OKAZOOM, le premier site belge d'enchères solidaires
Publicitaire à la base, Grégory Defay a décidé d'entreprendre un virage à 180 degrés alors que la quarantaine venait de sonner. C'est à ce moment qu'il a décidé de lancer Okazoom, le premier site belge d'enchères solidaires. Depuis début octobre, les Belges ont donc l'opportunité de faire de la place dans leur grenier tout en aidant l'une des douze ASBL promues par le site en question.
GUIDO: C'est à l'aube de tes quarante ans que tu t'es remis en question sur le plan professionnel?
Grégory Defay: En effet, j'avais imaginé une sorte de bucket list, une liste des choses que je voudrais encore faire dans ma vie, comme enseigner, jouer de la guitare, faire un one-man-show, faire quelque chose de positif… Ça partait vraiment dans tous les sens. Et c'est ainsi qu'Okazoom est né.
«J'avais envie de faire quelque chose dont mes enfants seraient fiers»
GUIDO: Décris en quelques mots le concept d'Okazoom…
Grégory Defay: C'est un site d'enchères en ligne, comme l'est eBay par exemple, sauf que ce sont des enchères solidaires, c'est-à-dire que les objets ne sont pas mis en vente pour son profit personnel mais pour une ASBL que l'on choisit parmi la liste proposée (ndlr: qui contient une douzaine d'ASBL pour le moment).
GUIDO: Quelles raisons t'ont poussé à créer une telle plateforme?
Grégory Defay: Ça peut paraître bidon comme explication, mais j'avais vraiment envie de faire quelque chose dont mes enfants seraient fiers. En réfléchissant à ce que je savais faire, le domaine dans lequel j'avais une plus-value, c'est-à-dire la publicité, l'idée d'un site solidaire a rapidement fait son chemin. On retrouve d'ailleurs cet aspect publicitaire car on y a aussi intégré les marques qui peuvent y proposer des enchères exceptionnelles, comme un vélo électrique mis en vente par une marque ou un ukulélé dédicacé par Alice On The Roof.
GUIDO: On a l'impression que la jeunesse actuelle est davantage tournée vers le solidaire qu'il y a dix ou vingt ans…
Grégory Defay: Je ne sais pas à quoi c'est dû, mais je sais en tout cas que les jeunes qui sortent des écoles maintenant sont beaucoup plus en recherche de sens par rapport au métier qu'ils veulent faire. Aujourd'hui, on se rend compte que quand on achète un T-shirt, derrière il y a des gens qui triment ou des sociétés qui ferment. On se rend plus compte qu'on a un pouvoir, le consommateur réalise que ses choix peuvent influencer le monde dans lequel il vit.
GUIDO: Comment motiverais-tu les étudiants à revendre leurs affaires sur Okazoom plutôt que sur eBay?
Grégory Defay: Je ne pense pas avoir à les convaincre parce que le calcul est vite fait: s'ils mettent un objet sur eBay, ils auront des sous pour partir en vacances, peut-être. S'ils mettent un objet sur notre site, ils le reversent à une association qui pourra en faire quelque chose. Il n'y a pas de mauvais choix, chacun le fait selon sa propre sensibilité. Certaines ASBL peuvent plus parler à certaines personnes, selon leur propre vécu. C'est le moyen d'aider sans mettre à la poche directement, en quelque sorte.
«Le plus dur quand on se lance, c'est de se lancer!»
GUIDO: Comment arrives-tu à combiner ce projet solidaire à ton autre casquette de professionnel de la publicité?
Grégory Defay: L'un rentre dans l'autre parce que j'essaie d'amener mes clients publicitaires à mettre des objets sur le site. Le plus important, si on veut que ça ait du sens et que ça fonctionne, c'est qu'il ne faut pas juste leur demander de donner quelque chose, parce que l'objectif premier des marques reste de vendre. Donc, on essaie que les marques aient un vrai service derrière et accordent une petite part de leur budget communication à ce côté solidaire.
