SOLAR IMPULSE: Une équipe d'ingénieurs européens construit un avion solaire
Bertrand Piccard, le suisse descendant d'une légendaire famille d'aventuriers, fut le premier à faire le tour du monde en ballon. Tandis qu'il parcourait la stratosphère, il a décidé de construire un avion capable de faire le tour du monde grâce à l'énergie solaire.
Ce projet a pris peu à peu forme sous le nom de SolarImpulse . Le mois passé, une équipe d'ingénieurs a atterri à Bruxelles afin d'effectuer un vol d'essai du SolarImpulse à l'Institut Royal Météorologique (IRM) de Belgique. Et GUIDO's Jobwatch était aussi présent pour cet événement.
Quelle famille, ces Piccard. Le grand-père, Auguste, à l'origine du personnage du Professeur Tournesol dans Tintin, fut le premier à parcourir la stratosphère. Son fils Jacques plongea à dix kilomètres de profondeur dans la Fosse des Mariannes. Et maintenant, Bertrand, le petit-fils de Auguste, veut parcourir le monde à bord de son avion expérimental, le SolarImpulse , en n'utilisant que l'énergie solaire. La première grande aventure de Piccard du 21 ème siècle est dans les starting-blocks. Son prix? 40 millions d'euros!
De l'énergie solaire même la nuit
A l'IRM, nous avons rencontré trois figures-clé de l'équipe de SolarImpulse . André Borschberg est le CEO du projet et embarquera à bord de l'avion en compagnie de Bertrand Piccard. Christian Le Liepvre est le directeur des opérations chez Altran , une entreprise de consultance européenne qui assiste le projet SolarImpulse sur le plan des innovations technologiques. Et enfin, Luc Trullemans, monsieur météo de RTL mais aussi router à l'IRM, qui suivra les simulations et le vol réel sur le plan météorologique.
"En 2010 ou 2011, nous espérons faire le tour du monde à bord du SolarImpulse ," nous explique le pilote André Borschberg . "Ce n'est pas une simple cascade, mais plutôt un symbole. On veut montrer que la technologie peut être adaptée en fonction de l'environnement. SolarImpulse fonctionnera à 100% à l'énergie solaire, et le plus dur, c'est que nous devrons aussi voler la nuit."
Est-ce là une première? Borschberg: "En quelque sorte oui, bien que SolarImpulse ne soit pas le premier avion fonctionnant à l'énergie solaire. Déjà en 1981, des tests ont été effectués sur des engins avec ou sans équipage, mais ceux-ci ne pouvaient voler qu'en journée, entre 10 et 16 heures, quand le soleil était à son apogée. Seul le Helios , en 2001, a pu voler la nuit (sans équipage) mais il a échoué en plein vol à cause des turbulences. Nous voulons voler toute la nuit. Pour ce faire, nous monterons un maximum en journée et nous chargerons l'énergie des panneaux solaires dans des batteries afin de les utiliser la nuit et descendre quelque peu afin d'économiser de l'énergie acquise."
SolarImpulse est un énorme avion, mais qui ne pèse que relativement peu. "C'est vrai," répond Borschberg. "Nous devons prendre beaucoup de facteurs en compte lors de la construction, mais le poids est peut-être le point le plus important. SolarImpulse a une envergure de 80 mètres, tout comme un Airbus 380 , mais il ne pèse que 2 tonnes, contre 560 tonnes pour l' Airbus . Nous utilisons des panneaux solaire qui donnent un rendement de 20%. Il en existe avec un meilleur rendement, mais ceux-ci pèsent trop lourd, nous avons donc du faire un compromis, justement afin de limiter ce poids. C'est pourquoi aussi il n'y a de place que pour une personne, et dans la cabine la pression atmosphérique est maintenue à niveau par un minuscule moteur qui ne pèse que quelques centaines de grammes. La puissance moyenne de l'avion n'est pas plus de 12 PK. Ce qui est aussi peu que lors du viol pionnier des frères Wright en 1903. A titre de comparaison: un avion privé pour 4 personnes possède une puissance de 250 PK.
