Interview d'Ivan Denis, champion de tir à l'arc
Si, après avoir regardé le film Robin Hood (disponible en DVD et Blu-ray), tu t'es passionné pour la discipline du tir à l'arc, on ne peut que te conseiller de tenir à l'œil Ivan Denis (19 ans), le seul tireur à l'arc belge à se distinguer dans ce sport. Et il a pu saisir sa chance grâce à un statut de sportif professionnel à la Défense. GUIDO a rencontré Ivan pour en savoir plus sur son quotidien hors du commun.
GUIDO: Comment as-tu attrapé le virus du tir à l'arc? En regardant Robin Hood.
Ivan:Non, plutôt grâce à un ami qui faisait du tir à l'arc. Un jour, il m'a proposé d'essayer et, étant donné que je n'en avais jamais réellement entendu parler, j'ai tenté ma chance. Cela m'a tellement plu que je n'ai plus arrêté jusqu'à aujourd'hui.
GUIDO: Tu as rapidement excellé dans la discipline.
Ivan:Rapidement? J'ai commencé en 2001, et depuis tout a évolué pas à pas. Au début, je le faisais pour le plaisir, c'était plutôt un loisir. Jusqu'à ce que j'apprenne que des compétitions existaient. Pour arriver à un tel niveau, il faut naturellement s'entraîner davantage. Je n'étais donc pas encore assez bon pour gagner lors des premiers tournois. Avec un peu plus d'exercice, des entraînements plus poussés, j'ai peu à peu atteint un niveau international.
GUIDO: Officiellement, la dénomination de ton sport est 'tir à l'arc'. C'est correct?
Ivan:Dans le tir à l'arc, on distingue deux disciplines principales: le recurve et le compound. Le recurve s'apparente à l'arc traditionnel, le fameux bâton muni d'une corde, comme on peut en voir dans Robin Hood par exemple. Un rien plus moderne bien évidemment, et fabriqué à partir d'autres matériaux. Sur un compound, on compte davantage d'accessoires. Comme une loupe qui permet de viser plus précisément. Je dois relâcher mon arc avec les doigts alors que les tireurs compound profitent d'un mécanisme spécial pour le faire. Je ne fais que du recurve, car c'est la discipline olympique.
Sportif professionnel à la Défense
GUIDO: En tant qu'écolier, tu étais tellement accaparé par ce sport que tu es devenu 'élève libre'. Qu'est-ce que cela signifie?
Ivan:Avoir de bons résultats sur deux plans est parfois très difficile, et quand je suis arrivé en cinquième secondaire, j'ai choisi de me consacrer au sport. Etait-ce là une bonne décision? Je n'en sais rien, mais j'ai bien pesé les pour et les contre avant de me décider. J'étais également conscient que ce ne serait pas une bonne idée de rester sans diplôme. C'est pour cette raison que j'ai recherché une manière alternative de décrocher mon diplôme de secondaire, la Commission d'Examen de la Communauté Flamande.
GUIDO: Et ça fonctionne comment? Tu ne vas pas à l'école, mais tu passes les examens?
Ivan:Voilà. Tu étudies à ton propre rythme et, deux fois par an, des examens sont organisés à Bruxelles.
GUIDO: Tu as donc réussi à décrocher ton diplôme du secondaire de cette façon. Et ensuite?
Ivan:Un tel diplôme de la Commission d'Examen ayant exactement la même valeur qu'un diplôme classique, j'avais en principe la possibilité d'étudier là où j'en avais envie. Pourtant, je n'ai pas eu envie de renoncer à mon sport. Le tir à l'arc, ce n'est pas comme le tennis ou le football: il est impossible d'en vivre, même au top niveau. J'ai encore une fois choisi une solution inhabituelle: la Défense. L'Armée prévoit environ 45 places pour les sportifs professionnels, surtout pour les jeunes prometteurs, de préférence dans des disciplines olympiques. Je me suis donc porté candidat et j'ai été reçu. J'ai ainsi suivi une formation militaire.
GUIDO: C'est la même chose que l'école militaire?
Ivan:Non, c'est différent. La formation que j'ai suivie doit être suivie par tous les militaires. Elle dure deux mois, une période pendant laquelle je n'ai pas pu exercer mon sport. C'était un petit investissement personnel, car maintenant je suis bien soigné et aidé par la Défense. Et j'ai un salaire fixe.
