NOE PRESZOW: «Je tente de profiter de chaque instant»
Trois ans après un premier album enthousiasmant sorti à l’aube du COVID, Noé Preszow confirme tout le bien que l’on pensait de lui avec [prèchof], un disque aux textes toujours aussi ciselés mais faisant cette fois la part à des guitares en colère, des breaks de batterie et pas mal de testostérone. Rencontré quelques heures avant de monter sur la scène Proximus des Francos de Spa, notre gaillard est toujours aussi affable et sympa que lors de notre première rencontre peu après la sortie de À nous.
GUIDO: Tu viens de remporter le trophée de l’Artiste de l’Année que décerne l’Association Les Octaves de la Musique. Félicitations! Mais c'est quoi, ce prix?
Noé: Les Octaves de la Musique, c’est un prix décerné par PointCulture, la fédération Wallonie-Bruxelles, les Jeunesses Musicales et BX1 avec le soutien de Playright+. Ils décernent quatre prix, et j’ai gagné celui d’Artiste de l’Année. Franchement, c’est une chouette surprise… et il y a du beau monde au palmarès.
GUIDO: Être couronné par PointCulture, c’est plutôt sympa pour un artiste qui y a passé des heures à la recherche des pépites musicales!
Noé: C’est vrai que j’ai passé beaucoup de temps à la Médiathèque au Passage 44. Je dois finalement à cette Médiathèque toutes mes découvertes.
GUIDO: D’une certaine manière, ce montant de 1500 € qui accompagne le prix qui t’a été remis, c’est un juste retour des choses vu tout l’argent que tu y as dépensé pendant des années!
Noé: Ce n’est pas faux. D’ailleurs, j’aurais dû mentionner cela plutôt que faire un discours sur les difficultés que rencontrent les artistes en Belgique pour joindre les deux bouts.
GUIDO: Ton premier album est sorti à un moment plutôt compliqué, juste au début du Covid.
Noé: Bien évidemment, cela m’a impacté directement. C’est dans mon tempérament de me battre pour me faire entendre. Malgré tout, l’album a bien marché. Et j’ai beaucoup tourné dès que les salles de concert ont été accessibles.
«Mon public ne s’attendait pas à autant d’énergie et de testostérone dans mes concerts»
GUIDO: Ce second album est plus ample et plus musclé que le premier…
Noé: Lorsque j’ai enregistré le premier album À nous, je ne sais pas trop pourquoi, mais je voulais que les guitares ne prennent pas trop de place, je voulais également ne pas chanter trop fort. Bref, je voulais enregistrer un album un peu en retenue. C’était mon tempérament du moment, mais qui est un peu une anomalie dans mon existence. Durant la tournée qui a suivi, j’ai repris du poil de la bête et je me suis mis à monter les tonalités au fur et à mesure des dates. Je me suis mis à chanter plus haut, à mettre de la guitare dans tous les sens. À me reconnecter à mon énergie de base. Les gens qui venaient aux concerts lors de la tournée qui a suivi le premier album ne s’attendaient pas à autant d’énergie et de testostérone. Et le côté rock des prestations, c’est quelque chose qui a visiblement plu. Pour le second album, je me suis dit qu’il était important que je donne plus d’indices sur qui je suis, et sur ce qui attend les gens qui viennent me voir en concert.
GUIDO: C’est Romain et Ziggy de Puggy qui se sont occupés de la production. Tu les a briefés sur tes intentions de départ?
Noé: Je suis arrivé en leur disant que je voulais un album très speed et très nerveux, parce que je suis comme ça pour le moment. Cela ne veut pas dire que je serai encore ainsi dans cinq ans, ou même dans six mois. Au moment où nous avons commencé à travailler ensemble, je savais où je voulais aller et les morceaux étaient pour ainsi dire terminés au niveau de l’écriture.
GUIDO: Se produire en festival, cela donne la possibilité d’aller voir les prestations de tes collègues?
Noé: Oui, je vais profiter du reste de la journée pour aller voir quelques concerts. Je suis allé voir Louise Attaque à Forest il y a quelques mois et c’était fantastique. J’ai déjà vu Hoshi, mais j’aimerais vraiment la voir sur cette tournée. Il y a Clara Ysé que j’aime beaucoup, Eddy De Pretto, …
«Bruxelles est l'un de mes outils de travail»
GUIDO: Ta vie a beaucoup changé depuis la sortie du premier album?
Noé: Pas tant que ça, en fait. J’habite toujours à Bruxelles. Même si je me pose de temps en temps la question d'aller habiter à Paris. Et c’est possible que je le fasse un jour.
GUIDO: Par nécessité? Parce que c’est indispensable pour un artiste belge qui souhaite percer en France de s’y installer?
Noé: Pas du tout en fait. Paris est une ville qui m’attire depuis que je suis enfant. Y habiter, ce serait la réalisation de ce rêve de gosse. Mais j’adore Bruxelles. J’irais même jusqu’à dire que Bruxelles est l’un de mes outils de travail. C’est comme ma guitare ou mon micro. Même si j’ai passé pas mal de temps en Ardèche pour écrire cet album, j’ai besoin de revenir chez moi pour que les pièces se remettent ensemble. Je peux écrire ailleurs pour raconter autre chose, mais il y a un moment où j’ai besoin de revenir à Bruxelles pour écouter mes propres chansons, j’ai besoin d’être ici pour sentir si je suis dans le bon ou pas.
GUIDO: Tu as connu une jolie ascension depuis la sortie de À nous. Tu as l’impression de réaliser un rêve?
Noé: Tu sais, ma vie n’a pas tellement changé. J’écris tout le temps, j’enregistrer beaucoup, je tourne… Avec le recul, je pense que ma chance, c’est d’avoir dû apprendre à bricoler avec des programmes gratuits sans que personne ne me montre comment faire, ni comment on mixait. C’est resté comme une nécessité. Ce qui a changé, c’est que quand tu accumules la matière et qu’il n’y a personne pour écouter tes chansons, alors la vie est étouffante. Ce qui a changé depuis que mes chansons circulent, c’est que je respire. Au propre comme au figuré! Je suis un grand asthmatique, et je respire nettement mieux depuis que mes chansons sont entendues, circulent. Quand on n’est pas écouté, c’est invivable. Les chansons sont comme mortes si elles ne sont pas écoutées ou partagées.
GUIDO: Être dans la lumière est donc si important pour toi?
Noé: En fait, non. Ce qui est important, c’est que mes chansons soient écoutées. Je cite souvent cette phrase d’Henri Michaux: "Faute de soleil, sache mûrir dans la glace". J’ai bossé dur, seul et sans le moindre feedback sur ce que je faisais. Dans l’indifférence complète. Quand on est tout seul dans sa cave, personne ne te fait de commentaires… Je n’éprouve aucune nostalgie de cette époque pas si lointaine, mais ce n’est pas pour autant que je cherche la reconnaissance, la lumière. Je suis conscient que ce que je vis est fragile, que je suis vulnérable. Je suis complètement en-dehors des modes, et je tente juste de profiter de chaque instant.
Noé Preszow: [prèchof] (PIAS)
Noé Preszow sera en concert aux dates suivantes:
- Le 5 novembre au Cirque Royal (Bruxelles)
- Le 18 janvier 2025 à la Ferme du Biéreau (Louvain-la-Neuve)
- Le 21 février au Reflektor (Liège)
- Le 22 février au Centre Culturel de Soignies
Photos: © Victor Pattyn