SON LUX: Laboratoire sonore

Inclassable, passionnante, novatrice, étrange, bluffante, dérangeante. Les adjectifs que l’on pourrait utiliser pour décrire la musique de Son Lux ne parviennent pourtant pas à rendre justice à la créativité du groupe. Si vous n’entendrez sans doute pas Son Lux sur votre radio préférée, nous ne pourrions trop vous conseiller d’avoir la curiosité de découvrir cet univers singulier, à la frontière entre la musique folk et l’électro. Rencontre avec Son Lux au grand complet.

GUIDO: J’ai découvert Son Lux très récemment, avec le clip du single Dream State. Chapeau, c’est absolument bluffant!

Ryan: Mais nous n’y sommes pour rien. Nous ne nous impliquons pas vraiment dans nos clips vidéo. En général, nous recevons un e-mail ou un coup de fil d’un réalisateur qui ressent une connexion avec notre musique. Et je pense que notre musique les inspire souvent très fort car il faut bien reconnaître que nous recevons pas mal de propositions intéressantes. Nous avons travaillé plusieurs fois avec un artiste belge, Jean-Paul Frenay, que nous trouvons absolument bluffant. Le clip de Dream State a été réalisé par des amis, le collectif The Made Shop et je trouve aussi que c’est une réussite éclatante.

Des mois merveilleux mais tristes

GUIDO: Le thème du changement et de la peur de vieillir sont abordés dans plusieurs titres de l’album.

Ryan: Cela a été à la fois une période formidable et absolument impossible pour moi. (long silence) J’ai vu mourir un ami très proche, et ce pendant une longue période de temps. Et puis, mon épouse est tombée enceinte et je suis devenu papa pour la toute première fois. L’association de ces deux expériences a été étrange, difficile. Ces derniers mois ont parfois été merveilleux, parfois très tristes. (long silence) Il y a eu des choses horribles liées à la naissance de mon fils, et des choses magnifiques lorsque mon ami est mort. En plus de cela, le pays dans lequel nous avons accueilli mon fils, je l’ai également vu mourir. L’espoir qu’apporte la naissance de mon fils et le désespoir de voir le monde dans lequel il entrait. Émotionnellement, c’est très difficile à gérer. Et ce contexte a évidemment nourri les chansons de ce nouvel album.

GUIDO: Le titre Aquatic est également bouleversant.

Rafik: Parfois, tu peux entendre ces émotions à travers les chansons. Parfois pas. Il m’est arrivé de pleurer en entendant une chanson dont je ne comprenais pourtant pas le sens. Aquatic est également l’un de mes titres préférés sur l’album.

GUIDO: Ryan, tu as commencé ta carrière en composant des musiques pour des agences de publicité?

Ryan: En fait, pas tout-à-fait. Mes premières compos, c’était pour une compagnie de danse. C’est ma femme qui m’a poussé à composer. Nous nous sommes rencontrés à l’école. Elle est devenue chorégraphe et j’ai commencé à écrire de la musique pour elle et ses danseurs. Elle m’a ensuite encouragé à écrire de la musique de danse pour d’autres compagnies. Et cela m’a beaucoup appris. J’ai développé pas mal de techniques en utilisant l’électronique. Je me suis également intéressé de très près à des instruments moins traditionnels en juxtaposant des sons provenant de différentes sources. 

Se perdre dans la création

GUIDO: C’est donc seulement ensuite que tu as commencé à travailler dans le monde de la pub, pour ensuite composer le premier album de Son Lux?

Ryan: J’ai commencé à composer pour des publicités parallèlement à l’écriture du premier album de Son Lux. Cela m’a permis d’avoir un revenu régulier et c’est une excellente école car tu ne peux pas rester des mois sans rien produire en prétextant que l’inspiration n’est pas au rendez-vous. J’ai également appris à avoir une certaine autodiscipline et à respecter des deadlines. Quand je compose pour une société ou une agence de communication, l’objectif est évidemment de servir les images, alors que quand j'écris pour moi-même. la démarche artistique est complètement différente. Je peux alors me permettre de suivre mon inspiration, je peux me perdre dans la création, voire l’abandonner pour la reprendre plus tard. Même si les outils sont identiques, et que l’on utilise les mêmes instruments, ce sont des choses complètement différentes.

GUIDO: Et tu composes également des musiques de films…

Ryan: J’ai composé la musique de plusieurs films, dont The Disappearance of Eleanor Rigby de Ned Benson, et plus récemment

Paper Towns de Jake Schreier. Le travail est complètement différent que pour la composition de musiques de pubs. Pour Eleanor Rigby, Benson m'a envoyé quelques scènes et j’ai dû les habiller musicalement en guise de test.

GUIDO: Entre la composition pour ce nouvel album, les musiques de films et la vie de famille, comment parviens-tu à tenir le coup?

Ryan: J’ai la chance immense de vivre de ma passion. Alors oui, je travaille beaucoup et je ne dors sans doute pas assez, mais je suis tout-à-fait conscient que je suis un privilégié. J’ai une femme formidable, je suis un père comblé et j’ai la chance de voyager beaucoup. Je fais ce que j’aime - pas seulement pour vivre, payer les factures - mais aussi pour m’épanouir. Je ne peux donc pas me plaindre. Je travaille beaucoup, mais je suis reconnaissant pour ce que je vis, je sais à quel point je suis chanceux et privilégié.

Une véritable alchimie

GUIDO: Son Lux s’est taillé une jolie réputation de groupe live. Pas mal pour un gars solitaire!

Ryan: Lorsque j’ai enregistré mes premiers titres, je ne pensais pas me produire un jour en concert. Je me voyais plutôt comme un laborantin. J’ai formé ce groupe avec Ian et Rafik après la sortie de Lanterns afin de pouvoir faire quelques dates de concerts et la sauce a pris de manière étonnante. En toute honnêteté, je ne m’attendais pas à ce que cela fonctionne aussi bien entre nous trois. Il y a une véritable alchimie aussi bien sur scène qu’en dehors.

GUIDO: Son Lux peut-il aujourd’hui être considéré comme un véritable groupe?

Ryan: Aujourd’hui, Son Lux n’est plus un projet solo mais un groupe à part entière. Ian et Rafik ont tous les deux participé à l’écriture de l’album. Au niveau créatif, cela fonctionne extrêmement bien entre nous. Nous avons un tas d’idées, et prenons les décisions de manière tout-à-fait démocratique.

Ian: Trois, c’est un très bon chiffre. J’ai souvent dû trancher entre les idées de Rafik et celles de Ryan (rires). La plupart du temps, nous travaillons chacun de notre côté à la maison, pour ensuite mettre en commun des pistes de travail.

GUIDO: Vous êtes tous les trois actifs dans d’autres projets musicaux en-dehors de Son Lux. Un atout ou un obstacle?

Rafik: Je pense que c’est un atout pour Son Lux car nous venons tous les trois avec des influences et des univers différents. Ian sera en concert à Bruxelles dans quelques jours. Son projet est plus expérimental et probablement moins accessible que la musique de Son Lux. mais c’est justement cela qui est intéressant.

Ian: Ce serait dommage d’avoir tous les trois des trajectoires et des envies similaires. Tu peux également aller voir ce que fait Rafik dans son autre projet et tu te rendras compte que cela n’a absolument rien à voir.

Son Lux: Brighter Wounds (Konkurrent)