Anne Dubois, EMI: Faire la promo de Robbie Williams, Radiohead et Blur, qui dit mieux?
Qu’ont en commun David Bowie, Robbie Williams, Lenny Kravitz, Genesis et Offspring? EMI. C’est très certainement le producteur de musique le plus important en ce qui concerne les copyrights. Ils comptent en effet plus d’un million de compositions musicales et de bureaux dans 30 pays. Leur répertoire inclut aussi bien de la pop, de la country que de la musique classique. Le but de cette maison de disques est de découvrir et de promouvoir de nouveaux artistes doués et de les faire connaître dans le monde entier.
Quel passionné de musique ne rêverait pas d’un poste dans une maison de disques? Anne Dubois, Promotion Manager chez EMI, a saisi cette chance au vol et ne compte certainement pas la laisser filer de si tôt.
GUIDO: Quel a été ton parcours scolaire?
Anne Dubois: J’ai habité à Gent et j’ai donc fait mes rénovés en langues modernes là-bas après trois ans en français. J’ai donc deux diplômes, un en français et un en néerlandais. Après, j’ai été habité un an aux Etats-Unis avec le Rotary Club, en Illinois. En sortant de là, j’avais trois langues mais aucune idée de ce que je voulais vraiment faire. J’ai fait Sciences Po à l’ULB, un peu le schéma classique pour les indécis.
GUIDO: Ensuite, quels ont été tes premiers boulots?
Anne Dubois: J’ai commencé à travailler chez Banksys, je n’aimais pas l’idée de ne rien y faire, de rester tout le temps derrière un ordinateur. Cette routine (9h-18h) m’embêtait vraiment! Ensuite, j’ai plutôt recherché un boulot dans l’artistique et la communication. Le problème, c’est que je n’avais pas le diplôme adapté ni d’expérience dans le domaine. J’ai travaillé à la Régie Média Belge dans le département cinéma autour de la publicité. J’ai donc appris sur le tas. A côté de mon bureau, j’ai rencontré quelqu’un de MCM qui m’a dit qu’une place se libérait chez EMI. J’ai tout de suite postulé et le soir-même de l’interview, le patron de EMI me téléphonait pour me proposer la place.
Chouchouter les artistes, un travail à plein temps GUIDO: Pourrais-tu nous définir ce qu’englobe EMI Group?
Anne Dubois: EMI Group est l’appellation générale qui englobe plusieurs labels différents (Capitol sous lequel il y a Parlophone qui a entre autres signé Bowie et les Beatles, Virgin qui a été racheté par EMI, Blue Note, le label de jazz et un autre label plus dance, Antler).
GUIDO: En quoi consiste le travail d’une attachée de presse?
Anne Dubois: Il y a plusieurs aspects. On s’occupe de l’airplay sur les radios. On reçoit chaque semaine des releases (des singles et des albums) et on va les placer en radio. C’est donc un boulot très relations publiques car il faut aller visiter personnellement nos radios. On “vend” alors nos produits. On fait un petit peu la genèse du morceau et on l’explique. Les gens n’achètent pas ce qu’ils n’entendent pas, donc il faut parfois un peu pousser pour certains titres alors que d’autres sont pris directement. L’airplay est très important car il faut placer un maximum de titres et le maximum de fois. A côté de cela, on fait des concours, des albums de la semaine. On fait des actions et, en échange, les radios nous donnent un maximum d’airplay, 4 à 5 passages de l’extrait en question. Par exemple, l’album de la semaine sur Radio 21, c’est pour le moment Blur. Il y a aussi un aspect très promotionnel: on se débrouille avec nos pendants anglais, français et néerlandais pour faire venir des artistes en promotion en faisant une journée de presse. On fait un schéma des médias les plus pertinents pour vendre notre album: par exemple, on planifie une session acoustique sur Radio 21, une interview avec Télé Moustique, de Morgen, Humo... selon les exigences du management et de l’artiste lui-même. Par exemple, ce week-end, j’ai été à Londres faire de la promotion avec Radiohead. C’est Londres qui organise une journée internationale de promo avec des demi-heures prévues pour chaque pays. Il faut alors prévoir un chauffeur, aller les chercher à l’aéroport, s’occuper d’eux, arrêter les interviews à temps, ne pas être en retard sur le planning pour faire en sorte que les interviews se passent le mieux possible.
