Interview de Miguel de Clerck - Directeur de Max Havelaar
Fraîchement promu directeur de Max Havelaar Belgique, Miguel de Clerck n’est pas un néophyte en matière de développement durable ou de commerce équitable. En effet, après des études d’ingénieur commercial et une solide expérience au sein de Médecins sans Frontières, voici qu’un nouveau défi s’impose à lui: faire du commerce équitable une valeur sûre et inévitable au cours des années à venir.
Avant de se découvrir une passion pour le travail au sein des ONG, Miguel de Clerck a d’abord commencé par des études d’ingénieur commercial (à l'ICHEC et à l' IAG). C’est surtout la multidisciplinarité qui a motivé ce choix: 'Les études d'ingénieur commercial nous plongent en effet dans plusieurs logiques distinctes. Autant celle d'un juriste que celle d'un mathématicien, un physicien, un économiste ou un gestionnaire des Ressources Humaines. Elles reflètent toutes une approche et un mode de pensée dont il faut à chaque fois faire une synthèse adéquate.'
Douze ans à MSF
Les voyages, la découverte d'autres cultures ont toujours été une passion pour Miguel de Clerck. Après quelques voyages à l'étranger pendant et après ses études et vu qu'il cultive depuis toujours une passion pour le développement, voilà qu'il s'embarque dans la grande aventure de Médecins sans Frontières ( MSF), qui à l'époque n'était pas encore aussi importante qu'aujourd'hui. 'Durant mes années à MSF, j'ai connu une ouverture vers tous les aspects éthiques des choses. Il n'y a pas de solution miracle dans l'éthique, il faut toujours trancher entre plusieurs solutions qui se posent à nous. La méthodologie de travail de MSF est encore celle que je continue à appliquer. Après une bonne planification, on lance le projet et on garde un suivi rapproché ainsi qu'une grande capacité de flexibilité par rapport au programme initial.'
Douze ans passés chez MSF et un parcours varié et riche en expériences: il débute comme économiste de la santé ('qui essaie d'avoir une médecine de qualité, mais à des frais plus réduits') pour ensuite devenir chef de mission où il apprend concrètement la gestion des Ressources Humaines en passant par des petits boulots techniques dans plusieurs départements. Cela s'inscrit toujours dans son envie de rester le plus multidisciplinaire possible.
Un label équitable
Toujours très avide de nouveaux défis, Miguel de Clerck se retrouve à la tête de Max Havelaar Belgique en août 2004. Et on peut dire qu'il a trouvé son bonheur, vu qu'il cherchait 'une ONG et non une asbl, une plus petite structure, bilingue, avec un aspect de pérennité dans ce que l'on fait'. Pour ceux qui ne sauraient pas exactement de quoi s'occupe Max Havelaar, voici comment il décrit ses activités: 'L'idée de base est de rapprocher le producteur du Sud à un consommateur au Nord qui soit sensibilisé à sa cause. On ne demande pas au consommateur d'être solidaire, mais d'accepter de payer un prix juste ayant un impact positif pour les producteurs.' Max Havelaar a donc développé un label (et non une marque, il n'existe pas à proprement parler de café Max Havelaar) pour rapprocher les producteurs du Sud et les consommateurs du Nord, une garantie qui dit clairement à l'acheteur que les critères de commerce équitable ont été respectés. 'En achetant nos produits, vous n'achetez pas seulement du sucre ou une banane, mais un produit de qualité ainsi qu'une plus-value sociétaire puisque vous participez au paiement juste des producteurs du Sud.'
Quels sont les critères d'obtention d'un tel label? 'Ces critères sont basés sur le trépied du développement durable: le pilier social (respecter les conventions du BIT et donner aux paysans la capacité de rentrer dans une relation de pouvoir où tous les intérêts sont pris en compte), économique (le producteur du Sud doit fournir des améliorations et le consommateur du Nord doit participer au financement de ces améliorations) et environnemental (ne pas utiliser de produits chimiques extrêmement nocifs).' Avec une grande priorité accordée au pilier économique. 'Il est en effet possible d'obtenir un développement durable dans le Sud en surfant sur des systèmes commerciaux traditionnels: en dégageant des marges bénéficiaires tout en participant à un développement durable dans le Sud.' Telle est la grande philosophie de Max Havelaar.
Sortir de sa marginalité
Malgré toutes les informations qui circulent sur le commerce équitable, celui-ci reste néanmoins un phénomène encore marginal. Selon Miguel de Clerck, 'on peut promouvoir le commerce équitable à travers les entreprises, à travers l'offre de produits labellisés Max Havelaar en jouant l'entremetteur auprès de détenteurs de marques comme auprès des grandes chaînes de distribution. Chez les producteurs, on doit essayer de vendre des produits labellisés de la gamme, mais aussi élargir la gamme. On est donc en permanence en train de développer des nouveaux standards.' Max Havelaar est une ONG qui possède un département commercial tâchant de promouvoir l'offre des produits labellisés.
Bien qu'il y aie de plus en plus de personnes motivées par le commerce équitable, rares sont ceux qui passent à l'acte. L'achat de produits labellisés reste donc quelque chose que l'on ne fait que de temps en temps et non systématiquement. 'Beaucoup de gens perçoivent le commerce équitable comme quelque chose d'alternatif, de différent, auquel ils n'ont pas accès. Notre grand défi est donc de leur expliquer ce qu'est le commerce équitable sans blâmer les réfractaires ou donner une médaille aux partisans.'
De nouveaux défis
A l'avenir, le premier défi de Max Havelaar est d'augmenter la part de marché du produit labellisé. 'Si d'ici 7 ans, on parvient à arriver à 15% de parts de marché, je serai plus que satisfait.' Les parts de croissance des produits estampillés Max Havelaar sont très encourageants, ce qui lui permet d'espérer et d'être encore plus ambitieux.
On assiste également à une émergence de nouveaux labels en tout genre ('des bons comme des moins bons'), ce qui nécessitera des efforts en communication de la part de Max Havelaar vis-à-vis du consommateur. 'La communication deviendra de plus en plus importante vu l'interférence de tous ces labels. C'est également la rançon d'un certain succès, ce qui est un point plutôt positif.' Max Havelaar est donc toujours à la recherche de partenaires commerciaux et de consommateurs sensibilisés. A vous aussi donc de vous intéresser au commerce équitable.
(SD)
Le Commerce Equitable, kézako?
'Les consommateurs peuvent intervenir dans l'influence de la vie de l'autre à travers leur achat. On peut voter en achetant. Il est très possible de ne pas voter ou de voter contre, mais chacun a la possibilité de voter pour en achetant les produits labellisés .'
'Quand on change ses habitudes de consommation, on note un impact sur le développement. Ainsi, on offre la possibilité aux gens du Sud de définir leur avenir comme ils l'entendent. Cela n'est ni interventionniste ni paternaliste. En fait, on demande aux consommateurs de devenir consommacteurs.'
'Il ne faut pas être nécessairement riche pour participer au commerce équitable, il faut faire des choix en consommant. La banane Max Havelaar n'est pas plus chère qu'une autre. En fait, le consommateur achète plus que ce qu'il paie.'