ANTOINE WIELEMANS: «Ce disque solo est à peine terminé que je suis déjà impatient de partir en tournée avec Girls in Hawaii»
Alors qu’un nouvel album des Girls in Hawaii devrait arriver dans le courant de l’année prochaine, Antoine – l’une des deux têtes pensantes du groupe belge – s’échappe en solitaire le temps d’un disque introspectif à la beauté tranquille.
Antoine: J’avais envie de nouveauté, d’explorer. Sans faire de compromis et plutôt sur des chansons en anglais au départ. Très vite, je me suis rendu compte que cela n’avait absolument pas d’intérêt de faire des chansons des Girls en solo. Du coup, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai commencé à écrire en français. Pour être honnête, cela fait une dizaine d’années que cela me trottait dans la tête.
GUIDO: Un album en français, c’est assez inattendu!
Antoine: Je pense que j’étais prêt. Écrire en français, c’est assumer sa voix, assumer le dépouillement, les textes aussi évidemment qui vont être vachement plus écoutés, parfois même décryptés… Je me suis enfermé plusieurs fois dans une maison à Vattetot-sur-Mer, entre Fécamp et Étretat. Là, je me suis coupé du rythme de la vie, du téléphone, des mails, de ma copine, de ma fille. De tout en fait. C’était en plein hiver…
GUIDO: La Bretagne en hiver, c’est plus facile d'y trouver l’inspiration qu’en Belgique?
Antoine: J’aime composer en hiver. L’été, j’ai plutôt envie de faire du sport, voir des gens, faire des barbecues. L’hiver, lorsque le temps est froid, j’adore rester bien au chaud et écrire. Généralement, l’hiver est une saison qui m’inspire. La nature un peu tumultueuse, le vent, la pluie, les éléments qui se déchainent. La maison où j’ai écrit est juste géniale et la nature environnante est magnifique. J’habite à Forest et le contexte est évidemment tout-à-fait différent. Et puis, j’ai toujours adoré travailler la nuit. Quand j’étais célibataire, ce n’était pas un souci. Mais c’est compliqué lorsque tu as une fille de cinq ans… Entre mes séjours en Bretagne, je préparais un peu le travail. Chipoter un son, quelques accords, écrire des bouts de textes. Je partais ensuite avec quelques carnets à relire et des fichiers à réécouter. Dans l’isolement, il y a la possibilité de laisser percoler les trucs. Et tu n’es pas interrompu… Ni par la télé, Internet ou le téléphone. Ni par le bruit extérieur, ma fille ou ma copine…
GUIDO: Cette solitude n’est pas pesante sur la longueur?
Antoine: À un moment donné, il est vital de faire une chanson car l’isolement devient pesant. Cela rend les choses concrètes. Tous les jours ou tous les deux jours, j’avais une chanson finie. Généralement, je revenais de Vattetot avec six ou sept morceaux. C’est impressionnant de voir à quel point on parvient à puiser à l’intérieur. À Bruxelles, écrire un couplet est souvent fastidieux, alors que là, les choses coulent. En deux ou trois sessions de quinze jours, j’ai plus travaillé que pendant deux ans à la maison. Et quand je rentrais ensuite chez moi, cela me permettait d’être super disponible. Quand je bosse mal, j’ai tendance à être de mauvais poil et ce n’est gai pour personne.
GUIDO: Après avoir été baigné au son du rock anglo-saxon, comment peux-tu expliquer cette envie d’écrire en français?
Antoine: Pendant vingt ans, je n'ai écouté que de la musique en anglais, à part Noir Désir. À un moment donné, j’ai commencé à perdre le goût d’écouter des trucs comme Pearl Jam, Nirvana, les Pixies ou Radiohead. J’avais tendance à tout comparer, à tout analyser. L’album Michel de Mathieu Boogaerts a été un véritable déclencheur. Cela m’a donné l’envie de découvrir d’autres choses. JP Nataf, Albin de la Simone, Bertrand Belin, Nino Ferrer et Gainsbourg, bien évidemment… J’ai écouté Mélody Nelson et L’homme à la tête de chou des milliards de fois.
GUIDO: Tes textes sont plutôt mystérieux, très imagés…
Antoine: C’est fastidieux d’écrire en anglais pour moi. Ce n’est pas naturel. J’aime écrire dans les sens cachés. Je me dévoile sans doute, mais c’est planqué. Même dans une chanson comme Bruxelles, qui décrit une soirée arrosée bien graveleuse, j’ai préféré utiliser des images… Dans le titre Sel, quelqu’un m’a dit qu’il pensait que j’évoquais le corps d’un réfugié sur une plage… Certaines personnes trouvent cette chanson terriblement triste, d’autres y voient au contraire quelque chose de très onirique.
GUIDO: Comment les autres membres des Girls ont-ils accueilli ce projet solo ?
Antoine: C’est une parenthèse et ils le savent tous. Lio et moi étions souvent en confrontation il y a quelques années. On a eu une période un peu compliquée… Il est devenu papa avant moi, il a deux enfants. Il est également plus casanier que moi, assez attentif à sa famille et son équilibre familial. À l’époque, je n’avais pas encore ma fille et je ne percevais pas bien l’importance que cela avait pour lui. Je lui ai souvent reproché un manque d’investissement dans la musique. À cette époque, il m’a dit que je devrais me lancer dans un projet solo et que cela lui foutrait un peu la paix. Cette phrase m'a marqué. Cela m’a fait énormément de bien de faire un projet à ma vitesse, à ma manière. L’année prochaine devrait marquer la sortie d’un nouvel album des Girls. Ce disque solo est à peine terminé que je suis déjà impatient de partir en tournée avec le groupe.
Photo: © Olivier Donnet