KID NOIZE: «Pour moi, l'image est aussi importante que le son»
Avec Nowera, Kid Noize boucle enfin sa trilogie entamée en 2016. En plus d'un album avec des sons toujours aussi punchy, le DJ primate clôt également son aventure de bande dessinée. Le moment idéal pour une rencontre avec cet artiste multi-facettes.
GUIDO: Ton nouvel album Nowera est sorti le 17 février dernier. Dans quel état d'esprit es-tu maintenant?
Kid Noize: J'étais stressé avant, soulagé quand il est enfin sorti. Le stress revient ensuite. Maintenant, je n'ai plus qu'une seule envie, c'est de le défendre sur scène, de voir comment les titres sonnent sur des grosses enceintes et comment le public réagit. C'est la deuxième vie de l'album qui commence aujourd'hui.
GUIDO: Justement, ces années Covid ont été difficiles à vivre pour un DJ comme toi?
Kid Noize: Moi, le Covid, je ne l'ai pas super bien vécu. C'est quand même difficile de faire de la musique joyeuse quand tu ne fais pas la fête avec les gens.
GUIDO: Tu es du genre à taper ton nom sur les réseaux sociaux pour voir ce qui se dit sur toi quand tu sors un nouvel album?
Kid Noize: C'est encore plus simple que ça, je reçois des rapports de streams en fait. (rires) De cette façon, je peux voir si je suis dans les tops… À part ça, j'ai toujours pris beaucoup de recul par rapport à ça, notamment parce que le public est plutôt bienveillant envers moi. Je suis quelqu'un d'anxieux, mais pas par rapport à ça, parce que j'ai confiance dans l'album.
GUIDO: Les trois premiers singles de l'album (Blow It Up, Wawa et Ooza Yeah) ont été des hits immédiats. Quelle est ta recette secrète pour concocter des sons aussi percutants?
Kid Noize: La liberté que je m'offre, c'est d'aller vers deux extrêmes totalement différents. Des choses très positives et communicatives pour les radios et des sons plus introspectifs et sombres que les gens peuvent retrouver sur l'album. J'emmène les gens avec moi et je les confronte à ces deux mondes. La recette, c'est le travail, être joyeux en proposant toujours du contenu.
GUIDO: Kid Noize, ce n'est pas seulement de la musique, c'est aussi un univers visuel, une BD, des prestations scéniques bien étudiées… C'est important pour toi de développer ce monde à 360 degrés?
Kid Noize: Oui, c'est primordial. Et ça l'a toujours été par mon parcours dans le graphisme (voir encadré). Pour moi, l'image est aussi importante que le son. Il y a une sorte de triangle entre le son, l'image et le live. C'est le match parfait. Et au centre de tout cela, il y a le contenu. C'est important de raconter quelque chose, et ne pas juste créer du vent.
GUIDO: On consomme aujourd'hui différemment la musique, notamment via les plateformes de streaming. Y a-t-il encore une légitimité à concevoir un album qui s'écoute du premier titre au dernier?
Kid Noize: J'aime que l'on écoute tout mon album, et dans le bon ordre. Mon travail, c'est d'emmener les gens vers un point où ils ne savaient pas qu'ils allaient aller. Et l'album aspire à ça. Que les gens décident d'écouter l'un ou l'autre titre de façon aléatoire, ce n'est pas grave, ils sont libres de ne pas aimer tous les morceaux. Mais si ce sont les algorithmes qui décident ce que les gens vont écouter, c'est dommage.
Les études de Kid Noize
Après des études secondaires à Saint-Luc, celui qui se fait aujourd'hui appeler Kid Noize embraie vers quatre années à l'ERG, l'école de recherche graphique de Bruxelles. «Je me rends compte aujourd'hui que j'y ai appris beaucoup de choses: avoir un œil critique, être précis. Si j'ai quelques lacunes dans d'autres domaines, dans le graphisme, je sais où je vais. Les études m'ont ouvert les yeux sur ce que j'aime.». C'est vers la fin de ses études que le personnage de Kid Noize s'est imposé à lui, mais avant de se cacher derrière un masque de singe, quel étudiant était-il? «J'étais un étudiant curieux qui a grandi au fur et à mesure de ses études, je suis un peu passé par tous les états. J'ai toujours essayé de suivre le rythme et au final, j'ai réussi.»
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GUIDO: On se doute des avantages que procure le masque, notamment pour préserver son anonymat. Mais celui-ci n'est-il pas parfois trop lourd à porter?
