SPARKS: Les légendes ne meurent jamais
Deux semaines avant la parution de votre Guido Magazine, Hippopotamus, le dernier album des Sparks, était classé à la cinquième place des charts britanniques. Une place que le duo californien n’avait plus côtoyée depuis plus de… 40 ans. De passage à Bruxelles pour un concert unique à l’AB, nous avons eu la chance de nous entretenir avec les deux frères Ron et Russell Mael, deux jeunots qui totalisent 140 ans à eux deux.
GUIDO: Avant de parler de votre nouvel album, pouvons-nous revenir brièvement sur vos 50 ans de carrière?
Russell: Nous avons créé le groupe en 1968 et notre premier grand succès est arrivé en 1974 avec l’album Kimono My House et surtout le single This Town Ain’t Big Enough For Both Of Us. C’était le troisième album. Nous sommes à présent au vingt-cinquième. Avec des hauts et des bas. On pourrait en parler des heures…
GUIDO: This Town Ain’t Big Enough For Both Of Us. C’était une forme de prétention?
Ron: Oh non! Juste un clin d’œil, une référence aux films de cowboys. Le cinéma a toujours influencé notre musique.
GUIDO: De 1974 à 1984, vous avez sorti 11 albums en 10 ans. C’est énorme pour l’époque. L’écriture vient si facilement?
Ron: L’écriture, non. Mais c’est vrai que nous enregistrons très rapidement. Ce n’est plus le cas maintenant.
GUIDO: Vous avez fait du glam rock, du disco, de la pop, de la new wave, de la dance, de l'électro… Quel style n’avez-vous jamais abordé?
Russell: Je crois que nous n’avons jamais abordé le jazz. Et pourtant, on en écoute beaucoup. Les catégories se sont imposées dans un second temps. Les étiquettes ont été créées après les faits. Lorsque nous étions dans la période glam ou lorsque nous avons bossé avec Moroder à l’époque disco, nous n’avons jamais pensé en termes de classification. On ne s’est jamais dit «on va faire du glam rock ou on va faire du disco». Ce sont les journalistes qui ont tendance à coller des étiquettes sur les différents styles. Ces distinctions n’ont pas d’importance à nos yeux.
GUIDO: Pourtant, il y a des styles qui sont liés à certaines époques. Vous seriez influencés par ce que vous entendez?
Russell: En fait, et ceci en toute modestie, je crois que c’est plutôt le contraire. Que nous sommes des précurseurs en la matière. Par exemple, nous avons été le premier groupe à travailler avec Moroder. D’ailleurs, des groupes comme Depeche Mode, Erasure ou les Pet Shop Boys se disent influencés par les Sparks.
GUIDO: Et puis fin des années 90, vous revenez avec un rock symphonique.
Ron: Nous voulions remplacer par des cordes et des chœurs les instruments traditionnellement utilisés par les groupes rock tout en gardant l’intensité d’une instrumentation rock. Nous voulions un son avec beaucoup de fraîcheur.
«À notre petit niveau, on tente de combattre l’idée selon laquelle tout a déjà été fait»
GUIDO: Il y a deux ans, vous avez enregistré un album et tourné avec le groupe Franz Ferdinand.
Russell: Ce fut une belle expérience. On s’était rencontrés 10 ans auparavant, en 2004, à la sortie de Take Me Out et on s’était dit que ce serait intéressant de faire quelque chose ensemble. Nous nous sommes revus à San Francisco et c’est alors que la décision fut prise de mettre cette collaboration en route, sous le nom de FFS. Sur scène, nous jouions l’album ensemble ainsi qu’une sélection de morceaux de Franz Ferdinand et des Sparks. Ce sont eux qui nous accompagnaient sur nos titres.
GUIDO: Parlons un peu de Hippopotamus, ce nouvel album de 15 titres…
Ron: L’expérience FFS nous a rendu l’envie d’avoir une approche de groupe. C’est important de pouvoir jouer sur scène les nouvelles compositions. Nous avons donc engagé des nouveaux musiciens pour ce projet. Sparks, c’est nous deux car aucun musicien du line-up original ne nous a suivis.
Russell: C’est Ron qui a fait tout le boulot (rires). C’est dur à avouer, mais c’est lui qui compose et écrit tout. Et pour l’enregistrement, c’est dans notre studio, chez lui aussi. C’est seulement pour les arrangements que j’ai mon mot à dire.
GUIDO: L’album a une introduction avant le premier morceau qui s’intitule Missionary position. Ce sont les préliminaires avant l’érection?
Russell: Vous pouvez évidemment voir cela sous cet angle, mais nous n’y avons pas songé.
GUIDO: Parmi les chansons les plus en vue, il y a Edith Piaf (Said It Better Than Me). Un hommage à la chanteuse?
Ron: Non non, ce n’est pas un hommage à Edith Piaf. La chanson raconte l’histoire d’un gars qui regrette de ne pas avoir eu une vie palpitante. Et s’il y a bien un personnage à citer comme exemple, c’est bien sûr Edith Piaf. Le morceau fait donc référence à la chanson Non, je ne regrette rien.
GUIDO: Hippopotamus est un choix étonnant comme single!
Russell: C’est un choix du label et nous le trouvons intéressant. Oui, je ne regrette rien (rires). Mais aujourd’hui sort un nouveau single. C’est Edith Piaf et la vidéo sort dans trois heures.
GUIDO: Vous avez des amis français?
Russell: Oui, Catherine Ringer (ndlr: la chanteuse de Rita Mitsouko) et Leos Carax. Carax est metteur en scène. Il n’a pas fait beaucoup de films, mais chaque fois de très bons. Il a chanté sur le titre When You’re A French Director.
GUIDO: Des arrangements très clichés: accordéon, bal musette…
Ron: Oui, c’est l’idée. C’est le dernier morceau que nous avons enregistré pour cet album. L’histoire raconte une fausse interview d’un metteur en scène français et nous avons voulu y mettre des stéréotypes, également dans les arrangements. D’où cette valse et l’accordéon.
Russell: Et Catherine, nous la connaissons depuis très longtemps. Le nom du groupe Rita Mitsouko est tiré de notre album Kimono My House. Nous avons été voir un de leurs concerts à Los Angeles et nous avons enregistré un single ensemble. C’était un plaisir de collaborer avec eux. Nous sommes restés très amis.