FRANCOISE DUPUIS : «On a tort d'être complexé par la qualité de nos études en Belgique»
Nous nous sommes entretenus avec Françoise Dupuis (PS), ancienne Ministre de l'Enseignement Supérieur et actuellement Secrétaire d'Etat à la Région de Bruxelles-Capitale chargée de l'Enseignement au sein de la COCOF (Commission Communautaire Française).
GUIDO: Quelles sont vos attributions actuelles?
Françoise Dupuis : Je fais partie du Gouvernement bruxellois où je suis responsable du Logement et de l'Urbanisme. En plus de cela, j'ai un gros paquet de compétences dites COCOF parmi lesquelles notamment la formation professionnelle et l'enseignement.
Une valeur ajoutée
GUIDO: Qu'est-ce que vos compétences au niveau de la COCOF impliquent concrètement, notamment pour l'enseignement?
Françoise Dupuis : Nous sommes responsables de toutes les écoles dont nous avons hérité de la province du Brabant, qui ont été "régionalisées" et sont donc tombées entre les mains de la COCOF. On se consacre essentiellement à l'enseignement technique et professionnel, ce qui est très intéressant. Un enseignement d'excellente réputation, comme le CERIA par exemple. Et on pousse très fort nos étudiants dans cette voie-là. Contrairement à ce que l'on pense, le recrutement du CERIA est très démocratique, en particulier vis-à-vis de la Wallonie. La COCOF rassemble essentiellement des services liés aux personnes, des compétences que la Communauté Française a transférées à Bruxelles à un certain moment.
GUIDO: Certains politiques ont réclamé la disparition de la COCOF. Quels ont été alors vos arguments afin de la maintenir en place?
Françoise Dupuis : A part au niveau politique, je n'ai jamais entendu qu'il y avait une valeur ajoutée à supprimer ce service. Il y a plutôt une valeur spécifique à le garder. Pour les cours de langues, par exemple, nous avons ici à Bruxelles des spécificités importantes.
GUIDO: Est-ce que vous entretenez encore des liens étroits avec la Communauté Française?
Françoise Dupuis : On travaille avec la Communauté Française. J'ai conservé des contacts positifs avec un certain nombre de personnes. Je ne songerais pas un instant travailler en dehors de ces contacts, ni même d'ailleurs avec mes collègues flamands. Ceci étant, j'insiste, il y a une valeur ajoutée au travail que fait la COCOF, les problèmes avancés étant avant tout des problèmes de moyens.
GUIDO: Avant d'être Ministre de l'Enseignement Supérieur en Communauté Française, vous aviez exercé la profession d'enseignante. On peut dire que l'enseignement est donc votre dada!
Françoise Dupuis : L'enseignement et l'action sociale de manière générale. Je suis très fière notamment d'avoir lancé les zones d'éducation prioritaires qui ont débouché sur la discrimination positive.
GUIDO: Qu'est-ce qui vous a décidé à vous lancer en politique?
Françoise Dupuis : J'ai toujours fait de la politique au cours de ma vie. Je suis conseiller communal depuis 23 ans, j'ai été conseiller provincial et je suis toujours présidente de la section locale de mon parti. J'ai toujours cru à l'engagement politique. Je me suis réellement décidée à franchir le pas quand les libéraux de la commune d'Uccle m'ont mise dans l'opposition. C'est de cette façon que tout a commencé.
GUIDO: Le fait de donner cours ne vous manque-t-il pas parfois?
Françoise Dupuis : Cela me manque énormément. En fait, je n'ai jamais quitté quelque chose parce que je n'avais plus envie de le faire. J'ai bougé parce que des opportunités se sont présentées à moi. Je n'ai pas de plan de carrière.
Flash-back
GUIDO: Quel bilan tirez-vous de vos cinq années en tant que Ministre de l'Enseignement Supérieur?
Françoise Dupuis : Ces années ont été passionnantes. J'ai en effet l'impression d'être arrivée à un moment où tout était à faire. On était en retard de législation de façon considérable et on était sous la pression de l'Europe pour appliquer l'harmonisation des universités. Cette conjonction nous a obligé à faire un travail législatif considérable. Ce fut une période très active de ma vie professionnelle.
GUIDO: Y a-t-il une décision que vous retenez plus qu'une autre?
Françoise Dupuis : Je suis assez contente d'avoir pu faire cette législation sur l'enseignement supérieur artistique. C'était un début de mise à niveau universitaire dans l'enseignement supérieur artistique. Je pense également avoir mené l'opération Bologne à un terme plus ou moins satisfaisant.
GUIDO: Quels sont selon vous les points forts et les points faibles de cette réforme de Bologne justement?
Françoise Dupuis : L'objectif principal était d'assurer une plus grande mobilité dans les études. J'ai mes doutes sur ce que ça permet effectivement car la mobilité reste quelque chose d'assez limité. L'important, c'était de maintenir la qualité de nos études. En Belgique (particulièrement francophone), on est un peu complexé et on a tort de l'être.
GUIDO: Quels souvenirs avez-vous gardés de vos rapports avec les étudiants?
Françoise Dupuis : Que de bons souvenirs! J'ai notamment été très bien accueillie avec le décret bisseurs-trisseurs qui permettait une certaine respiration aux étudiants au début de leurs études. Du coup, les contacts se sont bien établis dès le début. Je n'ai jamais mené une politique partisane, j'ai toujours travaillé pour les étudiants et je ne me souviens pas d'avoir entretenu de mauvais contacts avec les étudiants ou les syndicats.
GUIDO: Vos études en langues germaniques vous aident-elles encore aujourd'hui dans la vie de tous les jours?
Françoise Dupuis : Avoir fait des études dans ce secteur m'a aidé parce que cela m'a donné une commande linguistique intéressante. J'étais pendant ces années-là (autour de 1968) dans la constituante à l'université de Bruxelles. J'ai été nourrie de ce régime très participationniste, très "contestataire". Plus à l'ULB que dans les autres universités, j'ai pu m'en rendre compte par la suite. On n'aimait pas trop les gendarmes sur le campus et on a eu quelques échauffourées. Mais je faisais plutôt partie de ceux qui se mettaient entre les gendarmes et les manifestants pour que personne ne soit tué!
GUIDO: Quel conseil donneriez-vous à un étudiant qui désirerait se lancer dans la politique?
Françoise Dupuis : Je lui recommanderais de s'affilier à un parti, d'aller suivre les formations que ce parti dispense, d'avoir des réflexions critiques. Je ne peux pas concevoir que l'on fasse de la politique sans idéologie. Je trouve que l'idéologie est quelque chose d'extrêmement respectable. Je ne fais pas partie de ces gens qui jettent les idées au panier. Je ne vois que du bien à réfléchir en termes critiques à ce qu'il se passe autour de nous. Tant qu'il n'y aura pas d'équilibre équitable entre les personnes, il y aura toujours du travail pour les progressistes.
GUIDO: Enfin, quelles sont selon vous les trois qualités les plus importantes pour être un homme politique?
Françoise Dupuis : Il faut réfléchir avant d'agir, évidemment. Ça me paraît assez important. Il faut aussi avoir le souci d'expliquer tout ce que l'on fait et à certains moments, savoir dire non et expliquer les raisons de ce choix.
(SD)