GUIDO: Que fais-tu à l'Armée? Laisse-moi deviner: tireur d'élite!
Ivan:(rires) Quand même pas! Un sportif professionnel à l'Armée a des obligations, mais nous sommes en premier lieu considérés comme des ambassadeurs de la Défense, surtout en continuant à aligner les performances dans notre sport. En plus de cela, quatre heures par semaine, nous devons venir à la caserne pour effectuer du travail administratif. Quatre heures, ce n'est pas beaucoup, et le reste du temps, je peux le consacrer au tir à l'arc.
GUIDO: Que se passe-t-il si tu fais de mauvais résultats lors de plusieurs tournois?
Ivan:Je suis évalué chaque année. Si je ne réponds pas aux normes, je me retrouve devant une commission. Une année difficile à cause de blessures est toujours possible, c'est défendable, mais s'ils perdent leur confiance en moi, il est alors possible que je perde mon statut de sportif professionnel à la Défense. Je deviendrais alors simplement militaire.
Jeux Olympiques
GUIDO: A quoi ressemble la journée de travail d'un champion de tir à l'arc?
Ivan:En semaine, je me lève à sept heures du matin. Après le petit-déjeuner, je m'entraîne pendant trois heures au tir à l'arc. Après le dîner, je me rends au fitness. Ce sont surtout les abdominaux et la stabilité du tronc qui sont importants pour nous. Je fais ces exercices pendant une à trois heures par jour. Ensuite, douche, souper et repos avant de faire quelques exercices mentaux le soir venu. Les week-ends, les compétitions prennent tout mon temps, de tôt le matin à tard le soir.
GUIDO: N'est-ce pas là une vie trop solitaire?
Ivan:Il est vrai que j'ai un peu dû sacrifier ma vie sociale pour mon sport. Cela n'a pas toujours été évident de trouver un bon équilibre entre le sport et les sorties. Est-ce pour autant que je suis solitaire? Je ne trouve pas. J'ai des personnes autour de moi qui m'encouragent et me comprennent. Je ne suis pas non plus reclus comme un moine, hein! J'ai aussi une vie en-dehors du tir à l'arc. Tous mes amis ne font pas partie de ce sport.
GUIDO: L'adresse n'est-elle pas plus importante que la condition physique pour un tireur à l'arc?
Ivan:Les rapports sont différents sur le plan physique chez nous par rapport à un footballeur ou un marathonien. La technique est ce qu'il y a de plus important. C'est un sport très technique, pour lequel il faut développer une motricité très précise. L'aspect mental est également essentiel. Rester calme, concentré, s'isoler, évacuer son stress. Ce sont ces choses qui font la différence sur le plan international. Tous ceux qui participent à un grand tournoi savent tirer à l'arc, c'est logique. C'est donc sur le mental que cela se joue la plupart du temps. Ce n'est pas pour autant qu'il faut sous-estimer une bonne condition physique de base.
GUIDO: Combien de tireurs à l'arc de ton niveau existent en Belgique à l'heure actuelle?
Ivan:Pour les championnats du monde, on est souvent une délégation d'une vingtaine de personnes. Pour le moment, il n'y a que deux tireurs à l'arc professionnels dans le pays: Sabrina Struyf et moi.
GUIDO: Vous êtes donc toujours champions de Belgique?
Ivan:Pas toujours, mais souvent. (rires)
GUIDO: Tu veux évidemment aller aux Jeux Olympiques?
Ivan:Naturellement. C'est mon objectif principal pour le moment. Tout ce que je fais va dans cette direction. Pour pouvoir participer, je dois décrocher un top 16 dans un Championnat du Monde et un top 8 dans un Championnat d'Europe.
GUIDO: Tu penses parvenir à réaliser cet objectif?
Ivan:Peut-être que ce sera trop tôt pour 2012, peut-être pas. On verra. J'y travaille. Si je n'y arrive pas, j'aurai au moins appris des choses pendant les préparations. Je n'ai que 19 ans, tout est donc encore possible. En tout cas, j'espère bien participer aux Jeux Olympiques de 2016.
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