Alice (Domaine de la Faisanderie): «Les logements insolites sont le prétexte idéal pour se ressourcer le temps d'un week-end»
Après un master en presse et information à l’IHECS, Alice Wiliquet (28 ans) entreprend un parcours classique en travaillant dans une agence de communication et de relations publiques. Mais très vite, l'idée d'un projet plus personnel germe en elle et se développe peu à peu. Elle lance ainsi son projet de logements insolites du Domaine de la Faisanderie dans le Brabant Wallon en juillet 2023.
GUIDO: D'où t'est venue l'idée de créer des logements insolites?
Alice: L’idée est partie d’un terrain forestier familial inexploité. J’étais la seule de la famille à pouvoir et vouloir en faire quelque chose et j’ai pensé que ce lieu en pleine nature était idéal pour accueillir des logements nichés dans la forêt et en faire profiter des voyageurs pour de courts séjours.
GUIDO: Pourquoi ce choix de lieu d'évasion?
Alice: Je pense que la plupart des gens ne sont pas assez en contact avec la nature. Dans un travail classique, on passe beaucoup de temps à l’intérieur et encore plus pour ceux qui vivent en ville, la vie en dehors du boulot permet rarement une réelle déconnexion. Ces logements me semblaient être un prétexte idéal pour s’évader le temps d’un week-end, se ressourcer ou juste se reposer loin des tumultes quotidiens.

Des logements perdus en pleine nature
GUIDO: Quels types de logements sont proposés?
Alice: Ce sont des logements de type cabane ou tiny house. Ma volonté était que chaque logement soit 100% original pour ne pas recréer plusieurs fois le même. Le premier logement (Le Terrier) est une cabane de trappeur, petite et cosy, en pleine forêt en bordure de clairière. Le deuxième (La Tanière) est une vraie tiny house fonctionnelle, un peu plus spacieuse et nichée au cœur d’un verger. Le dernier logement (Le Nid), en cours de finition, est une cabane inspirée du nid du Marsupilami. Elle sera un peu plus luxueuse, perdue au milieu des pins et des bouleaux.
GUIDO: Pour quelle raison ne donnes-tu la localisation exacte des logements sur ton site Internet?
Alice: Durant les premiers mois, l’adresse exacte du lieu n’était pas mentionnée sur Google, je la donnais uniquement après réservation mais trop de clients se trompaient d’adresse… J’ai donc finalement ajouté la bonne sur Internet mais en arrivant à l’entrée du domaine, on ne voit aucun logement. De cette façon, le chemin à emprunter jusqu’aux logements reste tout de même secret jusqu’au bout.
GUIDO: Quelles ont été les principales étapes à mettre en place pour la finalisation du projet?
Alice: L'aventure a commencé avec un terrain inexploité et un petit croquis de cabane. Après plusieurs mois de réflexion et un changement de job, on a pu voir la concrétisation des premières étapes: le plan, l’achat du container et sa transformation, les choix techniques, la préparation du terrain, la mise sur roue et déplacement de la cabane, l’aménagement intérieur et enfin la première location. En parallèle, j’avançais sur la partie administrative, mon statut d’indépendante à temps plein et les autorisations.
GUIDO: Quel est le retour le plus fréquent de la part des clients?
Alice: On me dit souvent que les logements sont réellement perdus en pleine nature et que c’est agréable. Souvent, ce genre de logements se retrouvent finalement à côté d’une route ou dans le jardin d’un particulier. Ici, il n’y a aucun vis-à-vis et les différents logements sont fort éloignés les uns des autres, ce que les clients apprécient. Ils apprécient également la proximité avec Bruxelles ou la Flandre et la possibilité de venir en transport en commun ou même à vélo.

