CHRISTOPHE BLAIN: «Je n'ai pas assez de bras!»
Dans un décor digne d'un western spaghetti, l'auteur des aventures de Gus, le cow-boy au nez phallique, regardait d'un air jovial son assiette trop remplie. Entouré par une horde de journaliste, il savait qu'une série de questions l'attendait.
GUIDO: Pourquoi avoir opté pour le western?
Christophe Blain : Le western est mon genre préféré, mais je ne réfléchis pas tellement si je veux faire ça ou ça. La plupart du temps, j'essaye qu'il y ait une codification d'aventure. Cette fois-ci, je voulais que ce soit plus drôle, plus libre. Le western est un thème très remâché, donc pas très évident à aborder, alors moi je me suis lâché, beaucoup plus que dans les ouvrages précédents. Mais c'est une histoire qui est venue très naturellement. J'avais fait huit pages, pour la sortie du magazine Pilote, et vu que ça a plu, j'ai laissé le projet prendre forme. Et même s'il n'y a qu'un album de sorti, il y en a déjà quatre autres d'écrits. Dans celui-ci, on présente les personnages. Ces histoires sont surtout celle que j'ai écrites au départ, mais pas toutes. Maintenant que l'univers est posé, je peux en faire ce que je veux, parfois même surprendre.
GUIDO: Qu'en est-il d'Isaac le Pirate?
Christophe Blain : C'est un projet récréatif à côté d'Isaac. Je fais plein d'histoire, et puis je les sélectionne pour composer les albums. Parfois, certains projets sont abandonnés ou sont découpés autrement. J'aime beaucoup les histoires de pirates, mais c'est le western qui m'amuse le plus. Je pense que je reviendrai à Isaac un peu différemment. J'ai beaucoup d'autres projets, dont au moins trois ‘gros' autres que ces deux ci. Il y aura encore deux ou trois albums du Pirate , la série western comptera au moins 4 livres… Je n'ai pas assez de têtes, je n'ai pas assez de bras! Et étant solitaire, je vois mal quelqu'un travailler dessus. Du moins pour l'instant.
GUIDO: Et pourquoi avoir arrêté Donjon, la série de Lewis et Joann?
Christophe Blain : Justement pour pouvoir faire des choses seul. ç a n'a même pas été difficile d'arrêter. C'est un très beau projet, mais il me prenait trop d'énergie. J'avais besoin de plus de place, puisque j'ai plus de choses à raconter qu'avant. Je ne continuerai que Socrate, mais même Joann a du mal à finir le scénario du tome en cours.
GUIDO: Que répondez-vous aux gens qui prétendent que vous ne savez pas dessiner?
Christophe Blain : Mon dessin n'est pas inaccessible. Il est facile à lire. Il y a juste un décalage avec la façon traditionnelle de faire des westerns, mais je ne pense pas qu'il n'y ait qu'une façon de raconter des histoires, et c'est ça qui est bien. Je ne demanderai pas aux autres de dessiner comme moi. J'avais besoin d'un dessin qui offre de grandes possibilités de narration, avec une bonne clarté, une certaine vivacité, aussi de la précision. Et en même temps de la malléabilité. Je peux transformer les personnages, le dessin, en fonction de leurs sentiments. Par le biais de l'action, je montre leurs sentiments, ce qui n'est pas toujours évident. Je change mon dessin en fonction de ce que je dois raconter. Il est relativement ouvert tout en restant cohérent. J'espère que j'arrive à garder une cohérence suffisante, pour que ça ne pose pas problème aux lecteurs.
GUIDO: Que pensez-vous du débat autour de la nouvelle bande dessinée?
Christophe Blain : Je ne m'en préoccupe pas. Pas plus que du fait qu'on m'y colle cette étiquette. ç a permet à des gens d'être identifiés, ce qui n'est pas forcément mal. ç a peut avoir quelque chose de réducteur, mais je m'en fiche.
GUIDO: Et quel avenir a selon vous cette bande dessinée?
Christophe Blain : Je ne sais pas! Je ne suis pas aux commandes. A la base, ce n'est pas un mouvement, ce sont des copains. Je me suis retrouvé dans un atelier, avec David B., Lewis Trondheim, Joann, Emile Bravo et quelques autres. Mais c'est parce qu'on avait besoin d'un atelier. Parce qu'on s'appréciait, il y a parfois eu quelques projets en commun, et on a appelé ça de la nouvelle bande dessinée. C'est surtout des gens qui ont été fédérés autour de l'Association. Je fais mes BD tout seul, je ne me préoccupe pas des collections et tout ça. J'essaye de maîtriser le maximum sur mes albums, et c'est ce qui importe à mes yeux.
(JCVH)