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28/09/2022

CHARLIE WINSTON: «Je comprends enfin qui je suis vraiment»

Cinq années après avoir sérieusement remis en question la suite de sa carrière, Charlie Winston nous revient avec un nouvel album qu’il qualifie de son disque le plus personnel et le plus vulnérable. Rencontre.
 


«Il m’a fallu un certain temps pour retrouver le goût de la musique»

Charlie Winston: Ce nouvel album est important pour moi à plus d’un titre. Il correspond à une période-clé dans ma vie. J’ai traversé il y a cinq ou six ans ce que l’on appelle souvent la midlife crisis et je pense que je suis en train de découvrir et d'enfin comprendre qui je suis vraiment. C’est un processus assez lent, peut-être même le travail d’une vie. Ces dernières années, j’ai suivi une thérapie et lu pas mal d’ouvrages de développement personnel. As I Am en est imprégné. Je m’y dévoile comme jamais.

GUIDO: Lors de la sortie de Square 1, tu parlais déjà de remise en question...
Charlie Winston: Il y a une continuité entre Square 1 et As I Am. La démarche est similaire. À travers les chansons de ces deux albums, j’ai tenté d’explorer qui je suis vraiment et j’ai complètement remis en question certaines certitudes. Les thèmes abordés sont très intimes mais je suis convaincu qu’ils ont une portée universelle. Devenir père et éduquer des enfants tout en restant aligné avec mes valeurs, vivre en couple, découvrir qui on est vraiment…

GUIDO: Cette longue pause a donc été fructueuse?
Charlie Winston: Je n’arrivais plus à trouver l’envie de jouer et d’écrire. Avec mon épouse, nous avions même décidé de quitter Brighton pour aller vivre quelques mois au Malawi avant de déménager définitivement en France. La veille du départ, on m’a diagnostiqué une double hernie discale. Le médecin n’a pas tourné autour du pot, il était hors de question que je fasse un long trajet en avion. Tous nos projets d’effondraient… Notre maison était complètement vide, et donc inhabitable. Et nous avons donc été contraints de prendre une chambre d’hôtel. Cette nuit-là, comble de malchance, nous avons appris que notre fils était atteint d’épilepsie…

GUIDO: Vous avez alors décidé de prendre la route pour Nice plus tôt que prévu…
Charlie Winston
: La mort dans l’âme, nous avons renoncé à ce périple africain et pris directement la direction du Sud de la France. Les mois qui ont suivi l’annulation de notre projet en Afrique ont été difficiles. J’ai beaucoup douté. Il m’a fallu un certain temps pour retrouver le goût de la musique. Pour être honnête, la musique a toujours fait partie de moi, c’est le business de la musique qui était à l’origine de ce ras-le-bol. Après quelques mois de pause, j’ai recommencé à composer et l’envie est revenue petit à petit.

«Je suis un Frenglish!»

GUIDO: Il n'est donc pas anodin de
retrouver des sonorités africaines sur Square 1 et As I Am?
Charlie Winston: C’est une influence évidente. Je ne voulais pas faire un album africain comme Paul Simon avec Graceland, mais je peux difficilement cacher ma passion pour des artistes tels que le groupe Tinariwen ou Salif Keïta. Avant ma crise identitaire, j’avais tendance à marcher dans les clous, être un bon élève. Aujourd’hui, je n’ai plus peur de me lâcher, quitte à surprendre ou perdre une partie de mon public. Ces influences, je les assume pleinement aujourd’hui. Elles font partie de moi et je ne vois pas pourquoi je m’en cacherais. J’écoute aussi beaucoup de jazz, de la musique indienne. Je suis très éclectique en fait...

GUIDO: Tu habites en France depuis quelques années...
Charlie Winston: J’ai quitté les Cornouailles pour le Sud de la France, ma compagne étant française. En Angleterre, je suis quasi inconnu alors que mon public est très large en France. On dit souvent que nul n’est prophète en son pays. Pour être honnête, j’ai longtemps souffert de mon manque de popularité dans mon pays d’origine. Aujourd’hui, je l’assume plus facilement. Je suis un Frenglish! (rires). Et j’ai la chance de vivre de ma passion. Je suis plein de gratitude pour cela.

GUIDO: L’association avec Vianney est plutôt surprenante! C’est une suggestion qui vient du label?
Charlie Winston: Absolument! C’est lui qui a réalisé l’album. Tous les morceaux étaient prêts et Vianney m’a aidé à faire le tri, à prendre du recul afin de prendre de bonnes decisions. Quand tu prends toutes les decisions seul, l’aspect émotionnel prend souvent le dessus. Vianney était particulièrement excité par le projet et nous nous sommes super bien entendus.

GUIDO: Vous avez travaillé à deux, à Paris?
Charlie Winston: La plupart des morceaux de l’album ont été enregistrés dans son home studio, à Paris. Je suis multi-instrumentaliste et j’avais à cœur de jouer la plupart des instruments sur l’album. Vianney fait pas mal de parties de guitare mais à part cela et la trompette d’Ibrahim Maalouf sur Don’t Worry About Me, j’ai géré tout le reste des instruments en studio. Le duo Shifting Paradigms avec Vianney, c’est une manière de garder un souvenir de notre rencontre. C’est la cerise sur le gâteau. Un peu comme le duo Dusty Men avec Saule.

GUIDO: Tu joues aussi bien avec un band qu’en solo. Un choix dicté avant tout par des impératifs financiers et logistiques?
Charlie Winston: Non, pas vraiment. Au début de ma carrière, je jouais très souvent seul dans des petites salles. Grâce à une pédale loop, il est possible de jouer en solo tout en ayant un son ample. Jouer seul, cela permet également de beaucoup improviser, de modifier la setlist à l’envi, d’être plus à l’écoute du public, plus libre.

GUIDO: Ces derniers mois ont été compliqués pour de nombreux artistes à cause du Covid…
Charlie Winston
: D’une certaine manière, le Covid est tombé à un moment opportun pour moi. Cela m’a permis de prendre du recul par rapport à de nombreuses choses. J’ai écrit cet album durant ces années et le Covid m’a donné la possibilité de prendre un nouveau départ. À part mon manager, le reste de l’équipe qui m’entourait précédemment a changé. Mes musiciens, la firme de disque…

GUIDO: Côté santé, tu commences enfin à voir le bout du tunnel? 
Charlie Winston
: J’ai pris des tonnes de médicaments pendant des années, et avec un succès mitigé. Aujourd’hui, je suis convaincu d’une chose: le meilleur docteur, c’est toujours le patient. Mes problèmes de dos étaient et sont encore en grande partie liés à des soucis d’ordre psychologique. En acceptant ce constat, j’ai fait un très grand pas en avant. Mon dos demeure mon talon d'Achille, mais je vois l’avenir avec sérénité.

Charlie Winston: As I Am (Tôt ou Tard/PIAS)
En concert à la Madeleine le 26 novembre

Photo: © Thomas Chéné


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