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04/12/2002

TOM KLUYSKENS: Le Seigneur des Pixels

"Quelques secondes du film peuvent faire l’objet d’une heure de documentaire"
Le film Les Deux Tours, la deuxième partie de la célèbre trilogie Le Seigneur des Anneaux du célèbre metteur en scène néo-zélandais Peter Jackson, sortira en salle le 18 décembre. En restant assis dans la salle après la projection du film, vous verrez défiler parmi tous les patronymes kiwis, un nom à consonance flamande: celui du Gantois Tom Kluyskens (28) pour sa contribution aux effets numériques révolutionnaires du film.

Nous appelons Tom, qui travaille et vit en Nouvelle-Zélande depuis plus de six mois et pour qui le travail dans le cadre du film Les Deux Tours vient de s’achever hier. Alors que l’horloge de la rédaction au Guido n’affiche que huit heures du matin, à Wellington, le soleil se couche. Who watches the watchmen? Jobwatch!

Tom: C’est en ce qui me concerne «a dream come true». Lorsque j’ai lu pour la première fois Le Seigneur des Anneaux – j’avais alors 14 ou 15 ans -, je me suis dit: si on réalise jamais un film à partir de ce bouquin, je serai de la partie. Bien sûr, on fabule beaucoup à cet âge-là, mais j’ai continué à y croire, tout en restant persuadé que personne ne serait assez cinglé pour entreprendre une adaptation du livre au cinéma. Et pourtant, force est de constater que Peter Jackson l’a fait. Rien d’anormal à ce que ce soit par un Néo Zélandais d’ailleurs, ces mecs sont tous timbrés. (rires)

Des logiciels magiques

Tom avait entamé des études d’ingénieur civil à Gand, une soupape de sécurité qu’il mit de côté pour laisser libre cours à sa créativité. C’est sur un Powermac, pour l’achat duquel il avait épargné, que Tom commença à développer des effets 3D, tout en travaillant dans un cybercafé. Alors qu’il était sur le point de quitter l’université pour rejoindre la Filmakademie dans le Bade Wurtemberg en Allemagne, un cadeau tombé lui est tombé du ciel, un job chez Alias|Wavefront, une entreprise canadienne de développement de logiciels ayant une implantation à Gand.

Tom: Les logiciels que ces types-là créent sont, pour tous ceux qui travaillent sur PC dans la 3D, un peu comme la Mecque: Maya, c’est le Windows du 3D, si tu préfères. C’est avec cette plate-forme que l’on réalise de nos jours pratiquement tous les effets numériques dans les films. Un produit magique qui permet de faire des trucs tellement fantastiques que tu restes béat d’admiration en les regardant. Ils m’ont mis à l’essai, engagé et j’ai bossé là pendant quatre ans. Une fabuleuse école pour apprendre; à force, je suis devenu expert en Maya. Lorsque les affaires ont commencé à moins bien tourner dans le secteur des logiciels et qu’Alias|Wavefront a été obligé de licencier des gens, je me suis porté volontaire pour partir car je pensais depuis longtemps au Seigneur des Anneaux. Quatre ans plus tard, j’ai estimé que j’étais fin prêt.

Du travail de pionnier

Tom a postulé chez Weta à Wellington, en Nouvelle-Zélande, où il a commencé à travailler au début de cette année. L’entreprise a en charge tous les effets spéciaux de la trilogie de Peter Jackson.

Tom: A l’origine, Weta était une entreprise qui s’occupait d’effets pratiques, confectionnait des épées et des costumes pour Xena, La Princesse Guerrière, etc. Elle a finalement été chargée de créer des effets numériques pour Peter Jackson. La branche Weta.Digital a alors été mise sur pieds, des centaines de collaborateurs sont venus grossir les effectifs, et tous s’occupent, à l’heure actuelle, du Seigneur des Anneaux.

GUIDO: En quoi consiste précisément votre fonction?

Tom: Je suis Environment TD, TD pour technical director. Artiste technique, si tu préfères. Mon travail consiste à insérer des objets 3D dans un décor de film réel ou bien l’inverse. Du travail de pionnier, parce que cela fait peu de temps que tout ces trucages sont réalisés en 3D. Et c’est justement parce qu’il s’agit d’un travail de pionnier que nous sommes un peu la 'poubelle' de Weta et que l’on nous refile un tas d’autres trucs. J’ai par exemple travaillé sur la chute du Balrog à l’issue du combat avec Gandalf. Une scène très spectaculaire. Tout est numérique, sauf Gandalf que l’on est venu ajouter à posteriori. Tout ça pour dire que le département environment s’occupe encore d’un tas d’autres choses complètement différentes. Du feu numérique, de l’eau numérique, de la fumée numérique… Ca ne dure pas plus de 90 secondes, mais ça reste vachement spectaculaire.

GUIDO: Combien de temps pour réaliser ces 90 secondes?

