YAEL NAIM: «Cela nous prend parfois deux ans pour finaliser une chanson»

MUSIQUE

Sept longues années se sont écoulées depuis le tube planétaire New Soul… Aujourd’hui mère de famille épanouie, Yael Naim nous revient avec un magnifique nouvel album sur lequel elle fait le grand écart entre mélodies folk élégiaques, envolées soul et pop lumineuse. Rencontre avec Yael et David, son fidèle lieutenant.

GUIDO: Older annonce la fin d’une période?

Yael Naim: Sept années se sont écoulées depuis New Soul. Entretemps, Je suis devenu maman, et ma vie a également été marquée par le décès de plusieurs proches. Older, c’est aussi le titre d’une chanson de l’album qui parle de la disparition de ma grand-mère et de l’accompagnement de quelqu’un en général. Et puis, j’ai l’impression d’être à un âge charnière. J’ai vécu la naissance d’un enfant, mais aussi la perte de gens très proches. Ce sont les deux événements qui sont les plus forts que l’on peut vivre et qui nous font nous rendre compte que l’on est éphémère. Pendant de nombreuses années, je m’étais d’une certaine façon convaincue que je pourrais échapper à ce cycle de la vie. Et je pense que je n’ai réellement pris conscience que ce n’était pas possible que ces dernières années. Le début de la sagesse? Cette prise de conscience a en tout cas clairement eu une influence sur la composition de l’album.

GUIDO: Yael Naim, c’est Yael et David… Pourquoi ne pas changer le nom du projet?

David Donatien: La première fois que j’ai eu la chance d’entendre des compositions de Yael, c’était il y a dix ans et j’ai trouvé son talent et son univers incroyables. Je lui ai donné des conseils et j’ai travaillé sur quelques arrangements. Finalement, c’est devenu notre quotidien et nous avons cosigné cet album à deux. Il se fait que l’histoire racontée dans ces chansons, c’est quand même l’histoire de Yael et son identité. Le premier album était d’ailleurs essentiellement chanté en hébreux. Il était logique qu’il sorte sous le nom de Yael Naim. Par après, la question s’est posée de savoir si nous allions continuer à travailler à deux en tant que groupe ou continuer notre vie musicale chacun de notre côté. Nous avons décidé de continuer à collaborer, mais comme le projet avait pour nom Yael Naim, on a décidé que le nom Yael Naim serait le nom du groupe. Et c’est resté comme cela…

Yael Naim: Sur le premier album, c’était mes chansons mais arrangées et produites ensemble. Sur le second album, on retrouve aussi bien des morceaux que nous avons écrits à quatre mains que des compositions de David - entre autres Go To The River, l’un des titres-phares de l’album - et des titres que j’ai écrits. Sur Older, les quatre compositions les plus importantes de l’album one été composées à deux. Donc, on travaille de plus en plus en complicité. Je ne sais pas si Older est l’album de la maturité, mais il est évident que c’est celui sur lequel David et moi avons travaillé avec le plus de complicité.

 

GUIDO: Comment naissent les compositions du projet Yael Naim?

Yael Naim: La composition, c’est ce qui va le plus vite. La plupart du temps, je compose seule dans mon coin ou avec David. Par contre après, il y a un gros travail sur les arrangements, de production, d’essais de couleurs différentes par morceau. Cela prend parfois jusqu’à deux ans pour finaliser un titre. Nous travaillons beaucoup en studio car nous disposons de deux plateformes. Le disque, c’est un mélange de la spontanéité de la création et d’un très gros travail de studio.

David Donatien: Il y a un ping-pong entre Yael et moi. Les morceaux passent d’une station à l’autre. On compose régulièrement, chacun de notre côté. Et quand on passe en période de réalisation de l’album, quand on a l’impression de tenir la couleur générale, on arrête quasi de composer pour mettre toute notre énergie dans la finalisation des morceaux, voir les instruments que l’on va utiliser – un tuba, des cordes, un French Horn… - et suivre différentes pistes. Et on fait venir des musiciens, qui se rendent à notre studio à Paris.

 

«Je me suis mise à nu comme jamais»

 

GUIDO: Older est musicalement très riche. La scène sera un sacré défi, non?

Yael Naim: Comme on met piste sur piste à chaque album, la scène est évidemment un gros défi. L’énergie masque parfois les arrangements ou la production que nous ne pouvons pas reproduire sur scène. Nous serons six sur scène. Il y a trois cœurs, et un trio – basse, batterie et piano essentiellement. Ensuite, les musiciens changent d’instruments. Je vais jouer de la guitare par exemple. Les chanteurs sont aussi multi-instrumentistes.

 

GUIDO: La pochette de l’album est particulièrement réussie…

Yael Naim: On aime donner un sens à nos visuels. On a fait une séance photo avec des plasticiens qui utilisent des éléments végétaux sur le visage. Tout était en couleur mais nous n’étions pas vraiment satisfaits du résultat. Et c’est ainsi que l’on a basculé vers le noir et blanc. Le hibou représente la sagesse et le temps qui s’écoule.

 

GUIDO: La musique vous aide-t-elle à vous affranchir? 

Yael Naim: Je le pense sincèrement. Enregistrer une chanson, cela permet parfois de faire un travail inconscient sur soi-même. Et d'ensuite passer à autre chose. Les instants les moins beaux sont susceptibles de se transformer en très belles chansons. Ça permet d’ensuite mieux appréhender les événements ou faire face aux difficultés de la vie. Dans le titre Coward, je me mets à nu comme jamais en évoquant une part d'ombre que j'ai en moi. C’est pourtant l’un des morceaux que je préfère sur le disque.

 

GUIDO: Que préférez-vous dans votre métier? La composition et le travail de studio ou les tournées?

David Donatien: L'alternance entre périodes d'enfermement et de retrouvailles avec le public, c'est ce qui fait notre équilibre. Nous pourrions difficilement imaginer l’un sans l’autre. C’est cette dualité qui fait la magie de notre métier.

 

Yael Naim: Older (Tôt ou Tard/PIAS)