GUIDO: Tu n’as donc pas vraiment de journée-type?
Anne Dubois: Non, c’est un pur boulot de relations publiques où il n’y a pas du tout de routine. On fait énormément de concerts aussi. Mais, dans l’industrie du disques en Belgique, il faut bien distinguer le promoteur de concerts et la maison de disques. Par contre, pour travailler en symbiose avec les promoteurs de concerts (Clear Channel), on coordonne aussi des journées de promo les jours de concerts.
La passion avant tout GUIDO: Que conseillerais-tu aux étudiants désireux d’emprunter la même voie?
Anne Dubois: Il n’y a pas de schéma spécifique à suivre. Il n’y a pas que le départment promo dans une maison de disques, il y aussi le service comptabilité, le service informatique... Ici, c’est tout à fait la même chose que dans toutes les boîtes. La cellule de promo est un peu différente du product manager qui est plus orienté marketing. Il faut être passionné, il ne faut surtout pas faire ça pour l’argent. Avec un concert qui commence à 21h, parfois tu travailles 15 heures non-stop. Il ne faut pas commencer à compter ses heures. Le jour où je compterai mes heures, je ne le ferai plus. Il faut être investi dans ce que l’on fait.
GUIDO: As-tu de bons rapports avec les artistes?
Anne Dubois: En général, les artistes sont très chouettes, ce sont les managers qui ont le plus de pression car ils ont tendance à surprotéger leurs artistes, ce qui est normal. Ils sont là pour faire barrière entre les artistes et la floppée de fans. Les artistes, eux, montent sur scène et boivent une bière après le concert, les managers aussi mais vu qu’ils doivent s’occuper de tout, ils sont nettement plus stressés.
GUIDO: Dois-tu vraiment aimer tous les styles musicaux dans un tel boulot?
Anne Dubois: C’est très dur. Tu sais très bien que tu ne peux pas aimer tous les groupes. Je suis très fière de pouvoir faire la promo de groupes que je n’aime pas. J’arrive quand même à m’éloigner de ça. J’essaie de le faire aussi bien pour tous les artistes du répertoire mais c’est clair que tu ne peux pas aimer tout le catalogue, c’est impossible.
Les CD copiés, c’est la mort de nos artistes GUIDO: Tu as été juge au Dour Indoor Festival (ndlr: un festival au cours duquel se tenait une compétition pour désigner deux groupes qui iraient au festival de Dour), que penses-tu de la scène belge actuelle?
Anne Dubois: Il y a une nette différence entre la Flandre et la Wallonie. Du point de vue des goûts musicaux, les Flamands acceptent plus vite un titre inconnu, ils sont plus avant-garde. Par contre, les Wallons sont très fidèles. Avec les Flamands, il faut à chaque fois refaire tes preuves. Les Wallons sont donc un peu plus lents sur les nouveaux projets, ils attendent plus de voir ce qui se passe autour du disque, dans ce sens, ils sont plus suiveurs.
GUIDO: Quel est ton avis sur le copiage des CD?
Anne Dubois: Les maisons de disque ont maintenant certaines difficultés, dûes au downloadage massif, au copiage de CD. Cet argent, nous nous en servons pour signer des artistes locaux, belges. Si il n’y a pas d’argent, ça devient très cher. C’est donc bizarre de voir des petits groupes copier massivement des CD et qui t’envoie une démo après pour avoir un contrat chez nous.
GUIDO: Quels sont les avantages et les inconvénients de ta situation?
Anne Dubois: Moi, je n’aime pas la routine mais l’horaire peut être vu à la fois comme un avantage et un inconvénient. Ca te laisse très peu de place pour ta vie sociale. Tu vis avec ton boulot, tu dois être présent et disponible pour les collègues. Par contre, il y a une certaine solidarité entre nous: quand un collègue a des problèmes pour faire quelque chose, on va l’aider et le dépanner. De toute façon, il fera la même chose pour nous plus tard. Et les avantages sont flagrants!
GUIDO: Et pour la suite?
Anne Dubois: Ca ma plairait bien de travailler dans un autre pays comme l’Angleterre. Mais, j’aime la promo et je veux continuer dans ma situation actuelle. Les autres postes dans une maison de disques ne me semblent pas aussi attrayants que la promo.
Infos:
www.emimusic.com(SD)