Jean-Paul Lambert: «Notre petite taille joue sur un certain nombre d'avantages»
Recteur des Facultés Universitaires Saint-Louis depuis 2003, Jean-Paul Lambert a rempilé depuis l'année passée pour cinq nouvelles années de mandat à la tête de l'université située au centre de Bruxelles. Nous l'avons rencontré afin d'en savoir plus sur son quotidien de recteur.
GUIDO: Vous avez été réélu à la tête de l'université avec plus de 90% des voix en 2008…
Jean-Paul Lambert: Effectivement. En interne, les gens me font confiance, ils ont pu remarquer que l'université avait été correctement gérée et s'était bien développée au cours de mon premier mandat. Je connais aussi beaucoup de personnalités politiques de divers partis qui s'occupent un tant soit peu de l'enseignement supérieur, cela a également dû peser dans la balance lors de ma réélection.
Un recteur accessible
GUIDO: Avez-vous encore l'occasion de donner cours en parallèle à vos fonctions de recteur?
Jean-Paul Lambert: Maintenant plus. Durant ma première année de rectorat, les négociations commençaient autour de la question de Bologne. Etant donné que Françoise Dupuis (la Ministre de l'Enseignement Supérieur de l'époque) convoquaient fréquemment l'ensemble des recteurs pour le lendemain ou le surlendemain, cela m'obligeait à chaque fois à déplacer des cours, ce qui est devenu impossible au bout d'un certain temps. Je me suis donc vu dans l'obligation de laisser tomber mes cours; cela devenait ingérable et pas très correct envers les étudiants.
GUIDO: Ce rapport privilégié avec les étudiants ne vous manque-t-il pas trop?
Jean-Paul Lambert: Je garde encore des contacts avec les étudiants, notamment grâce à l'association étudiante de notre université qui vient me trouver pour toute demande originale. La taille restreinte de l'institution, si on la compare à l'ULB ou à l'UCL, entraîne un contact facile avec le recteur: n'importe qui peut venir me rencontrer, il n'y a pas cinq filtres entre les étudiants et moi-même. J'entretiens également de très bons rapports avec la FEF.
GUIDO: Comment un recteur occupe-t-il le plus souvent ses journées?
Jean-Paul Lambert: Depuis deux ans, je suis beaucoup absorbé par la mise en place d'une université nouvelle par fusion des quatre universités catholiques francophones de Belgique, l'Académie Louvain. Ceci mis à part, je dois assister à beaucoup de réunions de toutes sortes. Je pense par exemple aux étudiants de Saint-Louis qui sont venus récemment réclamer un soutien financier pour le 4L Trophy. Le vrai défi est de gérer le développement des Facultés sur le long terme. Le lobbying politique est également très important, notamment dans le cadre de Bologne ou des fusions actuelles.
GUIDO: Quelles sont les qualités requises pour être un bon recteur?
Jean-Paul Lambert: En premier lieu, il faut avoir une réelle capacité de travail. Ce n'est en effet pas le travail qui manque! Il faut aussi être à l'écoute de ses interlocuteurs et des besoins de sa Faculté. Etre juste dans la répartition des moyens. Avoir un minimum de goût et de sens politique pour prendre les bonnes décisions. Il est aussi utile de faire preuve de caractère pour négocier fermement et accepter les deals proposés.
Pas une lourde bureaucratie
GUIDO: Quelle est selon vous la spécificité des Facultés de Saint-Louis par rapport aux autres universités belges?
Jean-Paul Lambert: Implicitement, notre petite taille joue sur un certain nombre d'avantages. Tout le monde nous reconnaît une bonne qualité d'encadrement et des contacts faciles entre les étudiants et les différents membres du staff, aussi bien les professeurs que le personnel administratif. On n'est pas dans une lourde bureaucratie. On a également fait le pari de s'ouvrir vers d'autres cultures en créant des programmes bilingues ou trilingues en partenariat avec la KUB, ce qui n'existe nulle part ailleurs.
GUIDO: N'avez-vous pas peur de perdre cette spécificité en rejoignant les trois autres universités (UCL, FUNDP, FUCaM) au sein de l'Académie Louvain?
Jean-Paul Lambert: Nous ne voulons pas perdre cette spécificité qui fait notre succès. Nous n'entendions pas nous fondre dans un moule, on n'aurait d'ailleurs jamais accepté une fusion qui nous aurait obligés à nous intégrer à l'UCL par exemple. C'est surtout au niveau de la visibilité internationale que cette fusion se révèlera avantageuse. On regroupera nos destinations Erasmus, ce qui sera tout bénéfice pour nos futurs étudiants. Je pense que tout le monde s'y retrouvera dans ce principe de constitution d'une université nouvelle.
GUIDO: La réforme de Bologne est maintenant bien enclenchée. Quel est votre avis sur ce bouleversement des études universitaires?
Jean-Paul Lambert: Je pense que cette réforme est une chose intéressante pour les étudiants car cela leur permet désormais de faire un deuxième cycle à l'étranger. Ce qui était plus difficile auparavant quand tout était organisé sans concertation. La mobilité étudiante est maintenant beaucoup plus encouragée. Un deuxième élément de Bologne est le calcul en ECTS, ce qui donne une plus grande modularisation des études, un degré de flexibilité plus important. ça offre la possibilité aux étudiants de mieux répartir leurs cours sur leurs années d'université.
GUIDO: Il y a quelques semaines, la FEF a lancé la plate-forme ResPACT visant à réduire le coût des études (www.resPACT.be). Vous avez été l'un des premiers à signer cette charte…
Jean-Paul Lambert: Effectivement. J'ai toujours été très soucieux de l'accès démocratique à l'enseignement supérieur. Je me suis d'ailleurs souvent prononcé à ce sujet, parfois même en prenant le contre-pied de ce que certains recteurs pensaient. Cela fait des mois que j'ai déjà signé la plate-forme ResPACT. Et les choses évoluent dans le bon sens: on note un dialogue entre le conseil des recteurs et les organisations étudiantes, FEF et Unécof.
GUIDO: Vous avez donc rédigé en commun avec la FEF un mémorandum sur le coût des études, en vue des élections.
Jean-Paul Lambert: On leur a demandé de rédiger un projet afin de nous le soumettre. Pour l'essentiel, nous étions d'accord, notamment sur la demande de moyens supplémentaires à donner aux budgets sociaux des universités, pour les logements étudiants, … La FEF voulait exiger qu'il n'y ait plus d'augmentation du minerval, ce que les recteurs ont également signé. C'est un élément neuf; il y a trois ans, je n'aurais jamais imaginé le CREF (le Conseil des Recteurs des Universités Francophones de Belgique) soutenir les étudiants. Ce pacte pour la réduction du coût des études était très bien présenté et a donc recueilli l'approbation des recteurs.
GUIDO: Quels seront les principaux défis de votre prochaine année de rectorat?
Jean-Paul Lambert: On a presque doublé en dix ans, cela devient donc ingérable d'accueillir nos équipes de chercheurs ainsi que les étudiants. Nous avons donc le projet de nous agrandir en construisant un nouveau bâtiment avec de nouveaux auditoires, des bureaux pour nos chercheurs et un Institut des Etudes Européennes. Bien entendu, le grand défi de cette année à venir sera aussi de bien réussir et préparer la fusion de l'université nouvelle afin qu'elle puisse être correctement mise sur pied en septembre 2010. C'est une première mondiale de voir quatre universités fusionner, ce n'est donc pas une mince affaire, cela demande beaucoup de temps et d'investissement.
(SD)