Maëlle: «Ça m'a fait du bien de mettre des mots sur mes maux»
En 2018, Maëlle gagne à 17 ans la septième saison de The Voice France, devenant ainsi la première femme - mais aussi le plus jeune talent - à s'imposer dans le télécrochet. Après un premier album piloté par Calogero, la jeune femme de 22 ans s'affirme davantage dans son deuxième album (Fil rouge) qu'elle a intégralement écrit et composé. Alors qu'elle s'apprêtait à enchaîner les interviews lors de sa journée promo bruxelloise, nous avons eu la chance de passer une demi-heure en compagnie de la jeune chanteuse.
GUIDO: La promo, c'est un exercice qui ne te rebute pas trop?
Maëlle: J'en suis très contente. Je n'attendais que ça, revenir sur le devant de la scène et pouvoir raconter ce qui s'est passé ces 3 dernières années. En plus, c'est à chaque fois un plaisir pour moi de revenir en Belgique. J'ai une grosse journée qui m'attend, mais ça va être très sympa, je le sens…
GUIDO: Pourquoi avoir choisi Fil rouge comme titre pour ton nouvel album?
Maëlle: Ce Fil rouge, c'est en quelque sorte le fil d'Ariane, c'est ce moyen de s'accrocher à quelque chose, de voir d'autres paysages, c'est un guide. Quand j'ai fait cet album, j'ai eu la sensation de trouver une certaine liberté, une certaine émancipation. Et aussi, quand j'étais petite, j'avais lu un livre qui s'intitulait Fil rouge, l'histoire d'une petite fille qui commence sa bobine de fil dans sa chambre et la déroule pour ensuite découvrir plein de paysages différents. Et ça s'apparentait un peu à ce que j'ai vécu au cours de ces 3 dernières années: plein de choses différentes. Ce qui fait que je suis devenue en quelque sorte quelqu'un d'autre avec cet album.
GUIDO: C'était une nécessité pour toi de te mettre davantage à nu sur ce deuxième album?
Maëlle: J'avais besoin qu'on apprenne à me connaître avec cet album. Je me sentais prête à montrer ma vulnérabilité aux gens et d'écrire mes propres chansons. Ça m'a fait beaucoup de bien de mettre des mots sur mes maux.
GUIDO: On sent une certaine dualité en toi, entre la femme assumée bien dans ses baskets et la jeune fille pétrie de doutes…
Maëlle: Je me sens bien dans ma tête et dans mon corps. Mais je garde toujours cette fragilité en moi, qui me permet de mettre de l'émotion dans mes chansons. Je suis une femme forte, mais qui garde quand même ses failles et ses doutes.
GUIDO: Tu as mis plus de 3 ans pour concevoir cet album…
Maëlle: C'était nécessaire, c'est le temps qu'il m'a fallu pour me découvrir. J'ai grandi, évolué, je sens que j'ai passé une étape dans ma vision et dans ce vers quoi que je me projette. Ce temps a été nécessaire, même si j'aurais aimé que ça aille plus vite, bien entendu.
«Cet album a été thérapeutique»
GUIDO: Dans Toujours, tu chantes «Arrête le temps que je te respire un instant». Tu as parfois l'impression que tout a été trop vite pour toi depuis ta victoire à The Voice?
Maëlle: En fait, tout est allé très vite, mais pas tant que ça finalement, en même temps. J'étais bien entourée, ce qui m'a permis de rester les pieds sur terre. Je suis très proche de ma famille et j'ai toujours le même cercle d'amis depuis le collège. Ce sont eux qui m'aident à me rendre compte que je fais un métier aussi particulier que le leur. C'est aussi pour ça que je ne me rends pas compte de ce qui m'arrive, mes parents sont tellement les pieds sur terre qu'ils m'y ramènent aussi très vite. J'étais tellement jeune, je n'étais pas réellement consciente de tout ce qui m'arrivait. Maintenant, quand je regarde dans le rétroviseur, je me rends mieux compte de tout ce qui s'est passé, comme Les Victoires de la Musique, les NRJ Music Awards, les Enfoirés…
GUIDO: Parmi toutes ces choses, laquelle t'a laissé le meilleur souvenir?
Maëlle: Certainement Les Victoires de la Musique. Être nommée en tant que révélation féminine, c'était juste dingue. D'un côté, j'étais heureuse mais je ressentais aussi une certaine non-légitimité du fait que ce n'était pas moi qui avais écrit et composé mon premier album. J'avais en quelque sorte le syndrome de l'imposteur.
GUIDO: Tu as rapidement arrêté tes études de danse et d'étude du mouvement pour te consacrer intégralement à la musique. Une décision facile à prendre?
Maëlle: Pas vraiment. Ça m'a fait peur d'arrêter mes études. Comme ce métier est très flou, on ne sait jamais de quoi demain sera fait. Même si c'était une décision difficile à prendre, je me suis dit qu'on n'a qu'une vie et qu'il faut profiter de l'instant présent. Je ressens parfois une petite différence avec mes amis qui sont encore aux études. Je pense avoir moins profité de ma jeunesse. Quand on est dans la musique, on acquiert plus rapidement de la maturité, on a moins d'insouciance.
