21/08/2006

JEAN-DAVID MORVAN: "Les mangas pourraient bien sauver notre bande dessinée"

Morvan est surtout connu pour Sillage et sa belle héroïne Navis, ou encore pour avoir écrit les deux derniers Spirou . Mais on peut compter aussi une bonne vingtaine de séries sorties tout droit de sa plume.

Le premier cycle de Trois… et l'ange raconte l'histoire d'un ange déchu, cherchant à réintégrer le paradis. Thriller fantastique, dont tout le cynisme est parfaitement rendu par le dessin forcé de Colombo, Morvan nous a bel et bien sorti une nouvelle œuvre digne d'intérêt.

GUIDO: Comment devient-on un des plus grands scénaristes de ces dernières années?

Morvan : Merci, mais je ne me vois pas ainsi, plutôt comme quelqu'un qui a la chance de pouvoir faire ce qu'il aime et qui est apprécié pour ça. Je crois que vivre à Reims où on parle peu de bande dessinée m'aide à garder une certaine distance.

GUIDO: Bizarrement, vous avez étudié le dessin pour finalement vous consacrer entièrement au scénario…

Morvan : J'ai commencé par 6 mois à Saint-Luc , ici à Bruxelles, mais ça n'a pas du tout été. Je cherchais une formation beaucoup plus concrète, comment faire les couleurs, réaliser les planches, etc. J'en suis donc vite parti. A cette époque-là, j'ai signé un projet avec un ami chez Zenda , mais comme je ne voulais pas quitter Bruxelles, je me suis inscrit aux Beaux-Arts, où ce fut pire encore, je n'y ai donc passé que quelques heures. Puis, rencontrant de plus en plus de dessinateurs, je n'ai plus vu l'intérêt de dessiner, ce qui ne me manque toujours pas.

GUIDO: Vous êtes un symbole de la mondialisation de la bande dessinée, vous travaillez en effet avec des auteurs des quatre coins du globe.

Morvan : Surtout par curiosité. J'aime tous les genres de bande dessinée et chaque culture apporte une petite différence que j'aime découvrir et utiliser dans mes albums. Quand je crée une BD, pour commencer, j'ai juste le concept dans la tête, puis j'attends d'avoir trouver le dessinateur. Parfois, c'est l'inverse, je rencontre un dessinateur avec lequel j'ai envie de travailler, je réfléchis à ce qui pourrait lui correspondre et c'est parti… Je travaille vraiment en fonction du dessinateur pour que ça nous corresponde à tous les deux et que nous puissions donc y donner le meilleur de nous-mêmes.

GUIDO: D'où est née l'idée de Trois… et l'ange ?

Morvan : Le but était de raconter des histoires mélangeant contemporain et fantastique et de faire penser au lecteur qu'il n'est pas dans un monde aussi simple qu'il en a l'air. Un mélange de mangas pour la dynamique, de séries américaines pour le traitement des personnages puis des films taiwanais qui amènent souvent une petite dose de fantastique. Colombo fut un choix facile pour le dessin, il a pour moi une manière très intéressante de s'approprier les personnages. Son trait, un peu caricatural, renforce encore plus le ton de la bande dessinée et est nécessaire pour faire ressentir l'histoire au lecteur. Pour la suite, on va essayer de continuer avec des cycles de deux albums, tant que l'inspiration nous viendra.

GUIDO: Une guerre intestine semble faire rage entre bande dessinée d'auteur et bande dessinée commerciale. Quelle position adoptez-vous dans ce conflit?

Morvan : Déjà, c'est de plus en plus difficile de les séparer au vu du succès de cette BD d'auteur. De plus, pour moi, c'est un discours qui n'a pas de raison d'être; l'éclectisme est ce qu'il y a de mieux et dénigrer certains genres de bande dessinée n'est pas le meilleur moyen d'y arriver. Je suis fan de bande dessinée et donc curieux de tout ce qu'elle peut engendrer.

GUIDO: Que peuvent apporter les mangas à notre bande dessinée?

Morvan : Ça peut la sauver! Cette ouverture peut permettre à la bande dessinée européenne de sortir de son carcan et de s'adapter au jeune public qui semble plus proche des mangas, si l'on en croit leur succès.

GUIDO: Quel est votre avenir dans la bande dessinée?

Morvan : Il est à l'étranger. J'ai envie de travailler directement avec les éditeurs américains ou japonais pour des séries destinées à leur public. Déjà certains projets tendent à se concrétiser. A Angoulême, j'ai beaucoup conversé avec Jimmy, un des dessinateurs des X-Men devenu maintenant vice-président de DC Comics, qui m'a proposé de travailler avec lui sur Batman. Au Japon, un éditeur m'a proposé de me prêter des dessinateurs pour réaliser des histoires pour son magazine. Bref, j'ai encore du pain sur la planche.