KING DALTON: «Une chanson, c’est un peu comme un enfant qui découvre le monde»

Après un accouchement aux forceps, King Dalton est heureux de vous annoncer la naissance de son troisième enfant. Le royal baby et ses parents se portent à merveille malgré quelques moments difficiles durant la grossesse. Plus sérieusement, le troisième album du groupe emmené par Pieter De Meester est sans aucun doute l’une des meilleures surprises de ces derniers mois. À des années-lumière de tout buzz ou étiquette, King Dalton nous propose un étonnant mélange de blues country, de rock et d’électro. Rencontre avec Pieter et Tomas, les deux leaders de la formation venue des Flandres.

GUIDO: Il semblerait que le groupe a connu pas mal de déboires ces derniers mois…
Tomas: C’est vrai que l’écriture et l’enregistrement de l’album ont été chaotiques mais je ne pense pas que l’on puisse parler vraiment de malchance. Nous sommes tous actifs dans d’autres projets et la gestion des agendas a été extrêmement compliquée.
Pieter: Nous avons été contraints d’enregistrer dans six studios différents car nous ne sommes jamais parvenus à nous réunir plus que quelques jours d’affilée. Je suis parti en tournée durant de longs mois avec Stavroz, mon autre groupe. Jorunn fait également partie de Laïs. Tomas (ex-Zita Swoon) est un musicien bien occupé, tout comme Frederik. Mon frère Jonas est également impliqué dans plusieurs autres projets musicaux.
Tomas: Nous nous sommes enfermés en studio dès que nous avions deux ou trois morceaux. Ce fut compliqué, mais nous sommes ravis du résultat.

Pétages de plomb et manque de temps

GUIDO: Votre label m’a tout de même parlé de quelques fameux pétages de plomb!
Tomas: Tu sais, nous avons tous les cinq de fortes personnalités. Alors oui, on a eu quelques prises de bec ces derniers mois. Il y a des moments – surtout quand nous sommes sur scène – où c’est absolument génial. Mais il y a aussi quelques situations assez rock'n'roll…

GUIDO: Le son du groupe a pas mal évolué entre Thilda et ce nouvel album.
Pieter: Nous avons pas mal évolué en tant que personnes également. Nous avons tous des influences différentes, et c’est ce qui fait de King Dalton un groupe à part. En fait, nous sommes ouverts à toutes les influences, et je pense que c’est ce qui explique aussi que le son de Thilda soit fort différent de celui de The Third.

GUIDO: The Third est plus nerveux que votre album précédent…
Pieter: En fin de compte, le manque de temps nous a obligé à nous concentrer sur l’essentiel et laisser tomber les fioritures. Pour l’album précédent, nous avions pu travailler plusieurs semaines d’affilée aussi bien au niveau de l’écriture que pour l’enregistrement. Cette fois, j’ai écrit la plupart des morceaux alors que j’étais en tournée avec Stavroz, et nous avons enregistré les morceaux dans l’urgence.
Tomas: Perso, cela ne m’a pas fort gêné de passer d’un studio à un autre. Peu importe que tu te trouves à Anvers, Gent, Waimes ou ailleurs, le plus important c’est de garder le focus. La gestation de The Third a été difficile, mais je trouve que nous n’avons jamais été aussi bons en tant que groupe. Nous nous connaissons depuis près de dix ans et il n’est plus nécessaire de causer pendant des heures pour pouvoir nous comprendre.
Pieter: Le plus important pour nous, cela reste la scène! Un CD, c’est un peu comme une photo. Elle est figée. La musique, elle évolue. Elle vit sa vie. Une chanson, c’est un peu comme un enfant qui découvre le monde.

GUIDO: Pouvons-nous considérer que votre expérience au sein d’autres projets a aussi nourri les morceaux de The Third?
Tomas: Probablement… En Belgique, il n’est pas évident du tout de vivre de la musique, à moins que tu multiplies les projets. Mais tu ne m’entendras pas te dire que c’est injuste. On a choisi cette vie et nous sommes conscients que nous sommes des privilégiés de pouvoir vivre… enfin survivre plutôt, de notre passion plutôt que faire un stupide travail de bureau.  

Deux leaders et des bières au frigo

GUIDO: Vous êtes deux à gérer les interviews pendant que vos potes vident le frigo dans la pièce d’à côté. On peut considérer que vous êtes les leaders du groupe?
Pieter: Voici une analyse particulièrement juste! (rires) Et tu peux me passer une bière parce que j’ai soif et le frigo est juste à côté de toi. (rires) Les patrons peuvent également profiter un peu, non?
Tomas: Pieter et moi sommes probablement les moteurs du groupe. C’est Pieter qui compose la plupart des morceaux, mais il me demande souvent mon avis. Nous avons une relation très forte.
Pieter: La première fois que j’ai rencontré Tomas, je t’avoue que j’avais un peu peur. Je lui avais demandé une cigarette et je suis parti avec le reste de son paquet. Il n’a pas vraiment apprécié, et je dois t’avouer que quand il te regarde d’un air sévère, ce n’est pas rassurant (rires). En fait, Tomas est un peu mon mentor. Il m’a toujours beaucoup impressionné en tant que musicien. Je lui avais demandé à l’époque s’il accepterait de produire le premier album de King Dalton et c’est ainsi qu’il a finalement intégré le groupe.

GUIDO: King Dalton se produit un peu partout en Flandre et parfois à l’étranger, mais jamais en Wallonie!
Tomas: En effet, nous tournons très rarement en Wallonie, voire quasiment jamais. À l’époque où dEUS ou Zita Swoon étaient au sommet, les choses étaient un peu différentes. Aujourd’hui, des gens comme Stromae ou Selah Sue ont un large public des deux côtés de la frontière linguistique, mais ce sont des exceptions.

GUIDO: Qu’auriez-vous pu choisir comme voie si vous n’étiez pas devenus musiciens ?
Pieter: J’ai commencé à jouer du saxophone alors que j’étais tout petit. La musique fait partie de ma vie depuis toujours. Mon père, mon frère et moi, nous sommes tous les trois des passionnés de musique. C’est notre vie. Je ne vois pas trop ce que je pourrais faire d’autre en fait…
Tomas: Je ne viens pas d’une famille de musiciens, mais je n’ai jamais pu imaginer faire autre chose.

GUIDO: L’une des caractéristiques de King Dalton, c’est la synergie entre les voix de Pieter et Jorunn…
Pieter: Oui, c’est vrai… Lorsque j’ai monté le groupe il y a environ dix ans, il nous arrivait souvent d’aller répéter chez Tomas. Etant donné que Tomas et Jorunn vivent ensemble, elle a très rapidement posé sa voix sur quelques titres et a finalement intégré King Dalton.

King Dalton: The Third (WasteMyRecords)

Photos: © kwestion.be