Kid Noize: Physiquement oui, c'est très difficile. Quand j'ai commencé le projet au tout début, ce n'était pas mon idée de porter ce masque, je voulais créer un personnage, ensuite les choses se sont mises comme ça. Maintenant, c'est devenu un peu indissociable. Je n'aurais pas pu voir cette histoire sans le masque. Et est-ce que je serais encore là si je n'avais pas porté ce masque? Je ne sais pas, le masque m'impose aussi une certaine forme de rigueur par rapport au projet. Mais la difficulté du masque, ça reste le son, quand je parle, c'est un véritable problème de développement technique auquel je fais face.
GUIDO: Il y a eu combien de versions de ce masque au fil des années?
Kid Noize: On doit être à la quatrième ou la cinquième version.
GUIDO: Certains articles mentionnent parfois ton vrai nom dans les interviews, c'est quelque chose qui te dérange?
Kid Noize: Personnellement, je n'ai jamais mis mon nom dans les bios de Kid Noize. Kid Noize, c'est un personnage, un concept. Après, je ne peux pas empêcher les gens d'essayer de savoir qui se cache derrière le masque.
GUIDO: Henri PFR, Lost Frequencies, Alex Germys… On ne compte plus les DJ belges qui cartonnent à l'étranger. Il y a plutôt une émulation ou de la compétition entre vous?
Kid Noize: Évidemment, on se connaît tous. On se croise régulièrement en festivals ou en soirées. Il y a entre nous un mélange d'amitié et de compèt'. On a chacun notre force, je ne sens pas que l'un essaie de marcher sur les plates-bandes d'un autre. On est chacun arrivé au bon moment, où on a réussi à faire notre place. Maintenant, le challenge, c'est de rester en tant qu'artiste.
GUIDO: Tu collectionnes les vinyles, les figurines, les jeux vidéo, les DVD… Tu es un vrai geek!
Kid Noize: J'essaie de me calmer sur les collections, mais j'ai un peu cet instinct de geek, c'est vrai.
GUIDO: La prochaine étape sera de défendre ce nouvel album sur scène. En salle ou en festival, le set doit être différent?
Kid Noize: Moi, je préfère toujours un concert en salle. Parce que les gens viennent pour toi. Le challenge est différent, il faut remplir la salle. Mais le public est toujours au rendez-vous. C'est une atmosphère assez spéciale, un peu magique. En festival, c'est aussi spécial. Réussir à faire danser les gens qui ne viennent pas spécialement pour toi, c'est assez gratifiant.
GUIDO: Tu séduis autant les jeunes adultes que les enfants…
Kid Noize: C'est vrai qu'il y a beaucoup de familles qui viennent à mes concerts. C'est pour cette raison que j'essaie toujours de les rendre family-friendly. J'ai vraiment la chance d'avoir un public hyper éclectique.
GUIDO: Tu boucles aujourd'hui une trilogie, en BD et en musique. Avant de repartir sur d'autres bases?
Kid Noize: La trilogie est complète, oui. Évidemment, je me demande tous les jours quelle sera la suite, je réfléchis déjà à d'autres aventures, que ce soit en BD ou en musique.
Les coups de cœur de Kid Noize
Dernier coup de cœur musical?
«Dernièrement, j'ai découvert quelques trucs sympas sur Spotify, mais je reste un éternel fan de Gorillaz.»
Dernier coup de cœur ciné?
«Je suis très fan de docus, notamment celui sur Michael Jordan, déjà sorti depuis un petit temps.»
Dernier coup de cœur série?
«Je viens d'acheter le coffret de Treme (HBO), une série passionnante sur la Louisiane et les carnavals du Sud des States. Vachement cool.»
Dernier coup de cœur BD?
«Imbattable, avec un super-héros de bande dessinée qui utilise les codes de la BD pour passer d'une case à l'autre, etc. Il faut absolument la lire.»
Dernier coup de cœur lecture?
«Je suis un grand fan de Stephen King. Actuellement, je suis en plein dans Mr. Mercedes. Mon rituel, c'est d'écouter les trois albums de John Carpenter en lisant du Stephen King.»
Dernier coup de cœur gaming?
«Je suis à fond sur FIFA, tout simplement. On se fait trois matchs tous les jours avec mon fils. C'est le seul jeu où j'arrive un peu à le battre!»
Photo: © Eric Jaminet