Food porn & porn food
Dr Jos: «Le champagne est bien meilleur dans un verre que dans le nombril d'une femme, point à la ligne»
Dr Jos est satisfait de l'interdiction de fumer dans l'horeca. «Maintenant, on peut choisir n'importe quel café pour faire notre interview,» dit-il alors qu'il ouvre son ordinateur portable et commande deux Trappistes blondes à la première serveuse qui passe. Le docteur regarde, contrarié, vers la télévision placée au-dessus du bar. «Bien que d'autres choses devraient être interdites. Masterchef, par exemple. Il suffit que ça commence pour que ma Trappiste me goûte nettement moins.»
Dr Jos veut s'entretenir aujourd'hui sur le sujet du food porn et la saturation collective qui s'empare de nous à cause de cette overdose de programmes de cuisine à la télé, et ses conséquences pour la santé publique. A moins que… C'est ce qu'affirme le docteur, car sur son écran d'ordinateur, je vois apparaître des choses d'un autre genre.
GUIDO: Qu'est-ce que je lis là, docteur? Des concombres dans un vagin?!
Dr Jos:Euh... le problème avec les moteurs de recherche scientifiques est que, si tu tapes 'food porn', tu arrives sans mal à 'porn food', ce qui te renvoie à des masses d'études sur l'utilisation de toute sorte de nourriture pour 'épicer' son activité sexuelle. (déroule l'écran) Et je ne vais pour tout te citer, tu ne peux même pas t'imaginer. Le concombre est le premier légume qui vient à l'esprit quand on pense à se fabriquer un gode-michet 100% bio. Ce sont surtout les Japonais qui sont passés maîtres dans l'art de la porn food, bien que l'American Pie ne vienne pas du tout de l'Extrême-Orient.
GUIDO: Ce n'est pas un film?
Dr Jos:(soupire) Tu prends une tarte aux pommes. Tu y fais un trou. Et tu y vas… Je ne vais pas te faire un dessin, tu as quand même été étudiant? Ecoute, à propos de cette utilisation détournée de la nourriture, je n'ai que deux choses à dire. Trois, en fait. Premièrement: tout va bien tant que tu n'es pas allergique à cet aliment en question. Deuxièmement: dans un vagin, tu peux faire un peu ce que tu veux, prudemment j'entends bien. Mais l'anus? Tu ne veux pas savoir ce qui y reste coincé pendant des parties de jambes en l'air délurée et ce que les pauvres docteurs comme moi doivent essayer d'expulser en faisant le moins de dégâts possibles. Fruits, légumes, viandes, j'en passe et des meilleures. Je m'excuse auprès des fans du sexe anal, mais d'un point de vue strictement médical, je me dois de mettre l'accent sur la fonction principale du derrière: évacuer les crottes, et non pas accueillir toutes sortes d'"invités". Même si tu utilises une demi-livre de beurre comme lubrifiant, comme Marlon Brando dans Le dernier Tango à Paris.
GUIDO: Et troisièmement?
Dr Jos:Que le temps est venu de nous apporter nos Trappistes.(appelle la serveuse de la main) Madame! Madame! Ah, elle m'a enfin vu. Super. GUIDO: En fait, vous vouliez parler d'autre chose.
Dr Jos:(fronce les sourcils en regardant son portable) Oui, de la diarrhée actuelle de programmes de cuisine, de livres de cuisine, de chaines de cuisine - en bref, la surenchère de food porn. Je pensais qu'une étude médicale aurait été conduite sur son impact sur la santé publique, mais je n'ai rien trouvé. (double-clique sur un lien) Quoique, ceci devrait t'intéresser. En Californie, ils ont enquêté en 2009 sur l'impact d'un programme de cuisine sur les étudiants résidant en kot. La conclusion? Après avoir visionné ce food porn, les étudiants savaient exactement ce qu'était une cuisson à point ou comment réaliser une papillote, mais en pratique, ils continuaient à aller au fast-food dès qu'ils avaient faim. (fronce les sourcils) Ce qui prouve que les étudiants sont partout pareils. Ici aussi, on zappe sur Un dîner presque parfait ou Jamie Oliver, mais quand la faim nous tiraille, on se rue quand même sur un paquet de frites. Ce qui te permet de garder quelques euros pour boire dix pintes sur la soirée. (rire gras) Ah, voici enfin nos Trappistes. Merci, madame. Serait-il possible d'éteindre la télé, s'il vous plait? Qu'est-ce qui vous gêne? L'émission de Cyril Lignac va commencer? C'est justement pour ça que je le demande! Eteins cette saloperie de télé. Le client est roi, hop voilà. Et profites-en pour aller fumer une clope dehors.
GUIDO: Qu'est-ce que vous avez contre Cyril Lignac?
Dr Jos:Sur le plan diététique ou médical? Rien. Mais je ne comprends pas pourquoi les familles continuent à le laisser entre chez eux et à triturer tous les aliments de leur frigo. Il me donne des frissons. Attention, je veux bien croire que les produits que ce Lignac vend sous son nom sont de qualité. Mais avec sa tête d'ahuri, je ne comprends pas ce que les gens lui trouvent. Comment il arrive à donner un 'orgasme culinaire' à quelqu'un, je ne pige pas. Et je ne parle même pas de ses bouquins…
GUIDO: On s'éloigne du sujet, docteur. Avez-vous encore quelque chose à rajouter au sujet du food porn?
Dr Jos:Je suis irrémédiablementpartisan d'une no nonsense approach à l'égard de la nourriture et de la boisson. Toutes ces conneries sensuelles… Le champagne a un meilleur goût dans un verre que dans le nombril d'une femme, point à la ligne. Et le wakamezake, comme les Japonais l'affectionnent tant, très peu pour moi.
GUIDO: Wakamequoi?
Dr Jos:Boire du sake depuis le triangle formé par le pubis et les deux cuisses serrées l'une contre l'autre. Ah, tu sais, les gens ne vont pas mieux manger suite à cette mode de la cuisine que l'on nous ressert à toutes les sauces depuis cinq ans. Le food porn, c'est comme le porno: tu salives devant quelque chose que tu ne réaliseras jamais dans ta propre vie.
GUIDO: Touché!
Dr Jos recommande les lectures suivantes:
McBride, Food porn, Gastronomica., 2010
Clifford e.a., Good Grubbin': impact of a TV cooking show for college students living off campus, J-Nutr-Educ-Behav., mei-jun. 2009
Merewedge e.a., Thought for food: imagined consumption reduces actual consumption, Science., dec. 2010
Vlaicu e.a., Cucumber anaphylaxis in a latex-sensitized patient, J-Investig-Allergol-Clin-Immunol., 2011
Salonia e.a., Chocolate and women's sexual health: an intriguing correlation , J-Sex-Med., mei. 2006
Shah e.a., Rectal salami, Int-J-Clin-Pract., sep. 2002
Totelin, Sex and vegetables in the Hippocratic gynaecological treatises, Stud-Hist-Philos-Biol-Biomed-Sci., sep. 2007
Sagay e.a., Genital tract abnormalities among female sex workers who douche with lemon/lime juice in Nigeria, Afr-J-Reprod-Health., mrt. 2009