GUIDO: Et ainsi leur donner une meilleure image…
Grégory Defay: Tout est lié. C'est d'ailleurs le combat que je vais devoir mener. Avant, on avait l'image des personnes travaillant dans des ASBL, avec des toilettes sèches et se donnant à 100% à leur cause. Et de l'autre côté, il y avait les méchants. Ce qu'on essaie de dire, c'est le suivant: est-on obligé d'avoir des toilettes sèches pour être généreux?! Sur le papier, moi, étant publicitaire, je suis à l'opposé de la solidarité. Ne pourrait-on pas joindre les deux pour créer une agence de communication solidaire?
GUIDO: Okazoom est-elle une ASBL déjà viable financièrement?
Grégory Defay: Pour l'instant, c'est moins que viable même! (rires) Le but du jeu, ce n'est pas que j'en retire un salaire. Ce que j'aimerais, c'est que mon agence devienne solidaire et que ce soit là que je m'en sorte financièrement.
GUIDO: Existe-t-il un timing idéal pour se lancer en tant que young starter?
Grégory Defay: Il y a deux écoles: ceux qui se lancent très, très vite dès la fin de l'école parce qu'ils ont une idée qui leur trotte dans la tête depuis longtemps. Même parfois pendant les études. Et les autres qui apprennent d'abord un peu sur le terrain avant de se lancer. Comme moi qui ai lancé ma boîte à 30 ans. Mais ce n'est pas parce que je n'avais pas envie de me lancer tout de suite, c'est juste que je n'y pensais pas à l'époque. Au final, le plus dur quand on se lance, c'est de se lancer! Plus c'est tard, plus c'est compliqué selon moi. Avec des enfants et une maison à rembourser, c'est plus difficile de sauter le pas. Si vous commencez tôt, il y a évidemment moins à perdre. Le risque est moins dangereux, le passage est donc moins difficile à envisager. Par contre, vous avez alors moins d'expérience, il n'y a donc pas de recette miracle. Après mes études en sciences éco, j'ai donné cours à l'EPHEC, une école censée être plus 'pratique' que sciences éco. Et je pense que c'est vrai. J'ai d'ailleurs plus d'amis de l'EPHEC qui se sont lancés plus vite. Parce qu'ils calculaient moins le risque, selon moi. Alors que les sciences éco le calculaient trop! Maintenant, où est la vérité? Je pense qu'elle se situe à mi-chemin entre les deux… L'entrepreneur parfait est celui qui a bien connaissance des risques, mais a les 'cojones' nécessaires pour y aller. Je ne critique aucun des deux systèmes, mais je pointe deux techniques différentes.
GUIDO: Porter seul un projet ne doit pas être facile tous les jours?
Grégory Defay: C'est un projet très complet; il faut voir fiscalement et légalement comment ça se passe, en organisant des rendez-vous avec les avocats ou les fiscalistes. Même si c'est compliqué, ça reste très excitant aussi. Pour moi, ce n'est pas un problème d'être seul. Sauf peut-être lors du lancement qui a eu lieu le 2 octobre dernier: j'étais à minuit sur mon ordinateur pour être certain que tout se passe bien. J'aurais bien eu envie de tirer un petit feu d'artifice quand ma première enchère est passée! Bon, ma femme était restée éveillée à mes côtés, mais on n'a pas fait un dîner de gala pour l'occasion! Parfois, c'est plus chouette d'avoir des collègues pour vivre cela ensemble ou nous rebooster lors d'éventuels coups de mou.
GUIDO: On parlait au début de cette interview de ta bucket list, que reste-t-il à accomplir dans les prochaines années?
Grégory Defay: Plein de choses! Apprendre à jouer de la guitare, écrire un livre, faire un one-man-show, … Mais bon, on va d'abord prendre le temps nécessaire à lancer Okazoom avant de penser à la prochaine étape! (sourire)
Plus d'infos sur www.okazoom.com