La liberté dans son travail
GUIDO: Cet esprit d'entrepreneuriat a-t-il toujours fait partie de toi?
Alice: Plus qu’un réel esprit d’entrepreneuriat au départ, c’était plutôt l’envie de mener mon propre projet et le besoin de liberté dans mon travail. Mais il est vrai que dès la fin de mes études, j’ai pensé à un jour lancer ma propre entreprise. Je pensais qu’il était plus sage de se faire en premier lieu une expérience professionnelle plus classique en tant qu’employée.
GUIDO: Cela été facile pour toi de te lancer dans le grand bain?
Alice: Il a été très facile au début de trouver la motivation, d’avoir les idées créatives, de faire les premiers croquis, etc. En revanche, c'est beaucoup moins facile quand on arrive à la partie administrative et la comptabilité, qui sont toujours actuellement mes bêtes noires. J’ai un peu de mal à déléguer et j’ai fait face à des soucis plus techniques que je ne pouvais pas régler moi-même. J’ai donc dû apprendre à accepter que le projet prenne du retard ou que tout ne se passe pas comme je l’aurais voulu. On finit par beaucoup relativiser.
GUIDO: Être une femme entrepreneuse, est-ce tous les jours facile?
Alice: Je n’ai jamais pensé que ça pouvait être un frein et je ne me suis personnellement jamais mis aucun frein car j’étais une femme. Pour être honnête, je n’ai pas pensé à ça avant de me lancer. Ce que j’ai découvert, c’est qu’effectivement on avait moins de modèles, moins de représentation et j’ai pu parfois me sentir un peu seule dans cette expérience. Il y a aussi des aspects plus "masculins" dans mon travail et je trouve ça un peu frustrant de devoir faire systématiquement appel à des hommes pour ça.
GUIDO: À quoi ressemblent tes journées de travail?
Alice: A l’inverse de la majorité des gens, je travaille plus le week-end que la semaine. Généralement les jours de semaine, je commence toujours par le travail de bureau en matinée (répondre aux mails, gérer les réservations, les paiements, l’administratif) et l’après-midi je vais jusqu’au Domaine (je n’habite pas encore sur place) pour préparer les logements, faire de petites réparations ou checker l’avancée des travaux. Durant les week-ends et les périodes de vacances scolaires (qui comptent beaucoup plus de réservations en semaine), je dois généralement enchaîner le nettoyage et la préparation des logements, l’accueil des clients et la préparation des packs petit-déjeuner ou apéro.

Un domaine à taille humaine
GUIDO: Quelles ont été les principales embûches lors de la réalisation de ton projet?
Alice: D’abord la partie administrative qui peut être très pesante. Ensuite, les aspects techniques dans la construction. Tout prend plus de temps que prévu et je n’ai pas les connaissances suffisantes pour placer l’électricité ou réparer une fuite dans le toit, par exemple.
GUIDO: Certaines scènes du film 'Close' de Lukas Dhont ont été tournées au Domaine, une chouette expérience?
Alice: Les chercheurs de lieux de tournage avaient déjà notre contact suite à un précédent tournage et sont venus sur place pour demander si le lieu était disponible pour une période de deux mois. C’était juste avant la création des logements et la vieille maison présente sur le terrain n’était pas habitée, on n’avait donc aucune raison de refuser. On avait peu d’informations sur le film au début mais on savait que le réalisateur était Lukas Dhont, ça promettait donc une certaine qualité. C’était très amusant de voir le décor se mettre en place! C’était une très chouette expérience, on n’est pas fermé à d’autres tournages tant que ça n’impacte pas les réservations des logements.
GUIDO: Quels conseils donnerais-tu aux jeunes entrepreneurs?
Alice: D’oser se lancer si leur idée leur tient réellement à cœur!
S’il s’agit juste d’une idée business qui pourrait potentiellement rapporter gros mais qu’il n’y a pas de passion ou de valeurs derrière, ça risque d’être un mauvais plan. Je ne dis pas qu’on ne peut pas créer un business lucratif et très bien gagner sa vie, mais je pense que ça ne doit pas être la motivation principale pour un premier projet entrepreneurial. Ne pas avoir peur de l’échec ou de ne pas arriver directement au produit ou au service exact qu’on avait en tête. On peut faire des compromis et tout de même être fier du résultat ou se laisser plus de temps pour s’améliorer.
GUIDO: Comment vois-tu la suite? Souhaites-tu développer d'autres logements?
Alice: J’aimerais développer le Domaine en proposant des activités ou événements en lien avec la cuisine ainsi que le côté potager, verger et ruches (qui sont déjà présents mais à petite échelle). Je ne souhaite pas installer plus de trois logements pour l’instant. L’idée est de garder un lieu à taille humaine en n’ayant aucun vis-à-vis sur les autres logements.
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Photos Alice: © Badger