SINGULIÈRES: Des vêtements inclusifs pour lutter contre les discriminations
Il arrive que des étudiants n’attendent pas la fin de leurs études pour se lancer dans l’entrepreneuriat. La preuve dans cette rubrique qui met en lumière les futurs décideurs de demain. Dans ce numéro, focus sur Sophie Crahay (25 ans), une étudiante en sciences politiques qui s'est lancée en tant qu'entrepreneure dans la mode inclusive.
Pourquoi?
Sophie: J’ai grandi, comme beaucoup de personnes de mon âge, dans une société avec beaucoup de dictats de beauté difficiles à suivre mais surtout avec beaucoup d’insécurités. Un jour, je me suis demandé pourquoi je n’arrivais pas à m’apprécier et c’était simplement parce que je ne voyais jamais des corps comme le mien. En entamant l’aventure, on s’est rendu compte qu’outre les insécurités, il y avait surtout des discriminations faites sur certains corps ou certaines identités de genre. Et on a décidé de faire front commun de toutes ces luttes qu’on nomme, un féminisme intersectionnel.
Le concept?
Sophie: Singulières est un projet d’espace de lutte contre les discriminations. Cet espace permettra aux personnes de la taille 30 à 64 de s’habiller mais également d’être conseillées sur leur image et de discuter sur des thèmes sociétaux qui les concernent. Le milieu de la mode est discriminant, que ce soit par l’aménagement (accès P.M.R., cabines larges pour permettre à tous.tes d’essayer) ou les habits (tailles limitées). Des vêtements en vente jusqu’aux aménagements, en passant par notre communication écrite et visuelle, tout est pensé pour permettre au plus grand nombre de se sentir bien dans notre magasin et, nous l’espérons, les aider à se sentir bien après leur visite. Nous souhaitons créer un espace non-discriminant, une safe-place dans la Cité Ardente. Étant un projet engagé, nous travaillons régulièrement avec le monde associatif liégeois. Nous intégrons automatiquement de la diversité́ et de l’inclusivité́ dans notre communication visuelle (personnes porteuses de handicaps, par exemple), nous menons des actions pour les personnes en situation de précarité́ ou encore discriminées. Nous souhaitons devenir un pôle liégeois de tolérance et de non-discrimination.
Entrepreneure dans l’âme?
Sophie: Pas du tout! J’ai justement rencontré des difficultés avec mes études. J’ai fait une réorientation après avoir raté deux années en droit. Je n’arrivais pas à rester derrière un banc et écouter les cours toute la journée, ce n’était pas un mode de fonctionnement qui me convenait. Lorsque je me suis lancée dans l’aventure, je commençais seulement à apprendre à être rigoureuse, à suivre plus les cours. Le fait d’être entrepreneure à coté a vraiment été un choix réfléchi, avec ma famille notamment, pour ne pas (re)mettre en péril mes études. Et finalement, le fait de pouvoir dépenser mon énergie dans ce projet me permettait de me focaliser encore plus sur mes cours. Singulières a été ces deux dernières années la carotte au bout du bâton.
Le statut étudiant-entrepreneur est-il facile à gérer?
Sophie: Quand j’ai commencé le projet, c’était pendant le Covid et du coup, tout était géré à distance, tant les cours que la création de Singulières. Je ne bénéficiais pas du statut la première année parce que je n’avais pas trop de conflit d’horaire vu que tout était confiné. Cependant, quand la vie a repris, j’ai commencé à avoir beaucoup de difficultés à jongler entre mes rendez-vous professionnels, les cours et les examens. Les aménagements pédagogiques du statut m’ont vraiment permis de mieux gérer mes agendas. Le statut me permet surtout de 'sécuriser' mon année académique. Si un jour je ne sais pas aller à un cours obligatoire, je ne vais pas m’inquiéter de potentielles répercussions sur mes notes. De plus, le corps académique est très compréhensif et a toujours été soutenant (tant que le travail fourni derrière est présent).
À deux, c'est encore mieux?
Sophie: On ne s’est pas lancées en même temps. Margaux est diplômée de l’Académie des Beaux-Arts et exprimait dans son art des valeurs profondément similaires au projet à l’époque. On a commencé à collaborer pour une exposition commune et puis ça a tellement bien matché qu’elle est restée pour le reste de l’aventure. Margaux et moi, on est très proches depuis des années, ce n’est pas une simple connaissance et le fait de se connaître par cœur aide beaucoup. On sait comment communiquer et ça limite énormément les potentiels litiges!
Facile à combiner avec les études?
Sophie: La difficulté du projet n’est pas l’aspect magasin physique, mais plutôt le nombre continuellement grandissant de partenariats avec des associations. Notre projet est social et on doit s’adapter à des horaires flexibles. Mes journées sont doubles, parfois triples, pour pouvoir intégrer toutes mes responsabilités dans 24 heures. Mais ce projet est tellement dans mes tripes que je le fais avec plaisir, c’est une aventure que je ne regrette pour rien au monde!
Des difficultés?
Sophie: Le financement a été compliqué à trouver. Nous sommes jeunes et avec un projet innovant pour un marché en changement. De plus, c’était en situation Covid, par conséquent, les banques étaient assez froides. Mais nous avons pu recevoir de l’aide de particuliers et de coopératives qui financent des projets à impact!
Et après?
Sophie: Finir (enfin) mes études. Ensuite, me focaliser à 100% sur les opportunités que Singulières nous offre! On a plein d’autres projets en tête et je me suis vraiment découvert une passion pour la gestion de projets!