FRANZ FERDINAND: En mode dancefloor

Après une dizaine d’années marquées par quelques énormes tubes (on se souvient de Take Me Out, Do You Want To,.), le groupe emmené par Alex Kapranos commençait à montrer quelques signes de fatigue. Il aura fallu un coup dur – le départ de leur excellent guitariste – pour que le groupe se remette sérieusement en question et reparte de l’avant avec de nouvelles ambitions. Une collaboration avec les frères Mael (Sparks) plus tard, le nouvel album du groupe se révèle détonant et marque un nouveau départ pour les Ecossais. Rencontre avec Paul Thompson (batteur) et Julian Corrie (claviers et guitare), l’une des deux nouvelles recrues.

GUIDO: Votre son a pas mal évolué entre ce nouvel album et Right Thoughts, Right Words, Right Actions. Quel a été l’apport de Philippe Zdar à la production?

Paul: Travailler avec Philippe Zdar? Cela fait pas mal de temps que l’on y pensait. Nous avons pris contact avec lui il y a cinq ou six ans, mais il était fort pris et n’avait pas la possibilité de nous intercaler dans son agenda. Cette fois, nous avons eu plus de chance.

Julian: Au départ, on pensait seulement le faire travailler sur le titre Always Ascending mais nous nous sommes rapidement rendus compte que Philippe apportait énormément de sang neuf. Il vient du milieu des clubs. Nous avons voulu utiliser son expérience afin de nous amener vers autre chose, un son différent à la frontière entre le rock et autre chose.

«Apporter un nouvel élan créatif»

GUIDO: Ce nouvel album coïncide avec le départ de l’un de vos membres fondateurs…

Paul: Je ne vais pas cacher que le départ de Nick – même s’il ne nous a pas pris par surprise – nous a fortement perturbés. Il faisait partie du groupe depuis nos débuts, c’est un super pote. Nous avons douté, c’est clair. Et puis, on a ensuite considéré son départ comme une opportunité d’essayer de nouvelles choses. Au lieu de le remplacer par un autre guitariste, on a finalement décidé de renforcer le groupe avec deux nouveaux membres: Julian et Dino. Ce que nous trouvions intéressant chez Julian, c’est qu’il vient d’un autre univers, qu’il peut apporter des influences complètement différentes. Du groove également.

GUIDO: Julian, comment as-tu rejoint Franz Ferdinand?

Julian: J’ai rejoint le groupe en août 2016. Je ne viens pas de la même scène que Franz Ferdinand. J’avais créé Miaoux Miaoux il y a dix ans, un projet plutôt électro indie. Ce qui m’a convaincu à intégrer le groupe, c’est qu’ils ont tous les trois insisté pour que je reste moi-même. Je n’ai pas rejoint Franz Ferdinand afin d’imiter John, mais pour apporter des choses différentes, un nouvel élan créatif. On a d’ailleurs très vite commencé à travailler ensemble sur de nouveaux titres.

Paul: Nous avons joué tout un temps à trois après le départ de Nick puis nous nous sommes mis à la recherche de quelqu’un pour le remplacer. Julian nous a été recommandé par plusieurs amis plus ou moins en même temps. D’abord Paul Savage des Delgados, et ensuite Stuart Braithwaite de Mogwai.

GUIDO: Le dernier album de Franz Ferdinand date d’il y a quatre ans. Entretemps, vous avez enregistré un album avec les Sparks sous le nom de FFS.

Paul: Cette collaboration avec les Sparks ne fut que du bonheur. Sur leur passeport, ces gars ont tous les deux près de 70 ans. mais c’est uniquement sur leurs papiers d’identité. Ils sont tous les deux absolument incroyables, enthousiastes et ouverts d’esprit. Nous avons fait une série de concerts avec Russel et Ron et appris énormément de choses. Ces gars ont enregistré des dizaines d’albums et leur son n’a jamais cessé d’évoluer. Ils ont essayé de nouveaux styles, ont connu le succès comme les déboires mais ils n’ont jamais cessé d’évoluer et d'expérimenter. Ils ont très clairement ouvert la voie à Always Ascending en nous montrant qu’il ne fallait pas avoir peur de s’affranchir du passé. Always Ascending est différent de ce que nous avons fait auparavant. C’est un album qui ne fera pas l’unanimité car nous ne cherchons pas le consensus. Nous en sommes terriblement fiers. Il marque clairement un tournant décisif pour le groupe.

«Franz Ferdinand, c’est avant tout une bande de potes»

GUIDO: Le groupe n’a jamais vraiment arrêté de tourner ces dernières années. C’est assez rare dans l’industrie musicale de tourner sans avoir d’album à défendre?

Julian: Cela permet de tester et rôder de nouvelles chansons en permanence. Et puis, avant d’entrer en studio, nos chansons étaient prêtes. De nombreux groupes entrent en studio avec des démos et passent ensuite pas mal de temps à les travailler, les affiner. C’est une option et c’est évidemment tout-à-fait défendable. Certains groupes passent ainsi plus de six mois en studio. Nous, ce n’est pas trop notre truc. Always Ascending a été enregistré en live de manière très rapide. Franz Ferdinand, c’est avant tout une bande de potes, un gang et nous n’avons aucune envie d’entrer dans une quelconque forme de routine.

GUIDO: Le morceau Demagogue que vous aviez écrit sur Donald Trump n’a pas été repris sur l’album. Pourquoi?

Paul: Nous avons enregistré Demagogue très rapidement, juste avant les élections dans le cadre du projet 30 Days, 30 Songs. Quelques jours plus tard, le Washington Post publiait une vidéo datant de 2015 sur laquelle Trump parlait d’attraper les femmes par la chatte. Tu t’en souviens, j’imagine. On pensait que ce type de révélation allait flinguer sa candidature mais il n’en fut rien. C’est complètement dingue que ce type puisse sortir de telles obscénités et devenir malgré tout l’homme le plus puissant de la planète. Nous avons finalement décidé de ne pas inclure ce titre sur l’album car ce n’était plus pertinent aujourd’hui mais nous le jouerons certainement de temps en temps en concert.

GUIDO: Le titre Lois Lane fait référence à la journaliste de la série Smallville.

Paul: Trump déteste les journalistes, il en a peur et c’est tout-à-fait logique. Il fait donc tout pour dévaloriser un journalisme d’investigation de qualité. Je sais que cela date, mais ce sont des journalistes qui ont dû amener Richard Nixon à démissionner (ndlr: le scandale du Watergate). Trump le sait parfaitement. Trump et Poutine tentent d’ailleurs de discréditer le vrai journalisme avec les fameuses fake news. Franz Ferdinand n’est pas un groupe engagé mais nous trouvons important d’élever notre voix contre cela.

Julian: Le personnage de Lois est inspirant car elle est convaincue qu’elle peut rendre le monde meilleur par le journalisme d’investigation. Je ne sais pas si on peut parler de chanson politique. mais nous trouvions le personnage intéressant. Cette nana qui n’hésite pas à se battre afin que de faire connaître la vérité. On trouve cela couillu!

Franz Ferdinand - Always Ascending (V2)

Photos: © David Edward