SYML: «La musique me permet d'avancer»
De passage à Gand pour présenter son troisième album Nobody Lives Here, SYML (alias Brian Fennell) s’est confié à nous juste avant un concert à l’ambiance feutrée. Rencontre avec un artiste qui compose entre spiritualité, mélancolie lumineuse et quotidien de père de famille.
GUIDO: Tu viens de sortir Nobody Lives Here, un album beaucoup plus cohérent que tes précédents. Pourquoi cette nouvelle direction?
Brian: Le premier album était une sorte de collection de chansons, très éclatée. Je pense que le second était déjà nettement plus abouti. Mais tu as raison, Nobody Lives Here est plus concentré, plus réfléchi. Il a une vraie cohérence sonore. Les gens peuvent parfois entendre une continuité entre mes projets parce que c’est toujours ma voix, bien sûr, mais dans l’écriture, dans la production, je suis allé ailleurs.
GUIDO: Tu te sens plus à l’aise aujourd’hui dans cette version de toi-même ?
Brian: Oui. C’est bizarre, mais je suis plus en paix avec ce disque. C’est le plus proche de qui je suis. Et c’est aussi celui où je me sens le plus libre.
«C'est un album sur l'équilibre à trouver entre le passé, l'avenir et le présent»
GUIDO: Le titre Nobody Lives Here évoque une certaine idée de passage, de temporalité. C’est ce que tu voulais exprimer?
Brian: Exactement. Ce titre dit qu’on ne fait que passer. On est là pour un temps, et puis on s’en va. C’est une réflexion sur la vie, la mort, le vieillissement. J’ai écrit beaucoup de ces morceaux en observant mes enfants grandir, en me voyant vieillir dans leur regard. C’est un album sur l’équilibre à trouver entre le passé, l’avenir et le présent.
GUIDO: Tu évoques souvent ta famille dans ton processus de création. Elle est très présente dans ce disque aussi?
Brian: Oui, elle est partout. Mes enfants sont une source infinie d’inspiration. Leur façon de découvrir le monde me bouleverse. Et puis, la famille, c’est aussi ce qui m’ancre. J’essaye d’être un papa présent, même si ce n’est pas toujours évident avec ce métier.
GUIDO: Tu arrives à trouver un équilibre entre vie d’artiste et vie de famille?
Brian: C’est compliqué, mais on s’organise. On évite les longues tournées. Deux semaines max, et puis je rentre. Je suis souvent en Europe, plus qu’aux États-Unis même. Et parfois, ils me rejoignent sur la route. Mais sinon, je garde un rythme assez simple. Je travaille la journée, comme un job classique. Ensuite, je rentre à la maison.
«La scène est un lieu sacré»
GUIDO: Tu as collaboré avec des grands noms comme Lana Del Rey ou Guy Garvey. Mais ce nouvel album est très personnel, presque solitaire. Pourquoi ce choix?
Brian: C’était intentionnel. Je voulais un projet centré sur ma voix, sur mes mots. Mais j’ai quand même travaillé avec des musiciens incroyables. Greg Leisz, par exemple, un maître de la pedal steel, ou James McAlister, qui joue avec Taylor Swift et Sufjan Stevens. Ce sont eux qui apportent des textures uniques. Même si je chante seul, c’est un travail collectif.
GUIDO: Ta chanson Where’s My Love a connu un immense succès. Tu vis comment le succès d’un tube quand il arrive si tôt dans une carrière solo?
Brian: C’est étrange. C’est une chanson que j’avais écrite sans plan, à la fin de mon groupe Barcelona. Je l’ai envoyée à mes anciens partenaires, sans attente. Et elle a pris une vie à part. C’est une bénédiction, mais aussi un poids. Parce que tout est ensuite comparé à elle. Heureusement, j’étais déjà un peu plus vieux, donc je l’ai mieux vécu.
GUIDO: Tu parlais aussi de spiritualité comme moteur. Ta musique semble très connectée à cette idée.
Brian: Oui, c’est ce que je ressens à chaque concert. La scène est un lieu sacré. La spiritualité, pour moi, n’a pas besoin de religion. C’est ce qui nous relie. Et la musique, c’est un langage sacré. Une forme de prière silencieuse.
GUIDO: Et malgré la tonalité mélancolique de ta musique, tu n’es pas un artiste triste pour autant. En tout cas, c’est l’impression que tu me donnes en discutant...
Brian: (rires) Non, je suis plutôt joyeux dans la vie. Mais je pense que les émotions profondes, parfois douloureuses, méritent d’être exprimées. La musique est mon espace pour ça. C’est thérapeutique. Ça me permet d’avancer.

«L’idée, c’est de créer un moment suspendu, presque en apesanteur»
GUIDO: Tu écris de quelle façon?
Brian: Souvent avec des mémos vocaux. Une idée de mélodie, un bout de texte. Ça vient en même temps. Il y a un esprit, une atmosphère à attraper. Je travaille autant au piano qu’à la guitare. Mais le piano reste mon instrument natif. C’est plus intuitif.
GUIDO: Certaines collaborations se font comme du dating en ligne aujourd’hui. C’est une manière de travailler qui te convient?
Brian: En fait, oui (rires). On s’envoie des démos, parfois on ne se rencontre qu’après. Avec Charlotte Lawrence ou Sarah Watkins, c’était comme ça. D’abord la musique, puis le lien humain. Et parfois, c’est en festival qu’on se croise. Peut-être même au Pukkelpop, je ne sais plus.
GUIDO: À quoi doit-on s’attendre pour le concert de ce soir à Gand ou le suivant à Anvers?
Brian: Quelque chose d’intime. Ce soir, il n’y aura pas de batterie, juste un petit ensemble avec des bois, des cordes, des guitares. C’est un format très nuancé, très doux. L’idée, c’est de créer un moment suspendu, presque en apesanteur. J’ai envie que le public ressente une vraie proximité.
GUIDO: Un dernier mot pour le public belge, qui te suit depuis longtemps?
Brian: Merci pour votre douceur, votre curiosité. La Belgique a été l’un des premiers pays en Europe à me soutenir. J’y reviens toujours avec beaucoup d’amour.
Texte: Christophe Thienpont
En concert le 15 octobre à Anvers (De Roma)
Photos: © Jesse Morrow