Tom: A vingt, cela représente environ quatre mois de travail. Des sommes colossales sont investies. Du travail de bénédictin, que nous sommes parfois amenés à réaliser deux fois pour obtenir deux versions afin de prendre la meilleure. Quelques secondes du film peuvent faire l’objet d’un documentaire d’une heure, il faut le voir pour le croire. C’est vraiment phénoménal.

Mieux que George Lucas

GUIDO: A quoi ressemble une journée de travail classique chez Weta.Digital?

Tom: En arrivant au bureau, je m’assieds pour lire mes mails, puis j’ouvre Maya. Je travaille sur un shot, une séquence de film qui contient quelques centaines de frames. Une seconde de péloche contient 24 frames. J’ouvre mon shot et y travaille toute la journée. Le travail à proprement parler est, cela se conçoit, très différent d’un travail shot to shot. Il faut parfois ajouter du feu, parfois de l’eau, et parfois il faut remplacer l’arrière-plan ou animer un doigt, sculpter un arbre…

GUIDO: Il y a des shots qui ne nécessitent pas de traitement numérique?

Tom: Bien évidemment. Pour Les Deux Tours, nous en avons produit 93 minutes et le film dure 3 heures. La moitié environ est traitée de manière numérique.

GUIDO: George Lucas a reçu une avalanche de critiques pour son Episode I qui est presque uniquement numérique. Il est très surprenant que très peu de critiques aient été formulées à propos de La Communauté de l’Anneau.

Tom: Notre travail est naturellement valorisé par la qualité exceptionnelle de l’histoire et le très grand talent de notre metteur en scène; c’est d’abord le film que nous voyons, puis seulement le marketing. Nous avons tous ici un immense respect pour Peter Jackson. Puis, le personnage a beaucoup de charisme. Personne aux Etats-Unis n’oserait se lancer dans pareille aventure. Beaucoup de risques ont été pris mais l’aura du projet est telle que chacun de nous place en lui une énorme confiance.

GUIDO: Vous valez peut-être simplement mieux que Industrial Light + Magic, la boîte d’effets spéciaux de George Lucas?

Tom: (hésitations) Bien, il est de notoriété publique que le travail que nous produisons est tout au moins différent. ILM produit des effets 3D très clean. Il est indéniable qu’ils soient spectaculaires mais ils ne surprennent plus car ils sentent énormément le faux.

Des acteurs numériques

GUIDO: Dans Les Deux Tours, la créature gélatineuse Gollum a un rôle important. Est-elle numérique?

Tom: Oui, complètement, mais sa création repose sur une approche tout à fait novatrice. Toutes les scènes ont été réalisées avec un mime, Andy Serkis, ce qui a permis l’interaction physique avec les autres acteurs. Ses mouvements ainsi que l’expression de son visage ont d’abord été filmés, puis, avec les ordinateurs, nous l’avons complètement transformé dans le film et remplacé par un personnage numérique. Il s’agit d’une technique révolutionnaire qui produit des effets d’épouvante hallucinants. Il est absolument fabuleux que le rôle d’un personnage numérique soit aussi convaincant.

GUIDO: Nous assistons également à des combats entre des armées gigantesques. Cela doit représenter un travail colossal.

Tom: Oui et non, car nous savions pertinemment que nous serions confrontés à de semblables scènes. Il existe un logiciel spécial pour ça: c’est Massive, qui travaille pratiquement de manière automatique. En théorie, il est possible de faire s’affronter deux armées de 100.000 hommes, en appuyant sur un bouton, de lancer le combat puis d’attendre de voir ce qu’il se passe. Chaque petit soldat virtuel a un cerveau qui est programmé par un ensemble de technical directors. Ce cerveau peut voir et entendre, il connaît sa destination, éprouve ou non de la peur, etc. Tous ces petits soldats réagissent par conséquent aux impulsions données par leur environnement. C’est un peu comme un jeu informatique, assez déconcertant à voir. Si dans Les Deux Tours, il s’agit d’armées de 50.000 hommes, dans Le Retour du Roi, on peut s’attendre à des armées d’un demi million. (rires)

GUIDO: Au fait, êtes-vous directement sous les ordres de Peter Jackson?

Tom: Absolument, c’est ce qui est fantastique. Deux à trois fois par semaine, il analyse en notre présence les shots qui sont déjà pratiquement terminés et nous profitons directement de ses commentaires.

GUIDO: Encore un an de boulot pour Le Seigneur des Anneaux. Et puis?

Tom: Puis, on verra bien. Une pause en Espagne est prévue ainsi qu’un peu de relaxation, ensuite, on verra bien ce qui se présente.

GUIDO: Vous avez à présent l’arme fatale en poche.

Tom: Je suis également de cet avis. J’entends dire la même chose par des gens qui sont partis après le film 1: The Lord of the Rings is the magic word. D’ailleurs, à l’ambassade de Nouvelle-Zélande à Bruxelles, ma femme et moi n’avons eu qu’à prononcer le titre du film pour recevoir sur-le-champ un visa de travail d’une durée de 9 mois. (rires)

Herbert De Paepe

www.lordoftherings.net
www.wetafx.co.nz


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