BENNI: «Je fais de la musique parce que j’en ai besoin»

À seulement 24 ans, Benni impose déjà un univers à part dans le paysage musical belge. Voix douce mais affirmée, folk lumineuse chantée en anglais, une production soignée signée Thomas Médard (de Dan San et The Feather) et des textes taillés dans l’émotion brute. Pas de stratégie TikTok ni de single calibré pour plaire aux playlists: Benni fait ce qu’elle aime, à son rythme, en prenant le temps. Et ça marche...

Venue d’un petit village de Wallonie, bercée par la country, elle a d’abord chanté dans la rue en Nouvelle-Zélande avant de s’imposer sur les scènes belges, du Botanique au Cirque Royal, en passant par les premières parties de November Ultra ou Cœur de Pirate. À l’occasion de la sortie de son premier EP (Bleeding Colours), on a pris le temps de discuter avec elle de son parcours atypique, de sa vision de la scène musicale belge, de ses influences, mais aussi de ses doutes, de ses envies d’études musicales… et de son amour pour les chansons qui durent six minutes.

GUIDO: Benni, c’est ton vrai prénom?
Benni: Non, c’est Barbara à l’état civil. J’ai commencé à chanter dans les rues en Nouvelle-Zélande, avec une petite pancarte Barbara Petitjean. Mais les gens n'accrochaient pas, c’était trop long, trop francophone. Et ma famille d’accueil là-bas m’appelait Benni. C’est resté. Et j’aime bien.

Un fil rouge autour d'une histoire d'amour

GUIDO: Tu as une voix déjà très affirmée. D’où ça vient, la musique, chez toi?
Benni: Mon père est bûcheron, il chantait beaucoup de berceuses quand j’étais petite. Et dans son pick-up, c’était surtout de la country. Ça m’a marquée. Vers 6-7 ans, j’ai rejoint la chorale du village, j’y suis restée 10 ans. Ensuite, j’ai fait de la comédie musicale, un peu de guitare classique en académie, mais j’ai vite lâché pour apprendre en autodidacte. Et j’ai commencé le piano vers 17 ans, pareil, en freestyle.

GUIDO: Et à quel moment ça devient sérieux?
Benni: Quand je suis rentrée de Nouvelle-Zélande. C’était clair, je voulais vivre de la musique. Je me suis inscrite à la SAE à Bruxelles pour une formation en production musicale. Deux semaines après, c’était le début du Covid. Tout s’est arrêté. Je suis tombée un peu par hasard sur le Concours Circuit. J’ai monté un groupe en vitesse, et j’ai fini en finale. Ça m’a donné une première visibilité, un vrai déclic.

GUIDO: Et aujourd’hui, tu sors un premier EP très personnel. C’est même un peu plus qu’un EP, non?
Benni: Carrément! Il y a sept morceaux, c’est presque un album. Je l’ai construit comme un fil rouge autour d’une histoire d’amour. J’écris depuis mes 12 ans, mais là, ce sont les premières chansons que j’avais vraiment besoin de sortir. Ça s’est fait sur deux ans, un vrai travail de longue haleine.

GUIDO: C’est Thomas de Dan San qui l’a produit, c’est ça?
Benni: Oui! J’avais fait des chœurs sur un de ses albums. On a testé un titre ensemble, ça a matché direct. Du coup, il a produit tout l’EP. Il est génial, humainement et musicalement.

L'importance de rester authentique

GUIDO: Tu chantes en anglais, dans un univers très folk. À contre-courant de ce qui se fait en Belgique, non?
Benni: Oui, clairement. Aujourd’hui, la tendance est à la pop francophone. Mais moi, j’écris ce que j’aime. J’ai essayé en français, ça ne me parlait pas. L’anglais, c’est venu naturellement. Je pense que le plus important, c’est de rester authentique.

GUIDO: Quelles sont tes influences?
Benni: Bon Iver, Gregory Alan Isakov, Leif Vollebekk… Des artistes que j’écoute en boucle. Ce sont des univers où on prend le temps, où un morceau peut durer six minutes. Ça me parle beaucoup.

GUIDO: Tu écoutes encore des albums en entier, toi?
Benni: Oui, j’aime aller au bout d’un projet. Si j’accroche avec un·e artiste, je vais tout écouter, dans la voiture, plusieurs fois d’affilée. Je suis restée fidèle à cette manière de consommer la musique.

GUIDO: Tu commences aussi à faire pas mal de premières parties…
Benni: Oui, j’ai ouvert pour Cœur de Pirate au Cirque Royal, c’était fou. Ils ont même affrété un bus depuis mon village! Il y a eu aussi Clara Ysé, November Ultra, The Paper Kites… Je suis souvent seule sur scène avec ma guitare, mais j’aime ça.

Sortir du cadre

GUIDO: Tu parlais de la scène belge, justement. Tu te sens comment là-dedans?
Benni: Il y a plein de choses du côté flamand qui me parlent. Des artistes comme Iskander Moon ou Isaac Roux sont dans le même délire que moi. Côté Wallonie, il y en a moins dans la folk, mais des belles choses existent.

GUIDO: Et les études dans tout ça?
Benni: J’ai fait un an à la SAE, mais je n’ai pas continué. J’adore apprendre, donc peut-être que je referai des études, mais en composition. Pas parce qu’il faut, mais parce que j’en ai envie. C’est un truc que j’aimerais dire aux étudiant·e·s: il y a un cadre, et c’est ok d’y être? mais si ce cadre ne vous convient pas, osez sortir. Il vaut mieux avoir des remords que des regrets.

GUIDO: Dernière question: comment naît une chanson de Beni?
Benni: Je compose et j’écris en même temps. C’est instinctif. Sans doute même un peu thérapeutique, car j’écris beaucoup lorsque j’ai des coups de blues. Aujourd’hui, je me sens bien dans ma vie. Je suis heureuse, je me sens épanouie. J’apprends donc à écrire autrement. Ça évolue. Mais je ne me force jamais. Je suis très structurée dans la vie, alors dans la musique, j’ai besoin de liberté.

Benni sur scène...

24/04: Modzik Talent Live, L’Archipel Paris (FR) 
17/05: Les Nuits Botanique – Bruxelles
24/05: Sofar Sounds Amsterdam, Amsterdam (NL) 
20/07: Francofolies de Spa
01/08: M-IDZOMER Festival, Leuven
22/08: Les Solidarités, Namur

Photos: © Simon Vanrie