as l'habitude de régulièrement surcharger ton foie de Trappistes ou d'autres boissons alcoolisées, affonne alors aussi une tasse de café. Si tu le bois noir - le café pur, sans sucre - il est même garanti sans calorie. Et tu sais quoi: si tu trouves le café noir trop amer, ajoutes-y un morceau de sucre, car le café te protège contre le diabète. (rigole grassement et se débarrasse en une gorgée de son genièvre).
GUIDO: Quelle dose journalière de café conseillez-vous?
Dr Jos: Oh, c'est difficile. La règle empirique est de 200 à 300 milligrammes de caféine par jour, ce qui équivaut à quatre à six tasses. (renifle son expresso) Mais le problème est qu'il est difficile à évaluer la teneur en caféine d'une tasse. Cela dépend de la façon dont il est préparé. Et en plus, cela varie selon les personnes, tout est une question de pharmacogénétique. Certaines personnes possèdent des cytochromes qui sont plus actifs que les autres. Ce sont les enzymes du foie qui détruisent la caféine. Ces gens peuvent littéralement avaler des litres de café avant que cela leur fasse quelque chose.
GUIDO: (plein d'espoir) Ce sont les mêmes personnes qui peuvent s'enfiler un bac de Trappistes sans aucun problème?
Dr Jos: (rires) Non, malheureusement. L'alcool est détruit par d'autres enzymes hépatiques.
René Van Caesbroeck
Dr Jos recommande la lecture des ouvrages suivants:
Lee e.a., Plasma concentrations of coffee polyphenols and plasma biomarkers of diabetes
risk in healthy Japanese women, Nutr-Diabetes., jun. 2016
Liu e.a., Higher Caffeinated Coffee Intake Is Associated with Reduced Malignant Melanoma
Risk: A Meta-Analysis Study, PLoS-One., jan. 2016
Wierzejska, Coffee consumption vs. cancer risk - a review of scientific data, Rocz-Panstw-Zakl-Hig., 2015
Loftfield e.a., Association of Coffee Consumption With Overall and Cause-Specific Mortality in a
Large US Prospective Cohort Study, Am-J-Epidemiol., dec. 2015
Liu e.a., Coffee Consumption Decreases Risks for Hepatic Fibrosis and Cirrhosis: A
Meta-Analysis, PLoS-One., nov. 2015
Grioni e.a., Espresso coffee consumption and risk of coronary heart disease in a large Italian
cohort, PLoS-One., mei 2015
Panza e.a., Coffee, tea, and caffeine consumption and prevention of late-life cognitive
decline and dementia: a systematic review, J-Nutr-Health-Aging., mrt. 2015
Whayne, Coffee: A Selected Overview of Beneficial or Harmful Effects on the
Cardiovascular System?, Curr-Vasc-Pharmacol., 2015
Saab e.a., Impact of coffee on liver diseases: a systematic review, Liver-Int., apr. 2014
Dórea e.a., Is coffee a functional food?, Br-J-Nutr., jun. 2005
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