GUIDO: Tu abordes le sujet du harcèlement de rue dans Obsessionnel. Tu y as toi-même été confrontée?
Maëlle: Ça m'arrive quotidiennement, comme à toutes les nanas que je peux rencontrer. Malheureusement. En plus, maintenant que j'affirme plus ma sensualité et ma féminité, je n'hésite plus à sortir en robe ou dans des tenues plus assumées. La veille d'écrire Obsessionnel avec Noor, un mec m'avait suivie dans le métro. Et là, je me suis demandé si j'étais si bestiale pour que quelqu'un me suive… On en arrive presque à culpabiliser d'avoir mis cette jupe ou ce haut. Mais non, en fait! C'est malheureusement encore trop d'actualité, il y a même des filles qui prennent des pulls dans leur sac pour rentrer tard le soir. Et moi, je n'ai pas envie de ça, j'ai envie de m'habiller comme je veux et… Fuck! (rires)
GUIDO: L'une de tes chansons (La flemme) est très générationnelle!
Maëlle: Il m'arrive de ne pas vouloir me lever le matin, je suis une feignasse, clairement! J'ai même une casquette où il est écrit La flemme! Il y a tellement de tentations partout, de regarder des vidéos, d'être sur TikTok, de scroller… Ça m'empêche parfois de sortir de mon lit. Il faut l'assumer, d'avoir parfois la flemme, on ne peut pas toujours être à 100%. Moi, ça me rassure de le chanter et de dire aux gens «Ayons la flemme ensemble»
GUIDO: Si on écoute bien Le bonheur, on a l'impression que le bonheur te fait peur?
Maëlle: Je suis un peu superstitieuse. J'ai peur, si je suis trop heureuse, qu'il y ait quelque chose de mauvais qui m'arrive après. Ce sont là les doutes, l'anxiété, les pensées négatives qui m'animent encore trop souvent. Alors que j'ai envie de l'enlacer, ce bonheur… Ce pessimisme, je travaille dessus. Je vois quelqu'un pour en parler, d'ailleurs! (rires)
GUIDO: Écrire une chanson, ça peut aussi parfois faire du bien?
Maëlle: Totalement. Cet album a été très thérapeutique. Il m'a fait beaucoup de bien. Avant, je cachais mes sentiments, j'avais une fierté mal placée. J'ai grandi dans une famille où on ne se disait pas beaucoup les choses. Et par cet album, je veux montrer la vulnérabilité que je cachais depuis pas mal de temps. Et ça fait du bien! Je me sens soulagée depuis qu'il est sorti, parce que j'y ai dit des choses que je n'avais jamais dites.
«Je reviens mieux dans ma tête et dans mon corps»
GUIDO: Si tu avais devant toi la Maëlle de 16 ans qui se présente au casting de The Voice, tu lui dirais quoi?
Maëlle: Elle était dans un état! Toute tremblante, les yeux rouges parce qu'elle avait pleuré juste avant… Si je me retrouvais face à elle, je lui dirais de se faire confiance, je lui conseillerais de s'entourer des bonnes personnes, de garder ses amis et surtout de suivre son intuition. Tout en gardant cette fragilité parce qu'elle lui servira pour écrire son deuxième album.
GUIDO: Lors des derniers blinds de The Voice Kids en Belgique, une jeune fille a repris ta chanson L'effet de masse qui parle du harcèlement scolaire. Ça doit forcément te faire plaisir de voir des enfants adhérer au message que tu as souhaité faire passer?
Maëlle: C'est fou! C'est pour ça qu'on a écrit L'effet de masse… C'est beau tous les messages que j’ai pu recevoir par rapport à cette chanson, autant de la part des victimes que des harceleurs. Certains se sont remis en question en écoutant ma chanson. C'est là qu'on se rend compte de la puissance des mots de Paul Ecole (ndlr: l'auteur de la chanson). Je trouve ça donc très touchant que des talents reprennent ma chanson à leur tour.
GUIDO: Comme L'effet de masse, Toutes les machines ont un cœur est aussi devenu un classique de la chanson française…
Maëlle: C'est déroutant et assez particulier quand même. Je m'en rends compte actuellement quand je la rechante en radio. Les gens la connaissent en fait?!
GUIDO: À cause du Covid, tu n'as jamais pu défendre ton premier album sur scène?
Maëlle: C'était nécessaire parce que je n'étais pas prête, je n'étais pas assez construite. J'avais envie de revenir avec un deuxième album, de faire mes chansons et d'être mieux dans ma tête et dans mon corps. Au final, je pense que c'était une bonne chose que je puisse prendre le temps de faire ce que je voulais. Actuellement, je travaille sur à peu près tout, je suis maîtresse de mon projet, je réalise les moodboards pour le live, je gère la musique, l'image… C'est très satisfaisant.
GUIDO: La scène, tu attends ça avec impatience ou fébrilité?
Maëlle: C'est un mix des deux. Je suis très excitée et en même temps, c'est ma première expérience: comme toutes les premières fois, ça fait peur. Ça va me permettre d'enfin voir comment les gens réagissent à mes chansons. J'ai hâte qu'on puisse apprendre à mieux me connaître grâce au live.
Maëlle sera en concert le 14 mars 2024 au Botanique (Bruxelles)
Photos: © Elisa Baudoin