L'engin n'est-il pas alors trop lent? "En effet. Nous allons voler en étapes, car un tour du monde non-stop à l'énergie solaire est pour l'instant impossible sur le plan technologique. Nous avons prévu cinq étapes, chacune de trois jours en l'air, pilotée en rotation par Bertrand Piccard et moi-même. Quinze jours de vol au total, et si l'on prend en considération le temps à terre, l'expédition prendra environ un mois à être réalisée. Nous ne pourrons pas voler à plus 120 à 130 km à l'heure. Et cela dépend aussi des conditions météorologiques."
Des semences d'innovation
Les conditions météorologiques! C'est le boulot du météorologue Luc Trullemans de l'IRM. Quelques semaines avant notre rencontre, il a assisté le premier vol virtuel du SolarImpulse au sein de l'Observatoire. Une simulation virtuelle par ordinateur d'un vol de Dubai aux Emirats Arabes Unis à Shenzhen en Chine, mais en tenant compte des conditions météorologiques réelles à ce moment précis. "Il faisait un temps parfait pour décoller," déclare Luc Trullemans. "Pourtant, nous avons eu quelques sueurs froides quand des nuages de mauvais temps ont commencé à se former, mais cela n'a pas été un problème pour finir. Nous volions d'Ouest en Est, et le but était de trouver le 'couloir' le plus adapté, avec un bon vent et beaucoup de soleil. On devait également éviter les moussons et – surtout – le cyclone Chanchu qui avait fait tant de dégâts aux Philippines et qui ravageait la côte Sud de la Chine juste après notre décollage."
L'IRM n'est pas le seul partenaire de SolarImpulse . La plus grande partie du budget vient des sponsors principaux: Solvay et Omega . L'Université de Lausanne ( EPFL ) dispense un avis scientifique, l'Agence Spatiale Européenne ESA met sa technologie à disposition et le constructeur d'avions Dassault apporte son savoir-faire lors de la construction. Mais le vrai génie et les nouvelles technologies radicales viennent du groupe Altran , le engineering partner de SolarImpulse qui emploie 16.000 ingénieurs dans 19 pays européens. L'ingénieur Christian Le Liepvre est le leader de la collaboration entre Altran et SolarImpulse . "Lorsque Bertrand Piccard a présenté son projet de tour du monde à bord d'un avion solaire, nous n'avons pas dû y réfléchir à deux fois: on voulait à tout prix y collaborer. Pourtant, il est apparu très vite que ce projet ne serait pas des plus faciles: il y a énormément de paramètres à prendre en compte. Nous avons quand même tenu à le mener à terme, car c'est vraiment un projet pour le 21 ème siècle. Nous sommes en train aujourd'hui de planter des semences d'innovation, et qui sait quelles applications pratiques en découleront dans le futur."
Une des plus grandes responsabilités de l'équipe technologique est la sécurité du pilote. Christian Le Liepvre en est plus que conscient: "Notre job n'est pas de prendre des risques, mais de lancer de nouvelles technologies. SolarImpulse doit voler, mais doit aussi être sans risque pour les pilotes. C'est pour cette raison que nous devons investir autant de temps et d'efforts que possible dans les tests et des simulations comme ici à l'IRM. C'est le boulot de nos ingénieurs de mettre tout et tout le monde sur le bon chemin, d'obtenir une collaboration optimale entre toutes les disciplines différentes, et ce malgré la difficulté de cette tâche."
Pour conclure, encore un mot sur la sécurité. Quand Lindbergh a traversé pour la première fois l'océan, il n'avait pas de parachute sur lui car cela représentait un poids supplémentaire. Qu'en est-il du SolarImpulse ? "Oui, nous allons emporter un parachute," sourit Borschberg. "Le pilote et son matériel représentent 150 kg. C'est pour cela que nous avons besoin de cette envergure énorme de 80 mètres. Sans pilote, on aurait très bien pu la réduire à 15 mètres, mais alors il n'y a plus vraiment d'aventure…"
(HDP)
www.solarimpulse.com
www.altran.com/be
www.kmi.be